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Honorat de Bueil, seigneur de RACAN

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Honorat de Bueil, seigneur de RACAN Empty Honorat de Bueil, seigneur de RACAN

Message par julien Lun 26 Avr - 8:08


  • Honorat de Bueil, seigneur de RACAN (1589-1670)

Bussy, nostre Printemps s'en va presque expiré


Ode

Bussy, nostre Printemps s'en va presque expiré,
Il est temps de joüyr du repos asseuré,
Où l'âge nous convie.
Fuyons donc ces grandeurs qu'incensez nous suivons
Et sans penser plus loin joüissons de la vie
Tandis que nous l'avons.

Donnons quelque relasche à nos travaux passez,
Ta valeur et mes vers ont eu du nom assez
Dans le siecle où nous sommes,
Il faut aimer nostre aise et pour vivre contens
Acquerir par raison ce qu'enfin tous les hommes
Acquierent par le temps.

Que te sert de chercher les tempestes de Mars,
Pour mourir tout en vie au milieu des hazards
Où la gloire te meine ?
Cette mort qui promet un si digne loyer
N'est tousjours que la mort qu'avecque moins de peine
L'on trouve en son foyer.
julien
julien

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Honorat de Bueil, seigneur de RACAN Empty Choeur des jeunes bergers

Message par julien Lun 26 Avr - 8:09


  • Honorat de Bueil, seigneur de RACAN (1589-1670)

Choeur des jeunes bergers



Sus, Bergers, qu'on se réjouisse,
Et que chacun de nous jouisse
Des faveurs qu'Amour lui départ :
Ce bel âge nous y convie,
On ne peut trop tôt ni trop tard
Goûter les plaisirs de la vie.

Suivons ce petit Roi des âmes,
De qui les immortelles flammes
Gardent Nature de périr :
Choisissons-le pour notre maître,
Et ne craignons point de mourir
Pour celui qui nous a fait naître.

Les oiseaux des bois et des plaines
Chantent leurs amoureuses peines,
Qui renaissent au renouveau,
Glorieux au mois où nous sommes,
De brûler du même flambeau
Qui brûle les Dieux et les hommes.

L'Astre doré qui sort de l'onde,
Promet le plus beau jour au monde,
Que puissent choisir nos désirs :
Tout rit à sa clarté première,
Qui semble apporter les plaisirs
En nous apportant la lumière.

Déjà les plus belles Bergères
Sont assises sur les fougères,
Chacune avecques son Amant :
Un beau feu leur âme consume,
Et nous autres sans mouvement
Sommes encore dans la plume.

Fuyons cette molle demeure.
Il faut chérir cette belle heure
Pendant qu'on en est possesseur :
Tout le reste de la journée
N'a rien d'égal à la douceur
Des plaisirs de la matinée.

En l'Orient de nos années
Tout le soin de nos destinées
Ne tend qu'à nous rendre contents,
Les délices en sont voisines,
Et l'Amour ami du Printemps,
A plus de fleurs, et moins d'épines.

Lorsque ce bel âge s'écoule,
Les soucis nous viennent en foule,
Vénus se retire autre part :
Conservons-en toujours l'envie :
On ne peut trop tôt ni trop tard
Goûter les plaisirs de la vie.
julien
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Honorat de Bueil, seigneur de RACAN Empty La venue du Printemps

Message par julien Lun 26 Avr - 8:10


  • Honorat de Bueil, seigneur de RACAN (1589-1670)

La venue du Printemps



À Monsieur de Termes

Ode

Enfin, Termes, les ombrages
Reverdissent dans les bois,
L'hiver et tous ses orages
Sont en prison pour neuf mois ;
Enfin la neige et la glace
Font à la verdure place,
Enfin le beau temps reluit,
Et Philomèle, assurée
De la fureur de Térée,
Chante aux forêts jour et nuit.

Déjà les fleurs qui bourgeonnent
Rajeunissent les vergers,
Tous les échos ne résonnent
Que de chansons de bergers,
Les jeux, les ris, et la danse
Sont partout en abondance,
Les délices ont leur tour,
La tristesse se retire,
Et personne ne soupire
S'il ne soupire d'amour.

