joiedevie Forum de Aziza Rahmouni
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le Deal du moment :
Réassort du coffret Pokémon 151 ...
Voir le deal

Albert SAMAIN

4 participants

Page 2 sur 3 Précédent  1, 2, 3  Suivant

Aller en bas

Albert SAMAIN - Page 2 Empty Albert SAMAIN

Message par nisrine nacer Mer 31 Mar - 7:53

Rappel du premier message :

Destins

O femme, chair tragique, exquisement amère,
Femme, notre mépris sublime et notre Dieu,
O monstre de douceur, et cavale de feu,
Qui galopes plus vite encor que la Chimère.

Femme, qui nous attends dans l'ombre au coin du bois,
Quand, chevaliers d'avril, en nos armures neuves
Nous allons vers la vie, et descendons les fleuves
En bateaux pavoisés, le rameau vert aux doigts.

L'oriflamme Espérance aux fraîcheurs matinales
Ondule, et nous ouvrons dans le matin sacré
Nos yeux brillants encor de n'avoir pas pleuré,
Nos yeux promis un jour à tes fêtes fatales.

Aux mirages de l'art, aux froissements du fer,
Le sang rouge à torrents en nous se précipite,
Et notre âme se gonfle, et s'élance, et palpite
Vers l'infini, comme aux approches de la mer !

Toi, debout au miroir et dominant la vie,
Tu peignes tes cheveux splendides lentement,
Et, pour nous voir passer, tu tournes un moment
Tes yeux d'enfant féroce, à qui tout fait envie.

Fleur chaude, fleur de chair balançant ton poison,
Tu te souris, tordant ta nudité hautaine,
Et déjà les parfums de ta robe lointaine
Nagent comme une haleine ardente à l'horizon,

A l'horizon d'espoir et de rêves sublimes,
D'obstacles à franchir d'un orgueil irrité,
Et de sommets divins, où se cabre, indompté,
Le grand cheval ailé, qui hennit aux abÎmes !

Ah! tu la connais bien, sphynx avide et moqueur,
Cette folle aux yeux d'or qu'à vingt ans l'on épouse,
La Gloire, femme aussi... Lève-toi donc, jalouse,
Debout, et plante-nous ta frénésie au coeur !

Rampe au long des buissons, darde tes yeux de flamme.
Un regard, et déjà la chair folle s'émeut ;
Un sourire, et l'alcool de nos sens a pris feu ;
Un baiser, et tes dents ont mordu dans notre âme !

A Toi, va, maintenant les sublimes, les fous,
Tous ceux qui s'en allaient aux fêtes inconnues.
Archanges déplumés, précipités des nues,
Oh ! comme les voilà rampants à tes genoux !

Tout leur coeur altéré râle vers ta peau rose,
D'où rayonne un désir électrique et brutal.
L'horizon lumineux sombre en un soir fatal,
Et voici s'effondrer la grande apothéose...

Toi cependant, trônant aux ténèbres du lit,
Tu berces leur vieux rêve éteint dans ta chair sourde,
Et tu caches le monde à leur paupière lourde
Avec tes longs cheveux de langueur et d'oubli.

Ta chair est leur soleil ; tes pieds nus sont leur gloire ;
Et ton sein tiède est une mer aux vagues d'or,
Où leur coeur de tendresse et d'infini s'endort
Sous tes yeux, où s'allume une sombre victoire.

Pour toi seule, à jamais, à jamais, sans remords,
Chante leur sang brûlé par le feu de ta bouche,
Et, souriant du haut de ton orgueil farouche,
Tu refermes sur eux, douce enfin à leur mort,

Tes bras, tes bras profonds et doux comme la mort
nisrine nacer
nisrine nacer

Nombre de messages : 1044
Date d'inscription : 09/09/2008

Revenir en haut Aller en bas


Albert SAMAIN - Page 2 Empty La petite ville sans bruit

Message par Rita-kazem Lun 19 Avr - 7:42

La petite ville sans bruit
Dort profondément dans la nuit.

Aux vieux réverbères à branches
Agonise un gaz indigent ;
Mais soudain la lune émergeant
Fait tout au long des maisons blanches
Resplendir des vitres d'argent.






La nuit tiède s'évente au long des marronniers...
La nuit tardive, où flotte encor de la lumière.
Tout est noir et désert aux anciens quartiers ;
Mon âme, accoude-toi sur le vieux pont de pierre,
Et respire la bonne odeur de la rivière.

Le silence est si grand que mon coeur en frissonne.
Seul, le bruit de mes pas sur le pavé résonne.
Le silence tressaille au coeur, et minuit sonne !

Au long des grands murs d'un couvent
Des feuilles bruissent au vent.
Pensionnaires... orphelines...
Rubans bleus sur les pèlerines...
C'est le jardin des ursulines.

Une brise à travers les grilles
Passe aussi douce qu'un soupir.
Et cette étoile aux feux tranquilles,
Là-bas, semble, au fond des charmilles,
Une veilleuse de saphir.

Oh ! Sous les toits d'ardoise à la lune pâlis,
Les vierges et leur pur sommeil aux chambres claires,
Et leurs petits cous ronds noués de scapulaires,
Et leurs corps sans péché dans la blancheur des lits ! ...

D'une heure égale ici l'heure égale est suivie
Et l'innocence en paix dort au bord de la vie...

Triste et déserte infiniment
Sous le clair de lune électrique,
Voici que la place historique
Aligne solennellement
Ses vieux hôtels du Parlement.

À l'angle, une fenêtre est éclairée encor.
Une lampe est là-haut, qui veille quand tout dort !
Sous le frêle tissu, qui tamise sa flamme,
Furtive, par instants, glisse une ombre de femme.

La fenêtre s'entr'ouvre un peu ;
Et la femme, poignant aveu,
Tord ses beaux bras nus dans l'air bleu...

Ô secrètes ardeurs des nuits provinciales !
Coeurs qui brûlent ! Cheveux en désordre épandus !
Beaux seins lourds de désirs, pétris par des mains pâles !
Grands appels suppliants, et jamais entendus !

Je vous évoque, ô vous, amantes ignorées,
Dont la chair se consume ainsi qu'un vain flambeau,
Et qui sur vos beaux corps pleurez, désespérées,
Et faites pour l'amour, et d'amour dévorées,
Vous coucherez, un soir, vierges dans le tombeau !

