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Le Romantisme littéraire

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Message par Nadej-isis Sam 17 Avr - 15:46

Le Romantisme littéraire
I. Définition
Le romantisme est un courant littéraire, culturel et artistique européen dont les premières manifestations en Allemagne et en Angleterre, datent de la fin du 18ème siècle. C’est un courant de sensibilité et de pensée qui a influencé l’art et la culture de toute l’Europe.
Le romantisme se caractérise par une opposition au classicisme antique, païen et méridional. La raison, si chère aux classiques, est alors remplacée par l’émotion et la sensibilité.
Le mot « romantique » indique une conception de la vie digne du roman, faisant de l’homme un héros dont la sensibilité règne sur le monde. Il porte son attention sur l’individu (le Moi), recherche le dépaysement spatial (goût pour l’exotisme), temporel (goût pour l’histoire), social (intérêt pour le peuple) et religieux (goût pour le mysticisme).
Etre romantique signifie avant tout refuser l’ordre du monde, en pressentant que cet ordre est un désordre qui n’intègre que les nantis et les conformistes. C’est choisir la révolte, la différence jusqu’à la mort ; c’est avoir l’intuition du tragique de la condition humaine. C’est préférer l’ombre à la lumière, le silence au bruit, la mélancolie au bonheur considéré comme inaccessible. C’est oser des révolutions tout en se sentant las de vivre. C’est se sentir mal adapté au monde qui nous entoure, c’est préférer se blottir dans des siècles passés, dans des mondes qui n’existent pas ou qui existent seulement dans le rêve, l’imagination. C’est ressentir de façon exacerbée tous les sentiments humains : l’amour, l’amitié, la haine, la solitude, la tristesse, la difficulté de vivre.. C’est aussi ne pas avoir peur de briser tous les tabous : de regarder la mort en face, de flirter avec le blasphème, d’agir avec pour seules limites les limites de son propre cœur.
Né dans l’Europe du Nord, en Allemagne avec des auteurs tels que Novalis, Tieck, Kleist, Madame de Staël et en Angleterre avec Blake, Wordsworth, Coleridge, Byron, Shelley, Keats au cours des 30 dernières années du 18ème siècle, le romantisme s’est largement développé en France avec Stendhal, Lamartine, Vigny, Hugo, Musset, Gautier après la révolution pour gagner ensuite les pays de l’Europe du sud, notamment l’Espagne et l’Italie avec Manzoni et Leopardi. Tous ces romantismes nationaux ont en commun d’être des mouvements destructeurs, rejetant les principes du rationalisme du siècle des Lumières et les canons esthétiques du classicisme.
Tous ces romantismes ont pour intérêt la période médiévale gothique, le goût pour les paysages d’Orient, l’évocation de la vie intérieure, pour l’imagination et l’individu perçu comme origine de la représentation.
Mais s’il est possible de dégager un certain nombre de caractéristiques communes aux romantismes des divers pays d’Europe, chacun n’en demeure pas moins très spécifique, en raison des conditions politiques et sociales particulières dans lesquelles il se développe.

II. Histoire et caractéristiques

1) En Allemagne

Dans les années 1770, le romantisme allemand manifeste son inscription dans une réalité socio-historique en plein bouleversement. C’est ainsi que le mouvement du Sturm Und Drang émerge et devient l’un des thèmes principal de la littérature du Nord.
En effet, Sturm Und Drang qui signifie en français « Tempête et élan » est un mouvement à la fois politique et littéraire essentiellement allemand de la deuxième moitié du 18ème siècle. Précurseur du romantisme, son nom vient d’une pièce de théâtre de Klinger et naît en réponse au rationalisme dominant. Il prône la supériorité des sentiments, préfère la passion à la raison mais c’est avant tout un mouvement de contestation mené par la jeunesse. De nombreux romans vont émerger de ce mouvement, mais c’est le roman « Les souffrances du jeune Werther » de Goethe qui va le rendre immédiatement célèbre. Le mouvement s’inspire beaucoup de Jean-Jacques Rousseau et de William Shakespeare. Ses thèmes sont souvent rattachés à la nature qui apparaît comme forme de liberté et lieu privilégié pour toutes les émotions.

