Bernadette Sanou
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Bernadette Sanou
BERNADETTE SANOU
est originaire du Burkina faso a choisi pour son premier recueil un titre qui évoque cette expérience particulière de la douleur. Parturition ouvre à ce domaine de la souffrance féminine et somme toute simplement humaine. Ce registre de la souffrance demeure ouvert avec Les tombes qui pleurent de sa jeune compatriote Pierrette Kanzié.
"Parturition" et "Les Tombes qui pleurent" : l'expérience de la douleur
Ces deux recueils baignent dans une atmosphère insupportable de souffrance où plane le voile d'une immense tristesse.
Parturition évoque une double douleur : celle des femmes mais aussi celle de toute une société dont le quotidien constitue une lutte permanente pour survivre. L'image saisissante des Tombes qui pleurent suffit à nous indiquer le ton du recueil.
À travers Parturition, Bernadette Sanou nous amène à découvrir et à appréhender la douleur qui frappe tous les niveaux de la vie sociale, à des degrés divers : sur les traits de la femme en couches, ceux du paysan qui trime sur une terre ingrate et aride, ceux défigurés de la fillette subissant le rite atroce de l'excision :
La douleur se trouve comme tapie dans tous les recoins de l'espace social. Le quotidien en semble totalement imprégné. Lancinante, pernicieuse, elle est ressentie par tous les membres du corps social. Et la poète partage cette souffrance des siens. Toute sa préoccupation est centrée sur son peuple. Nous avons déjà pu constater comment les africaines se sentaient concernées par le destin de leurs sociétés, comment elles étaient animées du désir d'oeuvrer à l'essor de celles - ci.
Comme une prière, Bernadette Sanou fait connaître son intention (Je voulais simplement dire Mon peuple ). Rien d'autre! Dire son peuple, dire ses malheurs, sa soif de vie, ses combats, voilà ce à quoi elle et ses consoeurs se sentent portées. La répétition inlassable des possessifs Mon , Mien, Mienne témoigne de ce désir profond de fusion totale avec ce peuple. Les possessifs Mien, Mienne reviennent 8 fois dans cet extrait. C'est une peinture sociale complète qui décrit bien le sort de chaque catégorie; que ce soit celle des enfants, des femmes ou des vieillards, ces catégories partagent un destin commun, celui de la douleur et de la pauvreté. Elles demeurent les plus touchées par le fléau de la pauvreté notamment. L'image des enfants de la rue réduits à la mendicité reste atroce. Que dire du sort de la petite fille soumise au rite cruel de l'excision? Que dire de celui des femmes elles - mêmes? Leur situation, malgré les discours, ne s'est pas beaucoup améliorée. Cette douleur inqualifiable de la parturition évoque bien celle qui touche également le peuple et dont la cruauté révoltante ne peut qu'accroître la souffrance de ne pouvoir intervenir pour changer les choses. Le sentiment d'impuissance face aux drames est aussi douloureux que l'expérience de la douleur elle - même. L'impuissance peut se changer en culpabilité quand on sait que l'écrivain militant interprète sa fonction sociale comme une mission sacrée à accomplir. Les poètes africaines portent à l'égard de leurs peuples un amour qui a les accents et la couleur de la passion. Solidaires des opprimés, sensibles à l'injustice sociale, elles partagent leurs détresses et se sentent pleinement concernées par leur devenir qu'elles portent en elles comme une quête douloureuse. Les défis sont énormes, les espoirs, immenses. Combler tous ces espoirs, voilà la nature de la clause du contrat qui lie ces poètes à leurs sociétés. Ainsi, Bernadette Sanou ne se lasse pas d'insister jusqu'à atteindre son objectif. Sa supplique se fait à l'image de sa société, lente, longue et douloureuse :
L'image de la parturition constitue un double symbole, celui d'un malaise social qui se dit en termes d'être et d'avoir. Racontée comme un conte, l'histoire du peuple que les femmes africaines portent en elles est pourtant un drame qui se joue au quotidien, dans le même décor, avec les mêmes acteurs et les mêmes spectateurs.