Et mon âme pensive, à l'angle de la place,
Fixe toujours là-bas la vitre où l'ombre passe.

Le rideau frêle au vent frissonne...
La lampe meurt... une heure sonne.
Personne, personne, personne.

Rita-kazem

Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010

Revenir en haut Aller en bas

Albert SAMAIN - Page 2 Empty Nos sens, nos sens divins

Message par Rita-kazem Lun 19 Avr - 7:43

Nos sens, nos sens divins sont de beaux enfants nus
Jouant aux vagues d'or des vieilles mers païennes,
Innocents, radieux, ivres, les deux mains pleines
Des fruits juteux cueillis aux jardins ingénus.



Pensive et poursuivant ses antiques chimères
L'âme assise non loin surveille leurs ébats ;
Parfois son doigt se lève et commande et, tout bas,
Elle agite en son coeur l'espérance des mères.

Les petits fatigués, quand vient la fin du jour,
Se couchent comme au fond d'un tiède abri d'amour
Dans sa mante aux longs plis d'une croix noire ornée.

Et lors, prenant le plus fougueux ou le plus doux,
L'âme, les yeux au ciel, l'endort sur ses genoux
Et chantant à mi-voix songe à la destinée.
Rita-kazem
Rita-kazem

Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010

Revenir en haut Aller en bas

Albert SAMAIN - Page 2 Empty Panthéisme

Message par Rita-kazem Lun 19 Avr - 7:43

En juillet, quand midi fait éclater les roses,
Comme un vin dévorant boire l'air irrité,
Et, tout entier brûlant des fureurs de l'été,
Abîmer son coeur ivre au gouffre ardent des choses.






Voir partout la vie, une en ses métamorphoses,
Jaillir ; et l'Amour, nu comme la Vérité,
Nonchalamment suspendre à ses doigts de clarté
La chaîne aux anneaux d'or des Effets et des Causes.

À pas lents, le front haut, par la campagne en feu,
Marcher, tel qu'un grand prêtre enveloppé du dieu,
Sur la terre vivante, où palpite l'atome !

Sentir comme couler du soleil dans son sang,
Et, consumé d'orgueil dans l'air éblouissant,
Comprendre en frissonnant la splendeur d'être un homme.
Rita-kazem
Rita-kazem

Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010

Revenir en haut Aller en bas

Albert SAMAIN - Page 2 Empty Paresse

Message par Rita-kazem Lun 19 Avr - 7:44

Debout, voluptueux, dans l'ombre où tu t'endors
Un clairon martial résonne et te convie.
Debout ton coeur, debout ta pensée asservie...
Ne faut-il pas que tu sois fort entre les forts ?






La volonté, lionne à l'indomptable essor,
Sous sa griffe superbe emporte au loin la vie,
Et s'irrite et triomphe et, belle inassouvie,
Rugit à l'avenir sur des dépouilles d'or !

Mais non, c'est la débauche en sa louche taverne,
Qui t'attise à ses yeux brûlés que le plomb cerne,
Et souffle en ricanant ton pur flambeau d'orgueil :

Ou bien c'est la câline et mortelle paresse,
Ensorceleuse pis qu'une vieille maîtresse
Qui te couche à son lit drapé comme un cercueil.
Rita-kazem
Rita-kazem

Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010

Revenir en haut Aller en bas

Albert SAMAIN - Page 2 Empty Quand je suis à tes pieds

Message par Rita-kazem Lun 19 Avr - 7:45

Quand je suis à tes pieds, comme un fidèle au temple
Immobile et pieux, quand fervent je contemple
Ta bouche exquise ou flotte un sourire adoré,
Tes cheveux blonds luisant comme un casque doré,
Tes yeux penchés d'où tombe une douceur câline,
Ton cou svelte émergeant d'un flot de mousseline,






L'ombre de tes longs cils sur ta joue et tes seins
Où mes baisers jaloux s'abattent par essaims,
Quand j'absorbe ta vie ainsi par chaque pore,
Et, comme un encensoir brûlant qui s'évapore,
Quand je sens, d'un frisson radieux exalté,
Tout mon coeur à longs flots fumer vers ta beauté,
Toujours ce vain désir inassouvi me hante
D'emporter avec moi tes yeux vivants d'amante,
De les mettre en mon coeur comme on garde un bijou
Afin de les trouver à toute heure et partout.
Aussi quand je m'en vais, pour conserver dans l'âme
Encore un peu de toi qui brille, douce flamme,
Aux lèvres que tu tends vers mes lèvres d'amant
À longs traits, à longs traits, je bois éperdument
D'une soif de désert, vorace, inassouvie,
Comme si je voulais te prendre de ta vie ! ...
Mais en vain... car à peine une dernière fois
T'ai-je envoyé mon coeur suprême au bout des doigts,
En me retrouvant seul sur le pavé sonore
Dans la rue où là-bas ta vitre brille encore,
Je sens parmi le vent nocturne s'exhaler
Tout ce que j'avais pris de toi pour m'en aller...
Et de tout son trésor mon coeur triste se vide,
Car ton subtil amour, ô femme, est plus fluide
Que l'eau vive, qu'on puise aux sources dans les bois
Et qu'on sent, malgré tout, fuir au travers des doigts...
Rita-kazem
Rita-kazem

Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010

Revenir en haut Aller en bas

Albert SAMAIN - Page 2 Empty Retraite

Message par Rita-kazem Lun 19 Avr - 7:46

Remonte, lent rameur, le cours de tes années,
Et, les yeux clos, suspends ta rame par endroits...
La brise qui s'élève aux jardins d'autrefois
Courbe suavement les âmes inclinées.






Cherche en ton coeur, loin des grand'routes calcinées,
L'enclos plein d'herbe épaisse et verte où sont les croix.
Écoutes-y l'air triste où reviennent les voix,
Et baise au coeur tes petites mortes fanées.

Songe à tels yeux poignants dans la fuite du jour.
Les heures, que toucha l'ongle d'or de l'amour,
À jamais sous l'archet chantent mélodieuses.