Les moissons dorent les plaines,
Le ciel est tout de saphirs,
Le murmure des fontaines
S'accorde au bruit des zéphirs,
Les foudres et les tempêtes
Ne grondent plus sur nos têtes,
Ni des vents séditieux
Les insolentes colères
Ne poussent plus les galères
Des abîmes dans les cieux.

Ces belles fleurs que Nature
Dans les campagnes produit
Brillent parmi la verdure
Comme des astres la nuit :
L'Aurore, qui dans son âme
Brûle d'une douce flamme,
Laissant au lit endormi
Son vieux mari, froid et pâle,
Désormais est matinale
Pour aller voir son ami.

Termes, de qui le mérite
Ne se peut trop estimer,
La belle saison invite
Chacun au plaisir d'aimer
La jeunesse de l'année
Soudain se voit terminée,
Après le chaud véhément
Revient l'extrême froidure,
Et rien au monde ne dure
Qu'un éternel changement.

Leurs courses entresuivies
Vont comme un flux et reflux,
Mais le printemps de nos vies
Passe et ne retourne plus,
Tout le soin des Destinées
Est de guider nos journées
Pas à pas vers le tombeau,
Et sans respecter personne,
Le Temps de sa faux moissonne
Ce que l'homme a de plus beau.

Tes louanges immortelles
Ni tes aimables appas
Qui te font chérir des belles
Ne t'en garantiront pas :
Crois-moi, tant que Dieu t'octroie
Cet âge comblé de joie
Qui s'enfuit de jour en jour,
Jouis du temps qu'il te donne,
Et ne crois pas en automne
Cueillir les fruits de l'amour.
julien
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Honorat de Bueil, seigneur de RACAN Empty Les Bergeries - Alcidor

Message par julien Lun 26 Avr - 8:10


  • Honorat de Bueil, seigneur de RACAN (1589-1670)

Les Bergeries - Alcidor



Que cette nuit est longue et fâcheuse à passer !
Que de sortes d'ennuis me viennent traverser !
Depuis qu'un bel objet a ma raison blessée,
Incessamment je vois des yeux de ma pensée
Cet aimable soleil auteur de mon amour,
Qui fait qu'incessamment je pense qu'il soit jour,
Je saute à bas du lit, je cours à la fenêtre,
J'ouvre et hausse la vue, et ne vois rien paraître,
Que l'ombre de la nuit, dont la noire pâleur
Peint les champs et les prés d'une même couleur :
Et cette obscurité, qui tout le monde enserre,
Ouvre autant d'yeux au ciel qu'elle en ferme en la terre.
Chacun jouit en paix du bien qu'elle produit,
Les coqs ne chantent point, je n'entends aucun bruit,
Sinon quelques zéphirs, qui le long de la plaine
Vont cajolant tout bas les nymphes de la Seine.
Maint fantôme hideux, couvert de corps sans corps,
Visite en liberté la demeure des morts.
Les troupeaux, que la faim a chassés des bocages,
À pas lents et craintifs entrent dans les gagnages.
Les funestes oiseaux, qui ne vont que la nuit,
Annoncent aux mortels le malheur qui les suit.
Les flambeaux éternels, qui font le tour du monde,
Percent à longs rayons le noir cristal de l'onde,
Et sont vus au travers si luisants et si beaux
Qu'il semble que le ciel soit dans le fond des eaux.
Ô nuit ! dont la longueur semble porter envie
Au seul contentement que possède ma vie :
Retire un peu tes feux, et permets que le jour
Vienne sur l'horizon éclairer à son tour,
Afin que ces beaux yeux pour qui mon coeur soupire
Sachent avant ma mort l'excès de mon martyre.
julien
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Honorat de Bueil, seigneur de RACAN Empty Les Bergeries - Lucidas

Message par julien Lun 26 Avr - 8:11


  • Honorat de Bueil, seigneur de RACAN (1589-1670)