L'assurance de la victoire finale rythme la marche de la poète Sanou et de son peuple. La persévérance face à l'adversité et la ténacité à continuer le combat se puisent dans cette force que constitue leur union qui semble parfaite. Main dans la main, chaque pas dans la douleur se fait moins pesant et devient du coup, un pas d'espoir vers la liberté. La lutte contre le morne quotidien pour des lendemains meilleurs devient le leitmotiv de leur quête. Le plan d'action est ainsi tracé mais l'espace des urgences se prolonge, interminable. La préoccupation de la poète se fixera donc sur ces urgences plus importantes que l'expérimentation formelle. Sa poétique sera une requête polie, exprimée comme une excuse :
L'expérience de la douleur dévoilée à travers Parturition se continue à d'autres échelles, sur d'autres fronts, car la douleur domine le quotidien et y est inscrite comme un programme inévitable :
Rythme monotone, cadence lente et douloureuse à l'image de ce pays, la marche s'avère très rude. Faite d'arrêts et de reprises, l'évolution de la quête a tendance à stagner à cause de la douleur et de la tristesse omniprésentes
est originaire du Burkina faso a choisi pour son premier recueil un titre qui évoque cette expérience particulière de la douleur. Parturition ouvre à ce domaine de la souffrance féminine et somme toute simplement humaine. Ce registre de la souffrance demeure ouvert avec Les tombes qui pleurent de sa jeune compatriote Pierrette Kanzié.
"Parturition" et "Les Tombes qui pleurent" : l'expérience de la douleur
Ces deux recueils baignent dans une atmosphère insupportable de souffrance où plane le voile d'une immense tristesse.
Parturition évoque une double douleur : celle des femmes mais aussi celle de toute une société dont le quotidien constitue une lutte permanente pour survivre. L'image saisissante des Tombes qui pleurent suffit à nous indiquer le ton du recueil.
À travers Parturition, Bernadette Sanou nous amène à découvrir et à appréhender la douleur qui frappe tous les niveaux de la vie sociale, à des degrés divers : sur les traits de la femme en couches, ceux du paysan qui trime sur une terre ingrate et aride, ceux défigurés de la fillette subissant le rite atroce de l'excision :
- Je voulais simplement dire
Mon peuple
Faire mien le gamin tout nu
Au ventre bombé par la malnutrition
Mien le gamin en haillons
Traînant dans la poussière des rues
La peau du visage si blanchie par l'harmattan
Tendant aux passants une boîte de tomate vide
En guise de sébile
Mien, le vieil homme au talon crevassé
À même le sol sec.
Tirant et tirant encore la daba sur le sol sec.
Mienne, l'épouse pilant le mil pour la pâte du soir,
Pilant les feuilles de baobab sèches pour la sauce du soir
Et je quête en vain un goût de viande dans cette sauce.
Mienne, la triste cohorte de femmes
Vers un point d'eau lointain, incertain;
Et sur leurs lèvres desséchées, un chant se meurt doucement
Mienne, la femme au ventre mûr revenant du champ :
Elle porte sur la tête un fagot de bois énorme
Et dans son dos le babil du bébé de l'an dernier.
Je voulais simplement dire
Mon peuple
Faire mienne la femme en couches qui s'éteint
La science des vieilles accoucheuses a failli,
Et les matrones du centre n'ont pu faire mieux.
Mienne, la fillette aux yeux hagards :
On la tient fermement, on lui écarte les jambes, brutalement
Et le couteau, souillé déjà
Arrache de sa gorge tendre un cri de douleur atroce! (Parturition, p. 16)
La douleur se trouve comme tapie dans tous les recoins de l'espace social. Le quotidien en semble totalement imprégné. Lancinante, pernicieuse, elle est ressentie par tous les membres du corps social. Et la poète partage cette souffrance des siens. Toute sa préoccupation est centrée sur son peuple. Nous avons déjà pu constater comment les africaines se sentaient concernées par le destin de leurs sociétés, comment elles étaient animées du désir d'oeuvrer à l'essor de celles - ci.