Dès lors, trois grandes périodes vont rythmer le romantisme allemand :

La première période, la plus connue mais aussi la plus importante est dite du romantisme d’Iéna de 1797 à 1801. Elle s’organise notamment autour des frères Schlegel et de la revue Athenäum. Influencé par le kantisme puis prolongé par les travaux de Fichte sur l’idéalisme, le romantisme d’Iéna était avant tout un projet, un programme tracé pour la littérature. Il fut en premier lieu une affirmation de la poésie, conçue comme une exploration des territoires de l’imagination transcendantale. Novalis parlait par exemple de former un monde poétique autour de soi pour vivre dans la poésie. (Les Hymnes à la nuit, 1800.)
Pour les auteurs d’Iéna, l’œuvre romantique mêlait la représentation naïve à la représentation réfléchie, tout art dans son essence devait être analysé voire remis en question.
D’après Novalis, les romantiques d’Iéna sont les seuls qui aient véritablement compris qu’avec la révolution française un « monde », le monde peut-être avait disparu sous leurs yeux et qu’ils étaient destinés à errer au milieu des ruines. « Il n’y a plus de ciel. Il n’y a plus que le jour et la nuit, c’est à dire la lumière dans laquelle les choses apparaissent : et si la nuit devient si belle, si importante, c’est qu’elle est le jour que les choses projettent ; c’est qu’elle est l’autre jour, dans un monde brusquement plaqué à l’horizontal ».

La deuxième est celle du romantisme d’Heidelberg de 1804 à 1809 avec Achim von Arnim et Clemens Brentano ( le cor enchanté) où le projet romantique ne consistait pas à recouvrir d’un voile poétique une réalité dénuée de poésie mais à « romantiser » le monde, à tout transformer en poésie.

Puis la troisième période n’ayant pas d’appellation précise donne à l’âme romantique une ouverture au lointain, à l’inconnu, à l’étrange et au surnaturel. Ainsi s’ouvre une période intense où s’invente les mélanges des genres, où la contradiction apparaît comme la loi même de la création. Comme exemple à cette période, l’on peut citer « les Contes » de Ludwig Tieck.

Jusqu’en 1810, le romantisme allemand est inventif : les premières années du 19ème siècle sont celles du retour aux sources légendaires de la nation allemande avec les contes de Grimm, les légendes du bas Rhin, celles du recours au fantastique d’Hoffmann dont les contes étranges auront une influence décisive sur Nodier, Gautier, Nerval et Balzac.
Tandis que Johann Paul Friedrich Richter dit Jean-Paul s’attache avec sensibilité aux mondes du rêve, deux auteurs solitaires s’imposent Friedrich Hölderlin (Hyperion) et Heinrich von Kleist (La cruche cassée).


2) En Angleterre


On considère généralement que le romantisme anglais prit naissance dans les dix dernières années du 18ème siècle, notamment avec les œuvres de James Thomson (les Saisons) et d’Edward Young ( les Nuits) et surtout William blake.
Si le romantisme anglais entretint des rapports étroits avec le présent et la misère des pauvres, il n’en fut pas moins très fortement influencé par la nostalgie d’un passé médiéval. Les romans gothiques d’Ann Radcliffe ( L’italien 1797, Les Mystères d’Udolphe, 1794) ceux d’Horace Walpole ( le château d’Otrante 1764) et les romans historiques de Walter Scott (Waverley 1814, Ivanhoé 1819) illustrent parfaitement ce goût pour le moyen-âge, pour l’étrange et le mystère. Et les poèmes de Macpherson montrent bien la fascination du 19ème pour un passé encore plus reculé. Le goût de l’étrange et du surnaturel, inséparable de l’évocation d’un « ailleurs » caractérise aussi les œuvres de Coleridge (la ballade du vieux marin 1798). Quant à Byron, qui incarna à la perfection certains traits de la figure romantique, il mêle la peinture de l’Orient à un lyrisme méditatif dans un célèbre récit de voyage intitulé « Childe Harold » en 1812.