Les Bergeries - Lucidas



Et moi seul resterai-je en proie à la tristesse ?
Passerai-je sans fruit la fleur de ma jeunesse ?
Que me servent ces biens dont en toute saison
Le voisin envieux voit combler ma maison ?
Que me sert que mes blés soient l'honneur des campagnes ?
Que les vins à ruisseaux me coulent des montagnes ?
Ni que me sert de voir les meilleurs ménagers
Admirer mes jardins, mes parcs et mes vergers,
Où les arbres plantés d'une égale distance
Ne périssent jamais que dessous l'abondance ?
Ce n'est point en cela qu'est le contentement,
Tout se change ici bas de moment en moment,
Qui le pense trouver aux richesses du monde
Bâtit dessus le sable, ou grave dessus l'onde,
Ce n'est qu'un peu de vent que l'heur du genre humain,
Ce qu'on est aujourd'hui l'on ne l'est pas demain,
Rien n'est stable qu'au Ciel, le temps et la fortune
Règnent absolument au-dessous de la lune.
julien
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Honorat de Bueil, seigneur de RACAN Empty Ode bachique à Monsieur Ménard, président d'Aurillac

Message par julien Lun 26 Avr - 8:11


  • Honorat de Bueil, seigneur de RACAN (1589-1670)

Ode bachique à Monsieur Ménard, président d'Aurillac



Maintenant que du Capricorne
Le temps mélancolique et morne
Tient au feu le monde assiégé,
Noyons notre ennui dans le verre,
Sans nous tourmenter de la guerre
Du tiers état et du clergé.

Je sais, Ménard, que les merveilles
Qui naissent de tes longues veilles
Vivront autant que l'univers ;
Mais que te sert-il que ta gloire
Se lise au temple de Mémoire
Quand tu seras mangé des vers ?

Quitte cette inutile peine,
Buvons plutôt à longue haleine
De ce nectar délicieux,
Qui pour l'excellence précède
Celui même que Ganymède
Verse dans la coupe des dieux.

C'est lui qui fait que les années
Nous durent moins que des journées,
C'est lui qui nous fait rajeunir
Et qui bannit de nos pensées
Le regret des choses passées
Et la crainte de l'avenir.

Buvons, Ménard, à pleine tasse,
L'âge insensiblement se passe
Et nous mène à nos derniers jours,
L'on a beau faire des prières,
Les ans non plus que les rivières
Jamais ne rebroussent leurs cours.

Le printemps vêtu de verdure
Chassera bientôt la froidure ;
La mer a son flux et reflux ;
Mais depuis que notre jeunesse
Quitte la place à la vieillesse,
Le temps ne la ramène plus.

Les lois de la mort sont fatales
Aussi bien aux maisons royales
Qu'aux taudis couverts de roseaux,
Tous nos jours sont sujets aux Parques,
Ceux des bergers et des monarques
Sont coupés des mêmes ciseaux.

Leurs rigueurs, par qui tout s'efface,
Ravissent en si peu d'espace
Ce qu'on a de mieux établi,
Et bientôt nous mèneront boire
Au-delà de la rive noire
Dans les eaux du fleuve d'oubli.
julien
julien

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Honorat de Bueil, seigneur de RACAN Empty Pour un marinier

Message par julien Lun 26 Avr - 8:12


  • Honorat de Bueil, seigneur de RACAN (1589-1670)

Pour un marinier



Dessus la mer de Cypre où souvent il arrive
Que les meilleurs nochers se perdent dès la rive,
J'ai navigué la nuit plus de fois que le jour.
La beauté d'Uranie est mon pôle et mon phare,
Et, dans quelque tourmente où ma barque s'égare,
Je n'invoque jamais d'autre dieu que l'Amour.

Souvent à la merci des funestes Pléiades
Ce pilote sans peur m'a conduit en des rades
Où jamais les vaisseaux ne s'étaient hasardés,
Et, sans faire le vain, ceux qui m'entendront dire
De quel art cet enfant a guidé mon navire,
Ne l'accuseront plus d'avoir les yeux bandés.

Il n'est point de brouillards que ses feux n'éclaircissent ;
Par ses enchantements les vagues s'adoucissent ;
La mer se fait d'azur et les cieux de saphirs,
Et, devant la beauté dont j'adore l'image,
En faveur du printemps, qui luit en son visage,
Les plus fiers aquilons se changent en zéphyrs.