Comme une prière, Bernadette Sanou fait connaître son intention (Je voulais simplement dire Mon peuple ). Rien d'autre! Dire son peuple, dire ses malheurs, sa soif de vie, ses combats, voilà ce à quoi elle et ses consoeurs se sentent portées. La répétition inlassable des possessifs Mon , Mien, Mienne témoigne de ce désir profond de fusion totale avec ce peuple. Les possessifs Mien, Mienne reviennent 8 fois dans cet extrait. C'est une peinture sociale complète qui décrit bien le sort de chaque catégorie; que ce soit celle des enfants, des femmes ou des vieillards, ces catégories partagent un destin commun, celui de la douleur et de la pauvreté. Elles demeurent les plus touchées par le fléau de la pauvreté notamment. L'image des enfants de la rue réduits à la mendicité reste atroce. Que dire du sort de la petite fille soumise au rite cruel de l'excision? Que dire de celui des femmes elles - mêmes? Leur situation, malgré les discours, ne s'est pas beaucoup améliorée. Cette douleur inqualifiable de la parturition évoque bien celle qui touche également le peuple et dont la cruauté révoltante ne peut qu'accroître la souffrance de ne pouvoir intervenir pour changer les choses. Le sentiment d'impuissance face aux drames est aussi douloureux que l'expérience de la douleur elle - même. L'impuissance peut se changer en culpabilité quand on sait que l'écrivain militant interprète sa fonction sociale comme une mission sacrée à accomplir. Les poètes africaines portent à l'égard de leurs peuples un amour qui a les accents et la couleur de la passion. Solidaires des opprimés, sensibles à l'injustice sociale, elles partagent leurs détresses et se sentent pleinement concernées par leur devenir qu'elles portent en elles comme une quête douloureuse. Les défis sont énormes, les espoirs, immenses. Combler tous ces espoirs, voilà la nature de la clause du contrat qui lie ces poètes à leurs sociétés. Ainsi, Bernadette Sanou ne se lasse pas d'insister jusqu'à atteindre son objectif. Sa supplique se fait à l'image de sa société, lente, longue et douloureuse :
- Je voulais simplement dire
Mon peuple
Mienne aussi et mienne surtout
Cette foule, cette masse
Autour du cousin Mogoba
Et sur tous les visages la même anxiété douloureuse
Mienne, cette femme, là - bas, au fond de la cour;
Elle frotte de ses mains le dos de la marmite sale
Et ses mains ont l'écaille du dos de la marmite
On la hèle, on lui apprend qu'à la ville
Son fils est élu député
Elle dit : Dépité?
Et s'en réjouit si peu que mon coeur se glace...
Je voulais simplement dire
Mon peuple
Miens tous ces regards a-vides ( autour du cousin Mogoba (Parturition, p. 24.)
L'image de la parturition constitue un double symbole, celui d'un malaise social qui se dit en termes d'être et d'avoir. Racontée comme un conte, l'histoire du peuple que les femmes africaines portent en elles est pourtant un drame qui se joue au quotidien, dans le même décor, avec les mêmes acteurs et les mêmes spectateurs.
L'assurance de la victoire finale rythme la marche de la poète Sanou et de son peuple. La persévérance face à l'adversité et la ténacité à continuer le combat se puisent dans cette force que constitue leur union qui semble parfaite. Main dans la main, chaque pas dans la douleur se fait moins pesant et devient du coup, un pas d'espoir vers la liberté. La lutte contre le morne quotidien pour des lendemains meilleurs devient le leitmotiv de leur quête. Le plan d'action est ainsi tracé mais l'espace des urgences se prolonge, interminable. La préoccupation de la poète se fixera donc sur ces urgences plus importantes que l'expérimentation formelle. Sa poétique sera une requête polie, exprimée comme une excuse :
- Que ma voix ne vous lasse point...
Cherchez ma poésie
Ailleurs que dans le jeu de mots savants
Ailleurs que dans l'image bien éclatante
Et si bien trouvée!
Cherchez ma poésie
Dans le marché central, dans la rue
Et dans les yeux ternes
Du gamin affamé
Mais surtout, mais par dessus - tout :
Que ma voix ne vous lasse point...(Parturition, p. 13)
L'expérience de la douleur dévoilée à travers Parturition se continue à d'autres échelles, sur d'autres fronts, car la douleur domine le quotidien et y est inscrite comme un programme inévitable :
- J'arrête
Mais mon pays, lui, continue, morne, lent et
Douloureux
J'arrête
Mais ma hargne, elle, persiste
Et ne me quitte pas
Mais mon corps reste lourd
Et les larmes de mes yeux s'écoulent
Gouttes de sang amer, flux et reflux
Sur mon peuple et mon pays (Parturition, p. 38)
Rythme monotone, cadence lente et douloureuse à l'image de ce pays, la marche s'avère très rude. Faite d'arrêts et de reprises, l'évolution de la quête a tendance à stagner à cause de la douleur et de la tristesse omniprésentes
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
loisirs : écrire, courir, vélo.
Date d'inscription : 08/10/2008
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