Lapidaire secret des soirs quotidiens,
Taille tes souvenirs en pierres précieuses,
Et fais-en pour tes doigts des bijoux anciens.
Rita-kazem
Rita-kazem

Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010

Revenir en haut Aller en bas

Albert SAMAIN - Page 2 Empty Soir paîen

Message par Rita-kazem Lun 19 Avr - 7:47

C'est un beau soir couleur de rose et d'ambre clair.
Le temple d'Adonis, en haut du promontoire,
Découpe sur fond d'or sa colonnade noire ;
Et la première étoile a brillé sur la mer...






Pendant qu'un roseau pur module un lent accord,
Là-bas, Pan accoudé sur les monts se soulève
Pour voir danser, pieds nus, les nymphes sur la grève ;
Et des vaisseaux d'Asie embaument le vieux port...

Des femmes, épuisant tout bas l'heure incertaine,
Causent, l'urne appuyée au bord de la fontaine,
Et les boeufs accouplés délaissent le sillon.

La nuit vient, parfumée aux roses de Syrie...
Et Diane au croissant clair, ce soir en rêverie,
Au fond des grands bois noirs, qu'argente un long rayon,

Baise ineffablement les yeux d'Endymion.
Rita-kazem
Rita-kazem

Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010

Revenir en haut Aller en bas

Albert SAMAIN - Page 2 Empty Ténèbres

Message par Rita-kazem Lun 19 Avr - 7:48

Les heures de la nuit sont lentes et funèbres.
Frère, ne trembles-tu jamais en écoutant,
Comme un bruit sourd de mer lointaine qu'on entend,
La respiration tragique des ténèbres ?






Les heures de la nuit sont filles de la peur ;
Leur souffle fait mourir l'âme humble des veilleuses,
Cependant que leurs mains froides et violeuses,
S'allongent sous les draps pour saisir notre coeur.

... Une âme étrangement dans les choses tressaille,
Murmure ou craquement, qu'on ne définit point.
Tout dort ; on n'entend plus, même de loin en loin,
Quelque pas décroissant le long de la muraille.

Pâle, j'écoute au bord du silence béant.
La nuit autour de moi, muette et sépulcrale,
S'ouvre comme une haute et sombre cathédrale
Où le bruit de mes pas fait sonner du néant.

J'écoute, et la sueur coule à ma tempe blême,
Car dans l'ombre une main spectrale m'a tendu
Un funèbre miroir où je vois, confondu,
Monter vers moi du fond mon image elle-même.

Et peu à peu j'éprouve à me dévisager
Comme une inexprimable et poignante souffrance,
Tant je me sens lointain, tant ma propre apparence
Me semble en cet instant celle d'un étranger.

Ma vie est là pourtant, très exacte et très vraie,
Harnais quotidien, sonnailles de grelots,
Comédie et roman, faux rires, faux sanglots,
Et cette herbe des sens folle, comme l'ivraie...

Et tout s'avère alors si piteux et si vain,
Tant de mensonge éclate au rôle que j'accepte,
Que le dégoût me prend d'être ce pître inepte
Et de recommencer la parade demain !

Les heures de la nuit sont lentes et funèbres.
L'angoisse comme un drap mouillé colle à ma chair ;
Et ma pensée, ainsi qu'un vaisseau sous l'éclair,
Roule, désemparée, au large des ténèbres.

De mortelles vapeurs assiègent mon cerveau...
Une vieille en cheveux qui rôde dans des tombes
Ricane en égorgeant lentement des colombes ;
Et sa main de squelette agrippe mon manteau...

Cloué par un couteau, mon coeur bat, mon sang coule...
Et c'est un tribunal au fond d'un souterrain,
Où trois juges, devant une table d'airain,
Siègent, portant chacun une rouge cagoule.

Et mon âme à genoux, devant leur trinité,
Râle, en claquant des dents, ses hontes, sa misère.
Et leur voix n'a plus rien des pitiés de la terre,
Et les trous de leurs yeux sont pleins d'éternité.

... Mais soudain, dans la nuit d'hiver profonde encore,
Tout mon coeur d'un espoir immense a frissonné,
Car voici qu'argentine, une cloche a sonné,
Par trois coups espacés, la messe de l'aurore.
Rita-kazem
Rita-kazem

Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010

Revenir en haut Aller en bas

Albert SAMAIN - Page 2 Empty Tout dort. Le fleuve antique

Message par Rita-kazem Lun 19 Avr - 7:48

Tout dort. Le fleuve antique entre ses quais de pierre
Semble immobile. Au loin s'espacent des beffrois.
Et sur la cité, monstre aux écailles de toits,
Le silence descend, doux comme une paupière.






Les palais et les tours sur le ciel étoilé
Découpent des profils de rêve. Notre-dame
Se reflète, géante, au miroir de mon âme.
Et la Sainte-Chapelle a l'air de s'envoler ! ...

Tout dort dans les maisons où regarde la lune.
Et ceux-là qu'éreinta la vie et son travail
Jouissent, poings fermés, leur somme de bétail
Ou galopent furieux la course à la fortune.

Pour moi, je veille, l'âme éparse dans la nuit,
Je veille, coeur tendu vers des lèvres absentes,
Parmi la solitude aux brises caressantes,
Et la lune à travers les arbres me conduit.

Paris est recueilli comme une basilique ;
À peine un roulement de fiacre, par moment,
Un chien perdu qui pleure, ou le long sifflement
D'une locomotive - au loin - mélancolique.

Le silence est profond, comme mystérieux.
La nuit porte l'amour endormi sous sa mante
Et je n'entends plus rien dans la cité dormante
Que ton haleine frêle et douce, ô mon amante,

Qui fait trembler mon coeur large ouvert sous les cieux.
Rita-kazem
Rita-kazem

Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010

Revenir en haut Aller en bas

Albert SAMAIN - Page 2 Empty Une douceur splendide et sombre

Message par Rita-kazem Lun 19 Avr - 7:49

Une douceur splendide et sombre
Flotte sous le ciel étoilé
On dirait que là-haut, dans l'ombre
Un paradis s'est écroulé.






Et c'est comme l'odeur ardente,
L'odeur fiévreuse dans l'air noir,
D'une chevelure d'amante
Dénouée à travers le soir.

Tout l'espace languit de fièvres.
Du fond des coeurs mystérieux
S'en viennent mourir sur les lèvres
Des mots qui font fermer les yeux.