Les romantiques anglais protestent non seulement contre les artifices de la civilisation, la férocité de l’histoire, mais encore contre les nouvelles formes de l’esclavage. Les démunis, les pauvres deviennent alors les interlocuteurs des poètes romantiques anglais et de leurs héros favoris.
Le premier romantisme anglais est tourné vers la nature, le féminin, l’enfance, encore préservée des aléas du monde adulte, sur la beauté, l’innocence tandis que la seconde génération romantique menée par Lord Byron crie le mal de vivre ou chante les héros rebelles ( Mandfred 1817). C’est ainsi que Percy Shelley cherche une consolation pour l’homme dans la nature avec son « Ode au vent d’Ouest » en 1820 ; que John Keats approfondit la résonance intérieure d’une âme angoissée en quête d’une spiritualité et d’une beauté qu’il pense trouver dans l’éternité de l’art grec tandis que Thomas De Quincey, dans son autobiographie « Confessions d’un mangeur d’opium » en 1821 explore les thèmes de la douleur, de l’introspection, de l’abandon, du péché, des forces secrètes qui manipulent l’homme, et célèbre l’art de rêver.


3) En France


Avant la révolution française de 1789, c’est Jean-Jacques Rousseau qui ouvrit la voie du romantisme par ses « Rêveries du promeneur solitaire » ou par ses grandes utopies romanesques comme « la nouvelle Héloïse ». Mais la singularité de l’expérience française tient aux contradictions et aux déchirures que la révolution a laissées derrière elle.
En France, autour de 1800, alors que s’apprêtait à sortir « Atala » et « René » de Chateaubriand, la notion de romantisme n’existait guère que sous la forme de l’adjectif « romantic » tiré de l’anglais qui signifie « romanesque » et « pittoresque » ou de l’adjectif « Romantik en allemand où il est question de retrouver le génie des anciens peuples romans. Le terme de « Romantique » prend alors en France tout son sens grâce à l’ouvrage « De l’Allemagne » de Madame de Staël qui est la première à décrire ce mouvement.

Socialement, les premiers romantiques français sont nobles : Chateaubriand, Lamartine, Vigny ou encore Musset. Ils semblent passéistes, souvent catholiques, en quête désespérée de valeurs nouvelles. Politiquement, ils sont souvent monarchistes. Esthétiquement, ils sont d’abord poètes, avec un goût des vers et des mots emprunts de la création hugolienne. Ils semblent en accord pour déclamer le tragique malaise d’une génération perdue, en quête d’idéaux et qui rencontre en guise de héros les premiers capitalistes. En outre, sur le plan thématique, les poètes romantiques utilisent souvent les mythes de l’antiquité grecque ou romaine.
Cette première génération romantique de 1830 se définie par son mal du siècle et son désenchantement.

Frappés du même mal de vivre, des romanciers tels que Stendhal, Balzac, George Sand, Dumas, Eugène Sue s’imposent en France et ont en commun ce que l’on a appelé la « Foi romantique ». Cette Foi, ce vouloir-vivre malgré tout on les retrouve chez le jeune Julien Sorel du « rouge et noir », mais aussi chez Lucien de Rubempré dans « Illusions perdues ».

Le romantisme français ne cesse de croître avec notamment la création de quelques salons littéraires comme celui de Nodier ou d’Hugo où ce dernier en profite pour rédiger le pamphlet anticlassique et proromantique dans la préface de Cromwell en 1827. les règles du théâtre traditionnel ( règle de temps, de lieu et d’action )sont alors remises en question puis finalement complètement mises de côté par les romantiques. Et c’est encore avec le théâtre que le scandale advient lors de la mémorable « bataille d’Hernani » en 1830 où Hugo impose son esthétique nouvelle.

Passéiste ou résolument tourné vers le ciel contemporain, le romantisme est critique ; il ne s’accommode pas de ce qui existe, il dénonce la perte de foi, les solitudes nouvelles dans les grandes villes. Révolté et dynamique, mélancolique et enthousiaste, le romantisme apparaît comme un prodigieux créateur dans tous les domaines et tous les genres.


II. La sensibilité romantique

Si l’on veut chercher la base profonde du romantisme, le caractère où il se montre européen, il n’y faut pas voir une simple évolution des formes poétiques car c’est avant tout un état d’âme et une manière de sentir. La sensibilité romantique se compose d’émotions douces, de penchants, de rapports affectifs entretenus avec la famille, les amis, les êtres aimés, l’humanité, de souvenirs des êtres chers disparus, de pitié, d’attirance pour la beauté des paysages, pour l’ambiance de la nuit.