Mais, bien que dans ses yeux l'amour prenne ses charmes,
Qu'il y mette ses feux, qu'il y forge ses armes,
Et qu'il ait établi son empire en ce lieu,
Toutefois sa grandeur leur rend obéissance ;
Sur cette âme de glace il n'a point de puissance,
Et seulement contre elle il cesse d'être dieu.

Je sais bien que ma nef y doit faire naufrage ;
Ma science m'apprend à prédire l'orage ;
Je connais le rocher qu'elle cache en son sein ;
Mais plus j'y vois de morts et moins je m'épouvante ;
Je me trahis moi-même, et l'art dont je me vante,
Pour l'honneur de périr en un si beau dessein.
julien
julien

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Honorat de Bueil, seigneur de RACAN Empty Stances à Thirsis

Message par julien Lun 26 Avr - 8:12


  • Honorat de Bueil, seigneur de RACAN (1589-1670)

Stances à Thirsis



Thirsis, il faut penser à faire la retraite :
La course de nos jours est plus qu'à demi faite.
L'âge insensiblement nous conduit à la mort.
Nous avons assez vu sur la mer de ce monde
Errer au gré des flots notre nef vagabonde ;
Il est temps de jouir des délices du port.

Le bien de la fortune est un bien périssable;
Quand on bâtit sur elle on bâtit sur le sable.
Plus on est élevé, plus on court de dangers :
Les grands pins sont en butte aux coups de la tempête
Et la rage des vents brise plutôt le faîte
Des maisons de nos rois que les toits des bergers.

Ô bienheureux celui qui peut de sa mémoire
Effacer pour jamais ce vain espoir de gloire
Dont l'inutile soin traverse nos plaisirs,
Et qui, loin, retiré de la foule importune,
Vivant dans sa maison content de sa fortune,
A selon son pouvoir mesuré ses désirs.

Il laboure le champ que labourait son père ;
Il ne s'informe point de ce qu'on délibère
Dans ces graves conseils d'affaires accablés ;
Il voit sans intérêt la mer grosse d'orages,
Et n'observe des vents les sinistres présages
Que pour le soin qu'il a du salut de ses blés.

Roi des passions, il a ce qu'il désire,
Son fertile domaine est son petit empire ;
Sa cabane est son Louvre et son Fontainebleau ;
Ses champs et ses jardins sont autant de provinces,
Et sans porter envie à la pompe des princes,
Se contente chez lui de les voir en tableau.

Il voit de toute part combler d'heur sa famine,
La javelle à plein poing tomber sous la faucille,
Le vendangeur ployer sous le faix des paniers ;
Et semble qu'à l'envi les fertiles montagnes,
Les humides vallons et les grasses campagnes
S'efforcent à remplir sa cave et ses greniers.

Il suit aucunes fois un cerf par les foulées,
Dans ces vieilles forêts du peuple reculées
Et qui même du jour ignorent le flambeau ;
Aucunes fois des chiens il suit les voix confuses
Et voit enfin le lièvre, après toutes ses ruses,
Du lieu de sa naissance en faire son tombeau.

Tantôt il se promène au long des fontaines,
De qui les petits flots font luire dans les plaines
L'argent de leurs ruisseaux parmi l'or des moissons ;
Tantôt il se repose avecque les bergères
Sur des lits naturels de mousse et de fougères,
Qui n'ont d'autres rideaux que l'ombre des buissons.

Il soupire en repos l'ennui de sa vieillesse
Dans ce même foyer où sa tendre jeunesse
A vu dans le berceau ses bras emmaillotés.
Il tient par les moissons registre des années,
Et voit de temps en temps, leurs courses enchaînées,
Vieillir avecque lui les bois qu'il a plantés.

Il ne va point fouiller aux terres inconnues,
A la merci des vents et des ondes chenues,
Ce que nature avare a caché de trésors,
Et ne recherche point, pour honorer sa vie,
De plus illustre mort ni plus digne d'envie
Que de mourir au lit où ses pères sont morts.

