Idylle de pauvres:Jean RICHEPIN
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Idylle de pauvres:Jean RICHEPIN
Idylle de pauvres
L'hiver vient de tousser son dernier coup de rhume
Et fuit,
emmitouflé dans sa ouate de brume.
On ne reverra plus, avant qu'il soit
longtemps,
Sur la vitre, allumée en prismes éclatants,
Fleurir la fleur
du givre aux étoiles d'aiguilles.
Voici qu'un frisson monte à la gorge des
filles !
C'est le printemps. Salut, bois verts, oiseaux chanteurs,
Ciel
délicat ! La brise, où flottent des senteurs,
Apports on ne sait d'où les
amoureuses fièvres ;
Et des baisers, errants dans l'air, cherchent des
lèvres.
Mais le dur paysan retourne à ses travaux.
Pour lui,
qu'importe avril et ses désirs nouveaux ?
Ce qu'il sait seulement, c'est
qu'il faut quitter l'âtre,
Qu'il faut recommencer la lutte opiniâtre
Contre la terre en rut, buveuse de sueurs.
Et le chant des oiseaux,
l'aube aux fraîches lueurs,
Les papillons, l'azur, lui disent : - Prends ta
blouse
Et travaille. La terre est ta femme jalouse
Et veut que tu sois
tout à elle, et tout le jour.
Féconde-la, vilain, sans penser à l'amour.
-
Et le dur paysan baise la terre grise
Sans humer les senteurs qui
flottent dans la brise,
Sans ouvrir sa poitrine aux souffles
embrasés.
Où vous poserez-vous, vols errants de baisers,
Essaim
tourbillonnant des amoureuses fièvres ?
Heureusement pour vous que les
gueux ont des
lèvres.
...................................................
(Ici deux
gueux s'aimaient jusqu'à la pâmoison,
Et cela m'a valu trente jours de
prison.)
...................................................
Ô
gueux, enivrez-vous de l'amour printanière !
Allez, sous le buisson qui vous
sert de tanière,
Personne ne vous voit que le bois et le ciel.
L'abeille, qui bourdonne en butinant son miel,
Ne racontera pas les
choses que vous faites.
Le papillon, joyeux de voir les champs en fêtes,
Vole sans bruit parmi la plaine aux cent couleurs,
Et pour vous imiter
conte fleurette aux fleurs.
Seul, un oiseau, perché sur la plus haute
feuille,
Entend les mots qu'on dit et les baisers qu'on cueille,
Et
semble se moquer de vous, le polisson !
Mais tout ce qu'il raconte en l'air
n'est que chanson.
Aimez-vous ! Savourez, loin du monde et des hommes,
Ce qu'on a de meilleur sur la terre où nous sommes !
Pâmez-vous dans les
bras l'un de l'autre sans fin !
Abreuvez votre soif d'aimer ! A votre faim
Repaisses-vous longtemps de caresses trop brèves !
Vivez cette minute
ainsi qu'on vit en rêves !
Dans le débordement de ce fleuve vermeil
Noyez les jours sans pain, et les nuits sans sommeil,
Et tout ce qui
vous reste à vivre dans la dure !
Ô gueux, soyez heureux ! L'amour vous
transfigure.
Malgré vos pauvretés, vous êtes riches, beaux.
De l'amour
éternel vous portez les flambeaux.
Oui, l'amour qui fait battre à l'instant
votre artère,
C'est celui qui féconde autour de vous la terre
C'est
celui dont la brise apporte les senteurs,
C'est celui des bois verts et des
oiseaux chanteurs,
Celui qui fait gonfler les seins comme des voiles,
Celui qui dans les cieux fait rouler les étoiles,
C'est l'amour éternel
que tout veut apaiser
Et par qui l'univers n'est qu'un vaste baiser.Jean RICHEPIN
L'hiver vient de tousser son dernier coup de rhume
Et fuit,
emmitouflé dans sa ouate de brume.
On ne reverra plus, avant qu'il soit
longtemps,
Sur la vitre, allumée en prismes éclatants,
Fleurir la fleur
du givre aux étoiles d'aiguilles.
Voici qu'un frisson monte à la gorge des
filles !
C'est le printemps. Salut, bois verts, oiseaux chanteurs,
Ciel
délicat ! La brise, où flottent des senteurs,
Apports on ne sait d'où les
amoureuses fièvres ;
Et des baisers, errants dans l'air, cherchent des
lèvres.
Mais le dur paysan retourne à ses travaux.
Pour lui,
qu'importe avril et ses désirs nouveaux ?
Ce qu'il sait seulement, c'est
qu'il faut quitter l'âtre,
Qu'il faut recommencer la lutte opiniâtre
Contre la terre en rut, buveuse de sueurs.
Et le chant des oiseaux,
l'aube aux fraîches lueurs,
Les papillons, l'azur, lui disent : - Prends ta
blouse
Et travaille. La terre est ta femme jalouse
Et veut que tu sois
tout à elle, et tout le jour.
Féconde-la, vilain, sans penser à l'amour.
-
Et le dur paysan baise la terre grise
Sans humer les senteurs qui
flottent dans la brise,
Sans ouvrir sa poitrine aux souffles
embrasés.
Où vous poserez-vous, vols errants de baisers,
Essaim
tourbillonnant des amoureuses fièvres ?
Heureusement pour vous que les
gueux ont des
lèvres.
...................................................
(Ici deux
gueux s'aimaient jusqu'à la pâmoison,
Et cela m'a valu trente jours de
prison.)
...................................................
Ô
gueux, enivrez-vous de l'amour printanière !
Allez, sous le buisson qui vous
sert de tanière,
Personne ne vous voit que le bois et le ciel.
L'abeille, qui bourdonne en butinant son miel,
Ne racontera pas les
choses que vous faites.
Le papillon, joyeux de voir les champs en fêtes,
Vole sans bruit parmi la plaine aux cent couleurs,
Et pour vous imiter
conte fleurette aux fleurs.
Seul, un oiseau, perché sur la plus haute
feuille,
Entend les mots qu'on dit et les baisers qu'on cueille,
Et
semble se moquer de vous, le polisson !
Mais tout ce qu'il raconte en l'air
n'est que chanson.
Aimez-vous ! Savourez, loin du monde et des hommes,
Ce qu'on a de meilleur sur la terre où nous sommes !
Pâmez-vous dans les
bras l'un de l'autre sans fin !
Abreuvez votre soif d'aimer ! A votre faim
Repaisses-vous longtemps de caresses trop brèves !
Vivez cette minute
ainsi qu'on vit en rêves !
Dans le débordement de ce fleuve vermeil
Noyez les jours sans pain, et les nuits sans sommeil,
Et tout ce qui
vous reste à vivre dans la dure !
Ô gueux, soyez heureux ! L'amour vous
transfigure.
Malgré vos pauvretés, vous êtes riches, beaux.
De l'amour
éternel vous portez les flambeaux.
Oui, l'amour qui fait battre à l'instant
votre artère,
C'est celui qui féconde autour de vous la terre
C'est
celui dont la brise apporte les senteurs,
C'est celui des bois verts et des
oiseaux chanteurs,
Celui qui fait gonfler les seins comme des voiles,
Celui qui dans les cieux fait rouler les étoiles,
C'est l'amour éternel
que tout veut apaiser
Et par qui l'univers n'est qu'un vaste baiser.Jean RICHEPIN
chadiya madihi- Nombre de messages : 957
Date d'inscription : 28/06/2008
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