1) Le Mal du siècle

Cette expression désigne l’état d’incertitude et d’insatisfaction des deux premières générations romantiques. Ce trouble, souvent apparenté à la « vague des passions » vient du décalage entre les espoirs et la réalité historique ; il prend la forme d’une alternance d’enthousiasme et de chagrin, de vague à l’âme, d’épuisement.

Goethe disait « Le classicisme, c’est la santé ; le romantisme la maladie ». Des pâles figures alanguies de poètes lunatiques et de jeunes filles guettées par la phtisie hantent en effet les pages de la littérature romantique. Le mal du siècle est précurseur du « spleen » baudelairien mais aussi du terme moderne de « Mal de vivre ». les symptômes sont divers : inquiétude, mélancolie, vapeurs, sentiment de perte et de chute pour une quête de l’identité. Tous ces symptômes se rapportent à la même prise de conscience, à la découverte du vide et de l’insécurité à l’intérieur de l’être. Le néant se révèle par une double expérience : les marécages de l’ennui et les menaces, explicites ou confuses, venant du monde. Rêverie stérile, apathie, pulsions morbides, dégoût de la vie, sentiment du vide ou au contraire désirs désordonnés marquent une génération, souvent d’origine aristocratique, traumatisée par le cours vertigineux des événements et par la perte des repères spirituels et moraux liés à un christianisme mis à mal par les Lumières.

Les romantiques trop préoccupés par l’ennui de vivre, possédaient une sorte de fièvre en eux qui les poussaient à brûler leur vie toute entière en seulement dix ou vingt années d’existence adulte. D’ailleurs, le nombre de ceux qui sombrèrent dans la folie est plus grand qu’à aucune autre époque (Cowper, Hölderlin, Nerval…) et la liste des suicidés ou de morts jeunes est plus impressionnante encore. Comme le disait Musset dans ses « stances à la Malibran » « Le seuil de notre siècle est pavé de tombeaux ». Car par tout un côté contradictoire, le romantisme est un plongeon vers le noir, le bas, le lugubre et même la démence alors qu’il ne cesse de se démener pour atteindre la beauté, l’infini. Mais pourquoi alors cet ennui de vivre est –il plus fort que l’envie de vivre ? Pourquoi préférer la destruction à la consolidation de son bonheur ? Le romantique ne désire pas parce qu’il est triste, ou s’ennuie mais il s’ennuie et il est triste parce qu’il désire. Effectivement la vie affective de tout homme s’agite entre désirer et jouir et chez l’individu considéré comme normal il existe, entre ces deux phénomènes, un certain rythme régulier ; on s’attarde un temps au plaisir avant de se remettre à désirer. Le romantique lui par contre est perpétuellement en désir : la jouissance que retient d’autres hommes ne le captive pas, il n’y est pas sensible. Il ne goûte qu’un instant à cette illusion du bonheur pour aussitôt tourner son appétit insatiable vers d’autres objets qui ne le contenteront pas davantage. Par ce fait il est instable et sans cesse tourmenté car il n’arrive jamais à contenter ses projets, ses aspirations, il veut toujours plus quitte à détruire tout ce qu’il a construit auparavant pour satisfaire un nouveau désir. Ainsi le romantique fait penser à l’enfant qui tend ses bras pour saisir la lune. Il tend à l’impossible, il désire ce qui ne peut pas se réaliser puis ensuite pleure d’être incompris.
« Je me suis mis à sonder mon cœur, à me demander ce que je désirais. Je ne le savais pas ; mais je crus tout à coup que les bois me seraient délicieux. »
René, Chateaubriand.
2) L’importance du Lyrisme

Un des traits principaux du Romantisme est l’exaltation du « Moi ». En effet, le poète romantique expose ses états d’âmes en un épanchement qui trouve un écho dans l’affectivité de son lecteur. Par exemple « Les Nuits » de Musset ou « Les Contemplations » de Hugo retracent certains épisodes douloureux de la vie de leur auteur. L’utilisation constante du « Je » fait de l’écriture romantique une sorte de miroir dans lequel le poète, en se racontant et en se souvenant, s’observe et s’analyse.
Cette sorte de sensibilité se rattache souvent aux thèmes du temps qui passe et de la nature, par exemple sur la nostalgie de l’enfance ou l’importance de la mémoire. Dans sa quête de consolation le poète trouvera dans la nature une confidente en accord avec sa propre sensibilité. Cette nature est souvent sauvage pour mieux refléter les tourments qui agitent l’esprit romantique : bords de mer et tempêtes, bois profonds, forêts mystérieuses, volcans en éruption…