Et de ma bouche où s'évapore
Le parfum des bonheurs derniers,
Et de mon coeur vibrant encore
S'élèvent de vagues pitiés

Pour tous ceux-là qui, sur la terre,
Par un tel soir tendant les bras,
N'ont point dans leur coeur solitaire
Un nom à sangloter tout bas.
Rita-kazem
Rita-kazem

Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010

Revenir en haut Aller en bas

Albert SAMAIN - Page 2 Empty Une heure sonne au loin. - Je ne sais où je vais.

Message par Rita-kazem Lun 19 Avr - 7:50

Une heure sonne au loin. - Je ne sais où je vais.
Oh ! J'ai le coeur si plein de toi, si tu savais !
Je te vois, je t'entends. Devant moi solitaire
Une apparition blanche frôle la terre,
Comme une fée au fond des clairières, le soir.
Et cette ombre d'amour si radieuse à voir,
Elle a tes yeux, tes yeux d'émeraude, ô ma vie,
Dont la douceur étrange aux longs rêves convie,
Comme l'azur profond de la mer ou des cieux ;
Et sa robe qui glisse à plis silencieux,
Sa robe, c'est la tienne aussi, ma bien-aimée,
Ta robe de bohème onduleuse et lamée
Où l'or parmi la soie allume maint éclair,
Ta robe, fourreau mince et tiède de ta chair,
Dont le seul souvenir, effleurant ma narine,
Fait couler un ruisseau d'amour dans ma poitrine...








Je suis seul. Le silence emplit les quais déserts.
L'âme en fleurs du printemps s'exhale dans les airs.
C'est une tiède nuit d'amant ou de poète,
Et j'ai l'amour à l'âme et l'amour à la tête,
Et j'ai soif de tes yeux pour me mettre à genoux !

Ce sont des mots sans suite, et des gestes si doux
Qu'ils semblent avoir peur de toucher, des mains jointes,
Des désirs par instant aigus comme des pointes
Et puis des nerfs crispés de la nuque au talon,
Toute l'âme perdue après son violon
Qui chante et qui sanglote et qui crie et qui râle,
Toute l'âme d'un grand enfant fiévreux et pâle...

Des fiacres attardés roulent dans les lointains.
Sous les arbres émus de frissons incertains,
Des brises doucement circulent, attiédies,
Et poignantes au coeur comme des mélodies.
Le fleuve sourd ondule en moires de langueur
Et j'ai tout un bouquet d'étoiles dans le coeur !

Je t'aime. Mon sang crie après toi. J'ai la fièvre
De boire cette nuit idéale à ta lèvre,
D'étendre sous tes pieds, comme un manteau de roi,
Ma vie et de te dire, oh ! De te dire : " Toi "
Avec une langueur si tendre et si profonde
Qu'en la sentant sur toi, ta chair, toute, se fonde.
Rita-kazem
Rita-kazem

Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010

Revenir en haut Aller en bas

Albert SAMAIN - Page 2 Empty Vision

Message par Rita-kazem Lun 19 Avr - 7:50

Musique - encens - parfums..., poisons..., littérature !...
Les fleurs vibrent dans les jardins effervescents ;
Et l'Androgyne aux grands yeux verts phosphorescents
Fleurit au charnier d'or d'un monde en pourriture.






Aux apostats du Sexe, elle apporte en pâture,
Sous sa robe d'or vert aux joyaux bruissants,
Sa chair de vierge acide et ses spasmes grinçants
Et sa volupté maigre aiguisée en torture.

L'archet mord jusqu'au sang l'âme des violons,
L'art qui râle agité d'hystériques frissons
En la sentant venir a redressé l'échine...

Le stigmate ardent brûle aux fronts hallucinés.
Gloire aux sens ! Hosanna sur les nerfs forcenés.
L'Antéchrist de la chair visite les damnés...

Voici, voici venir les temps de l'Androgyne.
Rita-kazem
Rita-kazem

Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010

Revenir en haut Aller en bas

Albert SAMAIN - Page 2 Empty Incantation

Message par Rita-kazem Lun 19 Avr - 7:51

Ô nuit magicienne, ô douce, ô solitaire,
Le paysage avec sa flûte de roseau
T'accueille ; et tes pieds nus posés sur le coteau
Font tressaillir le coeur fatigué de la terre.



Laissant fuir de ses doigts sa guirlande de fleurs,
Voici qu'en tes bras frais s'endort le soir qui rêve.
L'âme, veule au soleil, frissonne, se soulève,
Et tord sa chevelure à la source des pleurs.

Les paysans rentrant par les plaines tranquilles
Prennent au crépuscule un accent éternel ;
Et la tristesse passe, en respirant le ciel
Vaguement lumineux dans les eaux immobiles.

Derniers bruits des chemins pleins d'ombre. Fin du jour...
Ô nuit, l'âme des fleurs nuptiales t'épie
Le bétail est couché ; la glèbe est assoupie,
Et la servante a clos les portes de la cour.

Sur ton sein resplendit la lune magnétique.
La nymphe qu'elle attire ondule dans les joncs ;
Et tout ce qu'en nos coeurs sanglotants nous songeons
Monte, comme la mer, vers sa face mystique.

L'heure est harmonieuse et grave sous les cieux ;
L'ombre, étendue au loin, solennise les lignes ;
Et l'homme, s'éveillant au mystère des signes,
Sent monter lentement la prière à ses yeux...



Là-bas, la ville au loin presse ses toits sans nombre ;
Seuls, de la multitude anonyme émergés,
Les monuments, debout ainsi que des bergers,
Veillent pour témoigner de son âme dans l'ombre.

L'abîme étoilé s'ouvre à l'ardeur de penser,
Et l'esprit, visité de rumeurs inconnues,
S'étonne, et frémissant écoute au fond des nues,
Comme un grand fleuve noir, l'éternité passer.

Ivresse ! Bras tendus au ciel ! Vol qui s'égare...
Baiser de l'infini qui rend pâle un instant...
Et toujours sous nos fronts ce vieux désir luttant,
Toujours l'hériditaire orgueil des fils d'Icare.

Un vent sacré venu des espaces profonds
Détache le fruit mûr qui pèse aux flancs des femmes,
Pendant qu'à son approche, au loin, les grandes âmes
Brûlent, comme des feux allumés sur les monts.

Je te salue, ô nuit des pâtres, des prophètes,
Mère au long voile noir des grands enfantements,
Ô féconde par qui, jumelles en tourments,
Les oeuvres de la femme et de l'homme sont faites.