Il contemple du port les insolentes rages
Des vents de la faveur, auteurs de nos orages,
Allumer des mutins les desseins factieux,
Et voit en un clin d'oeil, par un contraire échange,
L'un déchiré du peuple au milieu de la fange,
Et l'autre en même temps élevé dans les cieux.

S'il ne possède point ces maisons magnifiques,
Ces tours, ces chapiteaux, ces superbes portiques,
Où la magnificence étale ses attraits,
Il jouit des beautés qu'ont les saisons nouvelles,
Il voit de la verdure et des fleurs naturelles
Qu'en ces riches lambris l'on ne voit qu'en portraits.

Crois-moi, retirons-nous hors de la multitude
Et vivons désormais loin de la servitude
De ces palais dorés où tout le monde accourt.
Sous un chêne élevé, les arbrisseaux s'ennuient
Et devant le soleil tous les astres s'enfuient
De peur d'être obligés de lui faire la cour.

Après qu'on a suivi sans aucune assurance
Cette vaine faveur qui nous paît d'espérance,
L'envie en un moment tous nos desseins détruit.
Ce n'est qu'une fumée, il n'est rien de si frêle ;
Sa plus belle moisson est sujette à la grêle
Et souvent elle n'a que des fleurs pour du fruit.

Agréables déserts, séjour de l'innocence,
Où, loin des vanités, de la magnificence,
Commence mon repos et finit mon tourment,
Vallons, fleuves, rochers, plaisante solitude,
Si vous fûtes témoins de mon inquiétude,
Soyez-le désormais de mon contentement.
julien
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Honorat de Bueil, seigneur de RACAN Empty Vous qui riez de mes douleurs

Message par julien Lun 26 Avr - 8:13


  • Honorat de Bueil, seigneur de RACAN (1589-1670)

Vous qui riez de mes douleurs



Ode

Vous qui riez de mes douleurs,
Beaux yeux qui voulez que mes pleurs
Ne finissent qu'avec ma vie,
Voyez l'excez de mon tourment
Depuis que cet esloignement
M'a vostre presence ravie.

Pour combler mon adversité
De tout ce que la pauvreté
A de rude, et d'insupportable,
Je suis dans un logis desert,
OÙ par tout le plancher y sert
De lit, de bufet et de table.

Nostre hoste avec ses serviteurs
Nous croyant des reformateurs
S'enfuit au travers de la crote,
Emportant ployé sous ses bras
Son pot, son chaudron, et ses dras
Et ses enfans dans une hote.

Ainsi plus niais qu'un oison,
Je me vois dans une maison
Sans y voir ny valet ny maistre,
Et ce spectacle de malheurs,
Pour faire la nique aux voleurs,
N'a plus ny porte ny fenestre.

D'autant que l'orage est si fort,
Qu'on voit les navires du port
Sauter comme un chat que l'on berne,
Pour sauver la lampe du vent,
Mon valet a fait en resvant
D'un couvre-chef une lanterne.

Après maint tour et maint retour,
Nostre hoste s'en revient tout cour
En assez mauvais equipage,
Le poil crasseux et mal peigné
Et le front aussi renfrongné
Qu'un Escuyer qui tanse un page,

Quand ce vieillard desja cassé,
D'un compliment du temps passé,
A nous bienveigner s'esvertuë,
Il me semble que son nez tors
Se ploye, et s'alonge, à ressors,
Comme le col d'une tortuë.

Force vieux Soldats affamez,
Mal habillez et mal armez
Sont ici couchez sur du chaume,
Qui racontent les grands exploits
Qu'ils ont fait depuis peu de mois
Avecque Monsieur de Bapaume.

Ainsi nous nous entretenons
Sur le pul comme des guenons,
Pour soulager nostre misere :
Chacun y parle en liberté,
L'un de la prise de Paté,
L'autre du siege de Fougere.

Nostre hoste qui n'a rien gardé,
Voyant notre souper fondé
Sur d'assez foibles esperances,
Sans autrement se tourmenter,
Est resolu de nous traitter
D'excuses et de reverences.

Et moy que le sort a reduit
A passer une longue nuict
Au milieu de cette canaille,
Regardant le Ciel de travers
J'escris mon infortune en vers,
D'un tison contre une muraille.
julien
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