Le romantique est enfermé dans son « moi » comme en un mur infranchissable, il lui manque la capacité de sortir, par la sensibilité, de se transporter dans celle d’autrui. Et c’est peut-être pour cela que son désir est si inquiet, son besoin de sentir si exigeant car celui qui a des attachements, des liens, n’a pas le cœur nostalgique, l’amour constant apaise son désir. Mais être capricieux, n’aimer rien d’une manière forte, c’est le fait de celui qui ne se détache pas de lui-même, qui s’emprisonne dans sa sensibilité propre, qui n’arrive pas à se « poser ». Le romantique aimerait s’attacher à l’autre mais par sa nature inconstante et trop tournée vers lui-même il n’y arrive pas et pour cette raison se croit à chaque instant irrémédiablement seul.

Déjà le fait de désirer sans arrêt, d’échapper au processus normal de la sensibilité, marque une disposition inquiétante ; mais les tendances dont elle s’accompagne, cet enfermement du « moi » incapable de s’unir à d’autres par sympathie, cet isolement progressif de l’individu replié sur ses propres sensations entraîne le romantique vers la folie, la maladie.

« Il y a des jours où j’ai une lassitude immense, et un sombre ennui m’enveloppe comme un linceul partout où je vais : ses plis m’embarrassent et me gênent, la vie me pèse comme un remord. Si jeune et si lassé de tout, quand il y en a qui sont vieux et encore pleins d’enthousiasme ! Et moi je suis si tombé, si désenchanté. Que faire ? »
Mémoires d’un fou, Gustave Flaubert.
3) La recherche de l’évasion
L’expression lyrique du mal de vivre s’accompagne de nombreuses tentatives d’évasion pour échapper au présent ou aux murs du quotidien. Un de leurs thèmes favoris est celui de l’évasion d’une prison symbolique ou réelle, leur cachot est l’univers et ils veulent lui échapper à tout prix.
Voyager apparaît donc comme le thème majeur des romantiques, que ce soit vers les pays méditerranéens, orientaux ou désertiques. Mais ces errants infatigables aiment bien souvent leur course pour elle-même, et ne se soucient plus de la terminer. Ils prennent plaisir au mouvement sans halte, à la fuite sans borne, comme on chérit la mélancolie qui ne devrait être que l’annonce du bonheur. Parmi les paysages privilégiés dominent les landes désolées des poèmes ossianiques, la montagne, particulièrement alpestre, les terres exotiques. Parmi les saisons, l’automne des brumes, de la chute des feuilles, de la nature mélancolique en harmonie avec l’âme du poète. Une place particulière est réservée aux jardins, surtout aux jardins à l’anglaise.

Le voyage dans le temps est également un thème récurrent car l’insatisfaction du présent est vraiment très forte. Le temps historique n’est plus réduit à une succession de moments ou d’époques, et les romantiques lui accordent une continuité interprétable, fondée sur la rupture révolutionnaire. Chaque période de l’histoire est susceptible d’une appréhension particulière, qui en fait revivre la spécificité, la couleur, la saveur ; l’histoire s’organise selon un devenir. Par exemple le Moyen-âge est l’époque la plus revisitée par Hugo, la Renaissance italienne inspire beaucoup Musset et Stendhal. Et de cette manière, la poésie va abandonner les cadres rigides du classicisme pour s’inspirer des autres formes littéraires des autres pays comme l’utilisation des vers libres à la place des alexandrins. Selon les romantiques, pour vivre il faut trouver des points d’ancrage. Le goût du passé peut alors se préciser comme primitivisme, comme désir de ressourcement dans l’origine. Ceci explique la promotion des mythes et légendes, le retour de la religion comprise comme retour au principe premier.