Grande nuit ! Sanctuaire auguste des secrets.
Ô nuit, soeur de la mort, comme elle impénétrable.
Nuit d'Orphée et d'Isis, déesse vénérable,
Aïeule de la mer antique et des forêts !




Et nuit divine aussi, vierge pur et clémente
Qui ranimes l'amour à ton sourire obscur,
Toi qui poses au coeur tes longues mains d'azur,
Et portes le sommeil innocent sous ta mante.

Seule, tu sais calmer les tourments inconnus
De ceux que le mentir quotidien torture.
Leur front brûle, et voici ta sombre chevelure ;
Leur âme est solitaire, et voici tes bras nus.

Et chacun, dénouant les liens du masque infâme,
Dans ta forêt, sous l'oeil d'or fixe du hibou,
Au large de son coeur promène un archet fou,
Et marche, magnifique et libre, dans son âme !

Cependant qu'aux buissons l'oiseau sentimental,
L'oiseau, triste et divin, que les ombres suscitent,
Sur les jardins déserts où les feuilles palpitent,
Fait ruisseler son coeur en sanglots de cristal.

Minuit. La voûte est comme une église tendue.
Le livre resplendit, au fond, d'or et de fer.
Et la chair est sublime et vibre avec l'éther !
Ô vagues de silence à travers l'étendue...

Et déjà respirant les fleurs d'étranges soirs,
Le rêve s'aventure, enlacé par Hélène,
Aux plus lointaines mers de la pensée humaine
Sur son char attelé de deux grands cygnes noirs.

Ô nuit, tes pieds divins font tressaillir la terre,
Ta coupe d'argent noir contient les profondeurs ;
Tu fais jaillir de nous les secrètes splendeurs ;
Et je t'adorerai pour ce triple mystère.

Ô nuit magicienne, ô douce, ô solitaire.
Rita-kazem
Rita-kazem

Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010

Revenir en haut Aller en bas

Albert SAMAIN - Page 2 Empty Ilda

Message par Rita-kazem Lun 19 Avr - 7:52

Pâle comme un matin de septembre en Norvège,
Elle avait la douceur magnétique du nord ;
Tout s'apaisait près d'elle en un tacite accord,
Comme le bruit des pas s'étouffe dans la neige.






Son visage, par un étrange sortilège,
Avait pris dès l'enfance et gardait sans efforts
Un peu de la beauté sublime qu'ont les morts ;
Et le rire semblait près d'elle sacrilège.

Triste avec passion, sur l'eau de ses grands yeux
Le songe errait comme un rameur silencieux.
Tout ce qui la touchait s'imprégnait d'un mystère.

Et si douce, enroulant ses boucles à ses doigts,
Avec une pudeur farouche de sa voix,
Elle vivait pour la volupté de se taire.
Rita-kazem
Rita-kazem

Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010

Revenir en haut Aller en bas

Albert SAMAIN - Page 2 Empty Hyacinthe

Message par Rita-kazem Lun 19 Avr - 7:53

Pour la voir aussitôt m'apparaître, fidèle
Je n'ai qu'à prononcer son nom mélodieux,
Comme si quelque instinct miséricordieux
D'avance lui disait l'heure où j'ai besoin d'elle.



Je la trouve toujours, quand mon coeur contristé
S'exile et se replie au fond de ses retraites,
Et pansant à la nuit ses blessures secrètes,
Reprend avec l'orgueil sa native beauté.

C'est dans un parc illustre où la blancheur des marbres
Dans l'ombre çà et là dresse un beau geste nu,
Où ruisselle un bruit d'eau léger et continu,
Où les chemins rayés par les ombres des arbres

S'enfoncent comme on voit aux tableaux anciens.
Aux noblesses du coeur le décor est propice,
Et parmi les bosquets l'âme de Bérénice
Semble encor sangloter des vers raciniens.

Elle est là ; sous le dais des ténèbres soyeuses,
Elle attend ; autour d'elle à chaque mouvement
Ses ailes font d'un vague et lent frémissement
De plumes onduler les fleurs harmonieuses.

Ses lèvres par instants laissent tomber le mot
Unique où se concentre en goutte le silence ;
Le geste de ses mains pâles est l'indolence,
Et sa voix musicale est fille du sanglot.

Nous errons à travers les jardins taciturnes
Émus en même temps de limpides frissons,
Touchés de nous aimer dans ce que nous pensons
Et nous penchant ensemble aux fontaines nocturnes.

L'amour s'ouvre à ses doigts comme un lys infini,
Tout en elle se donne et rien ne se dérobe.
Ses bras savent surtout bercer et sous sa robe
Son sein a la chaleur maternelle du nid.

La pitié, la douceur, la paix sont ses servantes ;
À sa ceinture pend le rosaire des soirs,
Et c'est elle sans trêve et pourtant sans espoirs,
Que je cherche à jamais à travers les vivantes.

Elle est tout ce que j'aime au monde, le secret,
L'amour aux longs cheveux, la pudeur aux longs voiles,
Même elle me ressemble aux rayons des étoiles,
Et c'est comme une soeur morte qui reviendrait.

Hyacinthe est le nom mortel que je lui donne.
Souvent au fond des ans par d'étranges détours
Nous évoquons la même enfance aux mêmes jours,
Et sa voix dont l'accent fatidique m'étonne

Semble du plus profond de mon âme venir.
Elle a le timbre ému des heures abolies,
Et sonne l'angélus de mes mélancolies
Dans la vallée au vieux clocher du souvenir.

Et parfois elle dit, pâle en la nuit profonde,
Pendant qu'au loin la lune argente un marbre nu
Et qu'un ruissellement léger et continu
Mêle au son de sa voix l'écoulement de l'onde,

Pendant qu'aux profondeurs des grands espaces bleus
Palpite une douceur grave et surnaturelle,
Et que je vois comme un miracle fait pour elle
Les astres scintiller à travers ses cheveux,

Elle dit : quelque jour dans un pays suprême
Ton désir cueillera les fruits puissants et beaux
Dont la fleur blême ici languit sur les tombeaux.
Et ton propre idéal sera ton diadème.

Avec l'argile triste où chemine le ver
Tu quitteras le mal, la honte, l'esclavage,
Et je te sourirai dans les lys du rivage,
Belle comme la lune, en été, sur la mer.

