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poésie:Laurent Fadanni

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poésie:Laurent Fadanni Empty poésie:Laurent Fadanni

Message par sandrine jillou Ven 16 Avr - 14:25

Effritement

par Laurent Fadanni
Il a suffi d’une note, d’une seule, un rien en dessous du ton.
Il a suffi d’une note, à peine fausse, une entorse à la mesure, infime, à
l’équilibre. Il a suffi de ça, de ce tout petit peu de trop, de pas
assez, de juste un peu à côté. Il a suffi de rien, au fond, que le
temps, pour que tout s’écroule, le superbe édifice. Nous le croyions
bâti sur le roc, nous le croyions inamovible, imprenable. Mais nous
étions ce socle, la citadelle habitée de nos bras, nos chairs
s’annulant l’une dans l’autre, une seule et même entité. Il a suffi de
peu pour que tout se mette en mouvement, se mette à trembler, ô la
note, superbe pourtant, qui devait nous désunir d’un cran, un rien
suffisant pour laisser le doute, la peur irrémédiablement s’engouffrer.
Le reste était déjà hors de contrôle, inéluctable. La suite, une longue
fissure, jusqu’à l’effondrement final, silencieux. Le diamètre de ces
gouffres ne se calcule pas en mètres, en centimètres, pas même en
millimètres. Il se calcule en mensonges, en non-dits, en faux silences
restés mourants sur le bord des lèvres. Ô ce poids, inexprimable, sur
nos épaules qui se croyaient grandes et fortes, si fragiles pourtant,
tellement chétives. Le temps des comptes nous a saisis, anémiques, et
les années en creux, lovés sous des carapaces, de baisers échangés nous
avons fini par nous ronger l’un l’autre. Et quand il n’est plus rien
resté de l’autre qu’une ombre, nous avons retourné nos morsures contre
nous, nous nous sommes rongés de l’intérieur. Carapace, nous te
voulions gardienne de notre secret ; nous avons fait de toi un tombeau,
et c’est nous qui gisons. Tu t’écroules et tu révèles à l’air libre des
corps vides, même plus les nôtres.

Où sommes-nous ? Dans quelle galaxie nos corps-poussière se sont-ils
dispersés ? J’ouvre la paume de ma main, mais aucune trace, aucune
empreinte, aucune marque de lèvres qui se seraient posées là,
silencieuses, frémissantes, chaudes encore d’un baiser, le mien, le
tien, le nôtre, j’ouvre ma main et puis - rien.



Extraits du recueil « Anatomie de l’Echec », à paraître aux éditions L’Interligne (printemps 2007).
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Message par sandrine jillou Ven 16 Avr - 14:27

Assis.
Debout. Assis. Debout. Assis. Debout. Assis. Debout. La volonté mise en
jeu. Ca continue comme ça, un temps indéterminé, et ça ne fait rire
personne. Ca se prolonge, indéfiniment. La régularité d’un métronome.
Puis ça finit par se coucher. Comme ça.



C’est
l’histoire de ta vie, de la mienne, de la leur. Ecoute-les : ils se
croient singuliers. Moi, je dis identiques, une seule et même famille,
frères et sœurs, animaux, végétaux, minéraux, joyeuses populations !
Innombrables royaumes ! Le centimètre carré de ta peau, celui de
l’angle mort, abrite d’autres règnes, d’autres flores, d’autres faunes
avec leurs lois, leurs natures, leurs singulières géographies ; leurs
luttes aussi, prodigieuses, brutes, intestines !



Nous
l’appelons sage celui qui, ayant à froid constaté l’immensité des
royaumes - le vide -, s’y perd et s’en couvre les épaules. Sage ! Tu te
découvres alors des parentés insoupçonnées avec les pierres, les
algues, les organismes microscopiques. Le plan grossi d’un microbe
t’arrache une larme, fraternelle. Tu penses en terme de molécules. Dans
l’air chargé de particules se dessinent de nouveaux horizons. Quand
vient le crépuscule, à l’heure où le cadran indique midi, tu t’étends
somnambule dans des lits d’atomes. Déjà opère le miracle : tu ne
distingues plus les limites, les frontières, où commence et où s’achève
ce corps, précédemment le tien. Voilà que s’évapore les contours : le
contenant se répand, libre, dans un néant où rien n’est possible sinon
une certaine forme de vie, infra-terrestre, résignée, sage ! Il n’y a
pas de but à chercher, nulle destination, nul achèvement : c’est juste
un processus.



Le mouvement perpétuel des molécules.


Extraits du recueil « Anatomie de l’Échec », à paraître aux éditions L’Interligne (printemps 2007).
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