Le voyage a donc lieu dans l’espace et le temps mais aussi dans le monde du rêve car à défaut de trouver des satisfactions dans un environnement trop marqué par le souci de la réussite matérielle, les romantiques cherchent refuge dans le rêve et la réminiscence. Par exemple, Nerval se remémore une autre vie et explore les frontières inconnues qui vont de la veille au sommeil. On aime la rêverie et la solitude, souvent par la douce souffrance qu’elles procurent et la preuve de supériorité qu’elles semblent conférer.
« Que tes temples, Seigneur, sont étroits pour mon âme !
tombez, murs impuissants, tombez !
laissez-moi voir ce ciel que vous me dérobez !
architecte divin, tes dômes sont de flammes !
que tes temples, Seigneur, sont étroits pour mon âme ! »
Hymnes à la nuit, Novalis.
4) Un nouveau type de Héros

Comme le soulignait Musset, le héros romantique est un être qui a conscience « d’être né trop tard dans un monde trop vieux » c’est à dire qui ne se sent pas maître de son destin.
Le héros a cette capacité de refuser les limites, de toucher chaque lecteur dans ce qu’il a de plus personnel. La quête de l’amour est seule capable d’apaiser ses souffrances mais conscient de son exigence et se connaissant versatile et inassouvissable, il désire l’amour ardent, exalté jusqu’au mysticisme.
D’ailleurs la plupart des héros romantiques qui voulurent l’amour à tout prix furent incapables d’aimer : le sentiment chez eux, tourne au platonisme le plus mince, devient une pure flamme intellectuelle ou se perd dans l’appétit grossier.
Leur prétendu amour du beau cache une infirmité secrète. Ainsi certains souffrent d’un désir de domination qu’ils ne satisfont pas parce qu’ils n’ont pas la force nécessaire ou d’autres souvent infidèles parce qu’ils sont incapables d’aimer.
Mais avant toutes ces considérations, le héros romantique se caractérise surtout par sa soif de liberté, par son envie de n’être dicté que par lui-même, libéré des contraintes sociales et politiques.

« Courez vous enfermer dans vos cités, allez vous soumettre à vos petites lois ; gagnez votre pain à la sueur de votre front, ou dévorez le pain du pauvre ; égorgez-vous pour un mot, pour un maître, doutez de l’existence de Dieu, ou adorez-le sous des formes superstitieuses : moi j’irai errant dans mes solitudes ; pas un seul battement de mon cœur ne sera comprimé, pas une seule de mes pensées ne sera enchaînée ; je serai libre comme la nature ; je ne reconnaîtrai que celui qui alluma la flamme des soleils et qui d’un coup de main fit rouler tous les mondes. »

Voyage en Amérique, Chateaubriand, 1827.
5) Intériorité et spiritualité

Si l’énergie entraîne l’individu vers tout ce qui lui est extérieur, à ce mouvement d’extraversion répond un cheminement inverse d’introversion. En effet, pour reprendre les termes de Baudelaire, le romantisme recouvre trois tendances : intimité, spiritualité et aspiration à l’infini.
Le romantisme est attiré par tout ce qui gravite autour de l’illuminisme, de l’ésotérisme et de l’occultisme. Ce penchant se manifeste en raison même des insuffisances reprochées à un catholicisme trop vite retombé dans le dogmatisme. Les spéculations ésotériques, mystiques, théologiques présentent bien des séductions car elles organisent du sens et proposent des visions différentes de l’universel. Elles fécondent le romantisme en lui fournissant de nombreux thèmes comme la palingénésie qui est une conception cyclique de l’histoire ouvrant sur la régénération.
Un intérêt croissant porté à l’inconscient se fait ressentir, il devient le « fond de l’âme » c’est à dire ce centre vers lequel le romantisme se tourne pour échapper à son isolement. Nodier ira même jusqu’à affirmer que le sommeil est « non seulement l’état le plus puissant, mais encore le plus lucide de la pensée…Il semble que l’esprit offusqué des ténèbres de la vie extérieure, ne s’en affranchit jamais avec plus de facilité que sous le doux empire de cette mort intermittente, où il lui reste permis de reposer dans sa propre essence et à l’abri de toutes le influences de la personnalité de convention que la société nous a faite. »