Tes sens magnifiés vivront d'intenses fièvres,
Ivres d'intensité dans un air immortel ;
Alors s'accomplira ton rêve originel
Et, penché sur mes yeux pleins d'un soir éternel,

C'est ton âme que tu baiseras sur mes lèvres.
Rita-kazem
Rita-kazem

Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010

Revenir en haut Aller en bas

Albert SAMAIN - Page 2 Empty Comme une grande fleur

Message par Rita-kazem Lun 19 Avr - 7:54

Comme une grande fleur trop lourde qui défaille,
Parfois, toute en mes bras, tu renverses ta taille
Et plonges dans mes yeux tes beaux yeux verts ardents,
Avec un long sourire où miroitent tes dents...
Je t'enlace ; j'ai comme un peu de l'âpre joie






Du fauve frémissant et fier qui tient sa proie.
Tu souris... je te tiens pâle et l'âme perdue
De se sentir au bord du bonheur suspendue,
Et toujours le désir pareil au coeur me mord
De t'emporter ainsi, vivante, dans la mort.
Incliné sur tes yeux où palpite une flamme
Je descends, je descends, on dirait, dans ton âme...
De ta robe entr'ouverte aux larges plis flottants,
Où des éclairs de peau reluisent par instants,
Un arôme charnel où le désir s'allume
Monte à longs flots vers moi comme un parfum qui fume.
Et, lentement, les yeux clos, pour mieux m'en griser,
Je cueille sur tes dents la fleur de ton baiser ! ...
Rita-kazem
Rita-kazem

Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010

Revenir en haut Aller en bas

Albert SAMAIN - Page 2 Empty Comme un père en ses bras tient une enfant bercée

Message par Rita-kazem Lun 19 Avr - 7:54

Comme un père en ses bras tient une enfant bercée
Et doucement la serre, et, loin des curieux,
S'arrête au coin d'un mur pour lui baiser les yeux,
Je te porte couvée au secret de mon âme,
Ô toi que j'élus douce entre toutes les femmes,
Et qui marches, suave, en tes parfums flottants.






Les soirs fuyants et fins aux ciels inconsistants
Où défaille et s'en va la lumière vaincue,
Je n'en sens la douceur tout entière vécue
Que si ton nom chanté sur un rite obsesseur
Coule en tièdes frissons de ma bouche à mon coeur ! ...

Ô longs doigts vaporeux qui font rêver la lyre ! ...
C'est ta robe évoquée avec un long sourire
Qui monte, qui s'étend dans la chute du jour
Et, flottante, remplit le ciel entier d'amour...

Ô femme, lac profond qui garde qui s'y plonge,
Leurre ou piège, qu'importe ? ... ô chair tissée en songe,
Qui jamais, qui jamais connaîtra sous les cieux
D'où vient cet éternel sanglot délicieux
Qui roule du profond de l'homme vers Tes Yeux !
Rita-kazem
Rita-kazem

Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010

Revenir en haut Aller en bas

Albert SAMAIN - Page 2 Empty CLYDIE

Message par Rita-kazem Lun 19 Avr - 7:55

Sur le vieux banc qu'ombrage un vert rideau de vigne
Clydie aux bandeaux purs, Clydie au col de cygne
Dévide, pour broder des oiseaux et des fleurs,
Un écheveau de soie aux brillantes couleurs.
Devant elle Palès tient, comme elle l'ordonne,






Sur ses petites mains l'écheveau monotone,
Et laissant par moments échapper un soupir
Remonte un peu le bras que l'ennui fait fléchir.
Le fil court. Par instants la blanche fiancée
Suspend sa main qui tourne et, soudain oppressée
Des premières langueurs de sa jeune saison,
Rêve au temps qui viendra de quitter la maison...
Alors comme un oiseau qui voit la cage ouverte
Palès se tourne et mord dans une pomme verte.
Rita-kazem
Rita-kazem

Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010

Revenir en haut Aller en bas

Albert SAMAIN - Page 2 Empty Ce soir, ta chair malade a des langueurs inertes ;

Message par Rita-kazem Lun 19 Avr - 7:55

Ce soir, ta chair malade a des langueurs inertes ;
Entre tes doigts fiévreux meurent tes beaux glaïeuls ;
Ce soir, l'orage couve, et l'odeur des tilleuls
Fait pâlir par instants tes lèvres entr'ouvertes.






Les yeux plongeant au fond des campagnes désertes,
Nous sentons croître en nous, sous la nue en linceuls,
Cette solennité tragique d'être seuls ;
Et nos voix d'un mystère anxieux sont couvertes.

Parfois brille, livide, un éclair de chaleur ;
Et sa clarté subite, inondant ta pâleur,
Te donne la beauté fatale des sibylles.

L'ombre devient plus chaude et plus sinistre encor,
Et, brûlant dans l'air noir, nos âmes immobiles
Sont comme deux flambeaux qui veilleraient un mort
Rita-kazem
Rita-kazem

Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010

Revenir en haut Aller en bas

Albert SAMAIN - Page 2 Empty Blotti comme un oiseau frileux au fond du nid,

Message par Rita-kazem Lun 19 Avr - 7:56

Blotti comme un oiseau frileux au fond du nid,
Les yeux sur ton profil, je songe à l'infini...






Immobile sur les coussins brodés, j'évoque
L'enchantement ancien, la radieuse époque,
Et les rêves au ciel de tes yeux verts baignés !

Et je revis, parmi les objets imprégnés
De ton parfum intime et cher, l'ancienne année
Celle qui flotte encor dans ta robe fanée...

Je t'aime ingénument. Je t'aime pour te voir.
Ta voix me sonne au coeur comme un chant dans le soir.
Et penché sur ton cou, doux comme les calices,
J'épuise goutte à goutte, en amères délices,
Pendant que mon soleil décroît à l'horizon
Le charme douloureux de l'arrière-saison.
Rita-kazem
Rita-kazem

Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010

Revenir en haut Aller en bas

Albert SAMAIN - Page 2 Empty A Marceline Desbordes Valmore

Message par Rita-kazem Lun 19 Avr - 7:57

L'amour, dont l'autre nom sur terre est la douleur,
De ton sein fit jaillir une source écumante,
Et ta voix était triste et ton âme charmante,
Et de toi la pitié divine eût fait sa soeur.