III. Le romantisme aujourd’hui, survie d’un mouvement
Dans bien des ouvrages le courant romantique est considéré comme terminé vers 1850, aussi pouvons-nous nous demander quelles sont les raisons de cet arrêt brutal, pourquoi à cet instant précisément ?
En France, c’est l’échec de la pièce d’Hugo « Les Burgraves » en 1843 qui marqua la fin de la période romantique. En effet, cet échec retentissant au théâtre frappa la foule et les critiques littéraires, très attachés au classicisme, qui profitèrent de l’occasion pour attaquer sans demi-mesure le courant romantique très essoufflé. Les lecteurs commencent à se lasser de ces vers et de cette prose angoissée tandis que d’autres courants considérés comme plus attirants et beaucoup moins torturés apparaissent comme le courant Parnassien par exemple.

Cependant, même officiellement mort aux alentours de 1850 dans les pays d’Europe, le romantisme a pourtant survécu par l’influence affichée ou souterraine, qu’il exerça sur les choix thématiques et sur la sensibilité des auteurs modernes. C’est le cas notamment de Baudelaire, Rimbaud, Lautréamont, André Breton et Julien Gracq au XXème siècle qui refusèrent l’antihumanisme technologique, la mécanisation, la loi du marché… qui ne voulurent accepter que la passion meure, que la poésie et l’imagination soient vaincues par le calcul froid et la raison capitaliste. Beaucoup d’artistes hantés par le passé, sensibles à la fêlure dans l’autre et à la qualité d’une émotion vont maintenir la flamme romantique dans leurs œuvres et constituer une véritable culture. Par exemple, toute l’œuvre de Proust est le refus d’un accord entre la conscience et le monde , c’est la construction d’un édifice : celui de l’art. Pierre Reverdy, pourtant le moins porté aux effusions des poètes de son siècle déclare : « on a voulu tuer le romantisme mais il a la vie dure…et est revenu sous d’autres formes d’appellation. » Ainsi, le roman appelé « Gothique » n’est en fait qu’un prolongement du romantisme, la partie la plus sombre, celle qui provoque le plus de réaction auprès des lecteurs. Beaucoup de romans deviennent alors difficilement classables comme les romans d’Anne radcliffe ou de Mathurin qui chez certains libraires peuvent être classés comme « roman romantique », ou « roman gothique ou fantastique ». Le terme même de « Romantisme noir » vient alors semer le doute, qu’est-ce qui différencie « le romantisme noir » du « roman gothique » ? la réponse est assez ambiguë et mène à la conclusion que c’est deux termes mettent en avant les mêmes types d’ouvrages, à la différence près que certains romans considérés comme « gothiques » n’ont pas du tout les caractéristiques du romantisme et entraînent plutôt le lecteur vers l’Horreur et le Surnaturel.
Dans un style complètement différent, les biographies d’écrivains toujours plus nombreuses et très présentes durant les trente dernières années ont montré combien l’importance donné au « Moi » se fait ressentir. Les auteurs n’ont plus honte d’avouer leurs sentiments sans se cacher derrière un personnage, ils se donnent tout entier à l’écriture sans ne rien dissimuler comme le faisaient les auteurs romantiques.

Le Romantisme littéraire existe donc toujours mais il a pris d’autres formes et si les critiques faites à ses extravagances ont été très dures, elles n’en ont pas moins corrigés ce qu’il y avait de trop facile dans le théâtre romantique, la forme d’art où il a accumulé le plus d’échecs. Elles ont également souligné le sentimentalisme et la mollesse de nombreux poèmes ; elles contribuèrent à éviter aux poètes de sombrer dans le mélodramatique en ennuyant ses lecteurs, ou à force de décadentisme de tomber dans le ridicule et l’absurde. Ces critiques ont donc été constructives et ont permis aux nouveaux auteurs de ne s’inspirer que du meilleur dans le romantisme c’est à dire de l’importance donnée aux temps anciens, aux mythes et légendes universels, à décrire avec précision tous les sentiments humains, à rendre de la valeur aux liens familiaux et amicaux, à se servir des pouvoirs de l’imagination et des voyages intérieurs, à protéger la nature des avancées technologiques, à trouver une certaine beauté dans ce qui n’en a pas à première vue, à faire de la différence de chacun une force nécessaire à notre survie et à vouloir faire de notre vie un rêve inachevé...
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