Ivresse ou désespoir, enthousiasme ou langueur,
Tu jetais tes cris d'or à travers la tourmente ;
Et les vers qui brûlaient sur ta bouche d'amante
Formaient leur rythme aux seuls battements de ton coeur.

Aujourd'hui, la justice, à notre voix émue,
Vient, la palme à la main, vers ta noble statue,
Pour proclamer ta gloire au vieux soleil flamand.

Mais pour mieux attendrir ton bronze aux tendres charmes,
Peut-être il suffirait - quelque soir - simplement
Qu'une amante vînt là jeter, négligemment,

Une touffe de fleurs où trembleraient des larmes.
Rita-kazem
Rita-kazem

Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010

Revenir en haut Aller en bas

Albert SAMAIN - Page 2 Empty LES MONTS

Message par Rita-kazem Lun 19 Avr - 7:58

Épiques survivants des vieux âges que hante
Une mystérieuse et lointaine épouvante,
Les monts dressent au ciel leur tumulte géant.
La terre les vénère ainsi que ses grands prêtres,
Et, dans la hiérarchie éternelle des êtres,
Ils n’ont au-dessus d’eux, les augustes ancêtres,
Que le grand ancêtre Océan.






Le tonnerre leur plaît. Tout le ciel qui s’embrase
À leurs fronts ceints d’éclairs met un nimbe d’extase.
Ils font rugir la foudre au creux de leurs ravins ;
Et sous les vents du nord à la sauvage allure,
Ils semblent redresser leur antique stature,
Ravis de voir flotter comme une chevelure
Leurs grandes forêts de sapins.

Au-dessus du troupeau servile et gras des plaines,
La fière aridité de leurs formes hautaines
Se drape en plein azur d’un manteau de clartés.
Ils sont les chastes monts aux aigles seuls propices,
Et la mort, les deux mains pleines de maléfices,
Garde sinistrement au bord des précipices
Leurs terribles virginités.

Une douceur aussi dans leur grand cœur circule.
La corne pastorale au fond du crépuscule
De vallon en vallon sonne en se prolongeant.
Avec la brebis blanche et la chèvre grimpante
Les vaches des bergers s’égrènent sur la pente ;
Et toute la montagne, où maint troupeau serpente,
Est pleine de cloches d’argent.

Le soir, c’est derrière eux que le soleil se couche...
Alors, la nuit, vêtus d’une ombre plus farouche,
Ils rendent à leurs pieds les coteaux plus tremblants.
Et quand du fond du ciel la filiale aurore
S’avance, d’un premier rayon pur et sonore
Elle va, comme on fait aux vieillards qu’on honore,
Baiser d’abord leurs cheveux blancs.

Ils sont l’élan puissant et profond de la terre.
L’azur les glorifie, et leur splendeur austère
Exalte les chanteurs aux beaux fronts inspirés.
Leurs pensers sont de grands éclairs sur les abîmes ;
La force des torrents gronde en leurs voix sublimes ;
Et c’est le même vent vertigineux des cimes
Qui souffle dans leurs chants sacrés.

L’arc de Diane sonne aux forêts du Taygète.
Sur le Parnasse en fleur, Apollon Musagète
Fait chanter l’archet d’or dans l’air de cristal bleu.
L’Olympe craque au bruit de l’immortelle joie ;
Sur le Caucase en sang l’affreux vautour s’éploie ;
Et l’Œta voit debout dans le feu qui flamboie
Hercule devenir un dieu.

Moïse au large front d’airain, Orphée imberbe,
Tous les pâles songeurs où s’incarna le verbe,
Pensifs, ont descendu leurs géants escaliers...
Car les monts, où le rêve augustement s’attache,
Ont dans leurs profondeurs une âme qui se cache ;
Et c’est de leurs vieux flancs éventrés qu’on arrache
Le marbre où les dieux sont taillés.

De sommet en sommet bondissant, éperdue,
L’âme-en plein firmament-respire l’étendue,
Et s’enivre du froid sublime de l’éther...
Les routes, les cités, les campagnes reculent,
Toutes les visions de la terre s’annulent ;
Et seuls les grands sommets dans la lumière ondulent
Comme les vagues de la mer.

Les monts ont les glaciers d’argent, les sources neuves
D’où sort la majesté pacifique des fleuves,
Les rocs aériens où l’aigle fait son nid.
Par leurs sentiers hardis, fuyant les embuscades,
Les chamois indomptés mènent leurs cavalcades ;
Et l’arc-en-ciel qui brille au travers des cascades
Fleurit leurs lèvres de granit.

Ainsi, gardant pour eux la terreur des orages,
Ils couvrent à leurs pieds les humbles pâturages
De la grave bonté d’un regard paternel.
Dans l’azur étonné leurs pics superbes plongent.
Sans fin à l’horizon leurs croupes se prolongent ;
Et, doux de la douceur des colosses, ils songent
Dans je ne sais quoi d’éternel.
Rita-kazem
Rita-kazem

Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010

Revenir en haut Aller en bas

Albert SAMAIN - Page 2 Empty Idéal

Message par Rita-kazem Lun 19 Avr - 7:59

Hors la ville de fer et de pierre massive,
À l’aurore, le chœur des beaux adolescents
S’en est allé, pieds nus, dans l’herbe humide et vive,
Le cœur pur, la chair vierge et les yeux innocents.





Toute une aube en frissons se lève dans leurs âmes.
Ils vont rêvant de chars dorés, d’arcs triomphaux,
De chevaux emportant leur gloire dans des flammes,
Et d’empires conquis sous des soleils nouveaux !

Leur pensée est pareille au feuillage du saule
À toute heure agité d’un murmure incertain ;
Et leur main fièrement rejette sur l’épaule
Leur beau manteau qui claque aux souffles du matin.

En eux couve le feu qui détruit et qui crée ;
Et, croyant aux clairons qui renversaient les tours,
Ils vont remplir l’amphore à la source sacrée
D’où sort, large et profond, le fleuve ancien des jours.

Ils ont l’amour du juste et le mépris des lâches,
Et veulent que ton règne arrive enfin, seigneur !
Et déjà leur sang brûle, en lavant toutes taches,
De jaillir, rouge, aux pieds sacrés de la douleur !

Tambours d’or, clairons d’or, sonnez par les campagnes !
Orgueil, étends sur eux tes deux ailes de fer !
Ce qui vient d’eux est pur comme l’eau des montagnes,
Et fort comme le vent qui souffle sur la mer !

Sur leurs pas l’allégresse éclate en jeunes rires,
La terre se colore aux feux divins du jour,
Le vent chante à travers les cordes de leurs lyres,
Et le cœur de la rose a des larmes d’amour.

Là-bas, vers l’horizon roulant des vapeurs roses,
Vers les hauteurs où vibre un éblouissement,
Ivres de s’avancer dans la beauté des choses,
Et d’être à chaque pas plus près du firmament ;

Vers les sommets tachés d’écumes de lumière
Où piaffent, tout fumants, les chevaux du soleil,
Plus haut, plus haut toujours, vers la cime dernière
Au seuil de l’empyrée effrayant et vermeil ;

Ils vont, ils vont, portés par un souffle de flamme...
Et l’espérance, triste avec des yeux divins,
Si pâle sous son noir manteau de pauvre femme,
Un jour encore, au ciel lève ses vieilles mains !

Pieds nus, manteaux flottants dans la brise, à l’aurore,
Tels, un jour, sont partis les enfants ingénus,
Le cœur vierge, les mains pures, l’âme sonore...
Oh ! Comme il faisait soir, quand ils sont revenus !

Pareils aux émigrants dévorés par les fièvres,
Ils vont, l’haleine courte et le geste incertain.
Sombres, l’envie au foie et l’ironie aux lèvres ;
Et leur sourire est las comme un feu qui s’éteint.

Ils ont perdu la foi, la foi qui chante en route
Et plante au cœur du mal ses talons frémissants.
Ils ont perdu, rongés par la lèpre du doute,
Le ciel qui se reflète aux yeux des innocents.

Même ils ont renié l’orgueil de la souffrance,
Et dans la multitude au front bas, au cœur dur,
Assoupie au fumier de son indifférence,
Ils sont rentrés soumis comme un bétail obscur.

Leurs rêves engraissés paissent parmi les foules ;
Aux fentes de leur cœur d’acier noble bardé,
Le sang altier des forts goutte à goutte s’écoule,
Et puis leur cœur un jour se referme, vidé.

Matrone bien fardée au seuil clair des boutiques,
Leur âme épanouie accueille les passants ;
Surtout ils sont dévots aux seuls dieux authentiques,
Et, le front dans la poudre, adorent les puissants.

Ils veulent des soldats, des juges, des polices,
Et, rassurés par l’ordre aux solides étaux,
Ils regardent grouiller au vivier de leurs vices
Les sept vipères d’or des péchés capitaux.

Pourtant, parfois, des soirs, ils songent dans les villes
À ceux-là qui près d’eux gravissaient l’avenir,
Et qui, ne voulant pas boire aux écuelles viles,
S’étant couchés là-haut, s’y sont laissés mourir ;

Et le remords les prend quand, au penchant des cimes,
Un éclair leur fait voir, les deux bras étendus,
Des cadavres hautains, dont les yeux magnanimes
Rêvent, tout grands ouverts, aux idéals perdus !
Rita-kazem
Rita-kazem

Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010

Revenir en haut Aller en bas

Albert SAMAIN - Page 2 Empty Vocation

Message par magda Mar 20 Avr - 19:03

Vocation




Barbare et somptueux brasier de pierreries,
Le sabre, recourbant sa lame d’acier fin,
Fait luire sur la rouge extase d’un coussin
L’efflorescent trésor de ses orfèvreries.







Il chante l’allégresse atroce des tueries ;
La guerre exalte en lui son orgueil assassin ;
Et les pierres, qu’enroule un fastueux dessin,
Chargent son pommeau d’or de lumières fleuries.

Cependant, sous les feux ivres des diamants
Il souffre, consumé d’héroïques tourments ;
Car sa splendeur oisive est vierge encor d’entailles.

Et, sombre, dévoré d’un désir incessant,
Il couve un vieux poignard tordu par cent batailles,
Qui n’a pour tous joyaux qu’une rouille de sang.
magda
magda

Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010

Revenir en haut Aller en bas

Albert SAMAIN - Page 2 Empty Faust

Message par magda Mar 20 Avr - 19:04

Faust





Ô Faust, ta lampe blême expire de sommeil ;
La page où tu lis tourne au vent frais de l’aurore.
Lève le front, regarde... au chant du coq sonore
La face du seigneur monte dans le soleil !







Pendant qu’au pavé nu tu crispes ton orteil,
Vois, le monde tressaille, heureux d’un jour encore.
Ta vie est un serpent maudit qui se dévore.

Ton âme ? - ta science affreuse l’a tuée.
Ta raison ? - laisse là cette prostituée
Qui s’est donnée à tous, et qui n’a point conçu.

Mais Hélène aux bras blancs passe au loin sur la grève,
Et ton cœur, ton vieux cœur à la fin se soulève,
Devant le corps divin voilé d’un long tissu,

Vers le seul rêve humain qui n’ait jamais déçu.
magda
magda

Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010

Revenir en haut Aller en bas

Albert SAMAIN - Page 2 Empty Antigone

Message par magda Mar 20 Avr - 19:05

Antigone




L’homme, puni des dieux parce qu’il a trouvé,
Pareil en sa misère à l’époux de Jocaste,
Marche de siècle en siècle et, las du ciel néfaste,
Demande chaque soir s’il n’est pas arrivé.






Mais, guidant son bâton qui se heurte aux pavés,
Sa fille près de lui glisse, voilée et chaste,
Et, fidèle, accompagne, ainsi qu’un pur contraste,
L’antique désespoir dont les yeux sont crevés.

Par les villes de pierre et par les longs faubourgs
Ils vont ; tendant la main, le soir, aux carrefours,
La vierge aux cils blonds chante, et demande l’aumône ;

Et rien n’est plus sacré que le vieux roi sans yeux,
Qui vient à nous du fond des temps mystérieux,
Dont l’âme peut souffrir encore et s’en étonne,

Et que soutient toujours la divine Antigone.
magda
magda

Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010

Revenir en haut Aller en bas

Albert SAMAIN - Page 2 Empty Re: Albert SAMAIN

Message par Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas

Page 2 sur 3 Précédent  1, 2, 3  Suivant

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum