Poèsie : Louky Bersianik
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Poèsie : Louky Bersianik
Ma petite est comme l’eau
Elle est comme l’eau vive
Guy Béart
Aqua Viva
par Louky Bersianik |
Et dans l’eau de la dernière pluie
Je voyais changer mon paysage familier
Toi mon enfant grandissante
Tu vivais à grande eau et à grands remous
Tu ne pensais pas au naufrage
Tu ruisselais de la joie de vivre
Follement ravie d’être en vie
Et moi je ne te disais jamais
De te méfier de la haine
Ma petite enfant heureuse
Toujours amoureuse
Et je ne te disais jamais
Ni le jour ni la nuit
De te méfier des bateaux de glace
Et de leurs capitaines
Vint la saison des loups
Qui croient que les filles
N’ont plus besoin de vie
Pour continuer à vivre
Filles des terres et des astres
Filles des galaxies et des neiges
Filles des soleils dans vos yeux
Des larmes sur vos étoiles de mer
Filles des lèvres sur vos sourires
Filles des mains dans vos cheveux
Filles du jeu infini des caresses
Filles du jeu infini du savoir
Filles de naissance récente
Filles de toutes les connaissances
Filles de toutes les sciences exactement
Filles de Sa Majesté la Conscience
Et ma petite à moi
Mon aqua viva
Tu coules dans ma vie
Et tu sabordes mon désespoir
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
Maladie d’amour
Tout finit par mourir
excepté la conscience qui
témoigne pour la vie.
René Char
Maladie d’amour
C’est dans la tête qu’on les entend parfois les cigales monocordes du patriarcat.
Le son aigu de l’épée flamboyante d’Achille qui vous tue sans vous toucher
parce qu’elle est suspendue au-dessus de vos têtes, parce qu’elle
insiste à se tenir sans cesse à vos côtés, parce qu’elle fait de
l’ombre à votre ombre et couche entre vous et ce que vous aimez, ce qui
vous rend malade d’amour ; et parce que c’est pour cette maladie
d’amour que l’on vous soigne au fond de la terre, aveuglément, au
centre des ténèbres.
C’est dans la tête qu’on les entend presque toujours les cigales monocordes du patriarcat.
Le bruit stridulant des mâles qu’imitent les femelles aux quatre ailes
membraneuses, qui vous tue sans vous toucher parce qu’il vous projette
sous la coupole métallique d’un soleil impitoyable à vos quatre petites
vérités, parce qu’il vous pénètre jusqu’à l’os de sa terrible fiction
déguisée en lumière universelle, parce qu’il vous assène sa présence
tapageuse entre vous et ce que vous aimez, ce qui vous rend malade
d’amour ; et parce que c’est pour cette maladie d’amour que l’on vous
soigne à l’aveuglette au centre des ténèbres.
C’est dans la tête toujours qu’on les entend les cigales monocordes du patriarcat.
Le cri strident du monde en l’état présent du monde qui vous tue sans vous
tuer parce qu’il vous transperce l’oreille gauche d’un espoir aigu
toujours déçu, parce qu’il publie à grand fracas d’éclatantes
métamorphoses qu’avec votre complicité il n’accomplit jamais, parce
qu’il tient votre vie en suspens sur cette note assourdissante, parce
qu’il s’interpose violemment entre vous et qui vous aimez, ce qui vous
rend malade d’amour ; et parce que cette maladie incurable s’est logée
dans votre tête au centre des ténèbres.
excepté la conscience qui
témoigne pour la vie.
René Char
Maladie d’amour
par Louky Bersianik |
C’est dans la tête qu’on les entend parfois les cigales monocordes du patriarcat.
Le son aigu de l’épée flamboyante d’Achille qui vous tue sans vous toucher
parce qu’elle est suspendue au-dessus de vos têtes, parce qu’elle
insiste à se tenir sans cesse à vos côtés, parce qu’elle fait de
l’ombre à votre ombre et couche entre vous et ce que vous aimez, ce qui
vous rend malade d’amour ; et parce que c’est pour cette maladie
d’amour que l’on vous soigne au fond de la terre, aveuglément, au
centre des ténèbres.
C’est dans la tête qu’on les entend presque toujours les cigales monocordes du patriarcat.
Le bruit stridulant des mâles qu’imitent les femelles aux quatre ailes
membraneuses, qui vous tue sans vous toucher parce qu’il vous projette
sous la coupole métallique d’un soleil impitoyable à vos quatre petites
vérités, parce qu’il vous pénètre jusqu’à l’os de sa terrible fiction
déguisée en lumière universelle, parce qu’il vous assène sa présence
tapageuse entre vous et ce que vous aimez, ce qui vous rend malade
d’amour ; et parce que c’est pour cette maladie d’amour que l’on vous
soigne à l’aveuglette au centre des ténèbres.
C’est dans la tête toujours qu’on les entend les cigales monocordes du patriarcat.
Le cri strident du monde en l’état présent du monde qui vous tue sans vous
tuer parce qu’il vous transperce l’oreille gauche d’un espoir aigu
toujours déçu, parce qu’il publie à grand fracas d’éclatantes
métamorphoses qu’avec votre complicité il n’accomplit jamais, parce
qu’il tient votre vie en suspens sur cette note assourdissante, parce
qu’il s’interpose violemment entre vous et qui vous aimez, ce qui vous
rend malade d’amour ; et parce que cette maladie incurable s’est logée
dans votre tête au centre des ténèbres.
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
Louky Bersianik, poète et féministe
L’Euguélionne et Le Pique-nique sur l’Acropole sont les livres de Louky Bersianik qui ont eu le plus grand retentissement. Ces oeuvres inclassables sont elles-mêmes chargées de poésie. La sortie de son important essai, La Main tranchante du symbole a été plus ou moins passée sous silence. Mais, plus grave encore, la critique a délibérément ignoré ses oeuvres poétiques.
Le fait qu’elle soit féministe faisait d’elle d’emblée une idéologue, incapable par nature d’être poète. A-t-on jamais pensé que Miron et d’autres poètes connus étaient moins poètes du fait qu’ils militaient pour l’indépendance du Québec ?
Dans sa présentation du numéro de Voix & Images, consacré à Louky Bersianik, Louise Dupré écrit : « On a rarement fait remarquer que même si elle est de la génération de l’Hexagone par son âge, elle demeure beaucoup plus près de la génération de la Barre du Jour et des Herbes Rouges par sa vision de l’écriture. On a peu mis en évidence sa complicité avec les théoriciens de la modernité. On a rarement fait le lien entre son travail du signifiant, parfois près de la conception oulipienne, et sa recherche d’une identité-femme. »
En plus de publier régulièrement des poèmes dans des revues telles que Arcade, Estuaire, Le Sabord, Louky Bersianik a fait paraître trois recueils de poèmes qui démontrent chez elle une recherche poétique ininterrompue. J’aimerais en donner ici de brefs exemples afin de communiquer aux lecteurs et aux lectrices le goût de se procurer ces livres d’une grande qualité poétique. Au fil du temps, j’en mettrai d’autres en ligne dans cette rubrique.
De Maternative (1980)
nisrine nacer- Nombre de messages : 1044
Date d'inscription : 09/09/2008
LA SPLENDEUR
LA SPLENDEUR
laisse-moi t’approcher
laisse-moi te toucher toute et te fragmenter par
petites touches
laisse-moi ma plurielle de fond en comble te
dévaster
trouver réunies au secret ma soif et mon ruisseau
ma verdure et ma faim
lécher jusqu’au cœur notre vaste complot
laisse mon corps immobile entrer chez lui par les
seuils incalculables de ton corps inamovible
laisse s’accomplir à l’infini vertigineux du temps
vertical cette opération-extase infiniment longue et
infiniment aimable
que mon désir me conduise à tes seins et que le
satin soit la doublure de ma bouche tissé sur ton cœur
battant
laisse-moi connaître ton sexe et qu’il soit ou non
de velours laisse-moi le bercer
laisse-moi recueillir l’huile prodigieuse de cette
amande douce pour en lisser les feuillages de ta vulve
laisse-moi naviguer en toi
laisse-moi faire ce naufrage dont nous rêvions et
laisse-moi en ta perdition
laisse-moi aborder au clitorivage heureux de ton
corps heureux laisse-moi m’y reposer
laisse-moi me reposer en toi de cette définitive
splendeur
laisse-moi te toucher toute et te fragmenter par
petites touches
laisse-moi ma plurielle de fond en comble te
dévaster
trouver réunies au secret ma soif et mon ruisseau
ma verdure et ma faim
lécher jusqu’au cœur notre vaste complot
laisse mon corps immobile entrer chez lui par les
seuils incalculables de ton corps inamovible
laisse s’accomplir à l’infini vertigineux du temps
vertical cette opération-extase infiniment longue et
infiniment aimable
que mon désir me conduise à tes seins et que le
satin soit la doublure de ma bouche tissé sur ton cœur
battant
laisse-moi connaître ton sexe et qu’il soit ou non
de velours laisse-moi le bercer
laisse-moi recueillir l’huile prodigieuse de cette
amande douce pour en lisser les feuillages de ta vulve
laisse-moi naviguer en toi
laisse-moi faire ce naufrage dont nous rêvions et
laisse-moi en ta perdition
laisse-moi aborder au clitorivage heureux de ton
corps heureux laisse-moi m’y reposer
laisse-moi me reposer en toi de cette définitive
splendeur
nisrine nacer- Nombre de messages : 1044
Date d'inscription : 09/09/2008
Le testament de la Folle Alliée
Le testament de la Folle Alliée
Fille ou frisson
Fruit ou chanson
Peu m’importe l’habit
Pourvu qu’en naissant
Je sois l’océan
Belle ou nuage
Geste ou tangage
Peu m’importe la pluie
Aile ou reflet
Danse ou galet
Peu m’importe l’écrit
Vent d’olivier
Gloire ou voilier
Peu m’importe le cri
Pourvu qu’en naissant
Je sois l’océan
Algue ou tison
Quartz ou saison
Peu m’importe l’épi
Naine ou géante
Étoile filante
Peu m’importe le puits
Cheveu ou hanche
Terre noire ou Blanche
Peu m’importe le gris
Pourvu qu’en naissant
Je sois l’océan
Été 1982
Fille ou frisson
Fruit ou chanson
Peu m’importe l’habit
Pourvu qu’en naissant
Je sois l’océan
Belle ou nuage
Geste ou tangage
Peu m’importe la pluie
Aile ou reflet
Danse ou galet
Peu m’importe l’écrit
Vent d’olivier
Gloire ou voilier
Peu m’importe le cri
Pourvu qu’en naissant
Je sois l’océan
Algue ou tison
Quartz ou saison
Peu m’importe l’épi
Naine ou géante
Étoile filante
Peu m’importe le puits
Cheveu ou hanche
Terre noire ou Blanche
Peu m’importe le gris
Pourvu qu’en naissant
Je sois l’océan
Été 1982
De Kérameikos (1987)
nisrine nacer- Nombre de messages : 1044
Date d'inscription : 09/09/2008
Louky Bersianik
ruinesruinesruinesruinesruinesruinesruinesruines
dudududududududududududududududududududududu
futurfuturfuturfuturfuturfuturfuturfuturfuturfuturfutur
dudududududududududududududududududududududu
futurfuturfuturfuturfuturfuturfuturfuturfuturfuturfutur
je n’oserais dire qu’ils sont tous des clowns certains accommodent les restes de leur chute en désespoir ils incendient les forêts pour en savoir plus long sur l’hiver nucléaire d’autres s’en accommodent pour se vêtir d’un langage préférant ignorer que la frivolité est un état violent ils pratiquent la mort comme un hologramme à bout portant leur image persistant en l’absence du miroir certaines cherchent leur eau de mer entre les lignes et leur force perpendiculaire de propulsion parfois je couche avec la lionne frappée de l’étendue de son courage j’écris à la mémoire d’une jeune fille rangée sous terre la tête parsemée de gigantesques montagnes tu deviens soudain> le visible de la voix au cimetière contemporain des crépuscules ne dis plus qu’un corps peut se dissoudre dans ses larmes attends
j’ai presque oublié le goût de la peur
j’ai presque oublié le goût de la peur
ruinesruinesruinesruinesruinesruinesruinesruinesruines
dudududududududududududududududududududududu
futurfuturfuturfuturfuturfuturfuturfuturfuturfuturfutur
dudududududududududududududududududududududu
futurfuturfuturfuturfuturfuturfuturfuturfuturfuturfutur
nisrine nacer- Nombre de messages : 1044
Date d'inscription : 09/09/2008
LA TERRE
LA TERRE
par Louky Bersianik |
Une grande forme en mouvement
Dispersion de poussière et d’étoiles
Aux quatre coins de l’espace
Grande rotation d’héliotropes
Premier envol de particules
Premier rayonnement cosmique
La terre est un grand oiseau
Aphélie enterrée sous les cils
Exil dans sa détresse
De la terre plein la bouche
Et son cri inaudible
Marie-Ambre et sa terreur
Inscription sur sa poitrine d’enfant
D’être enterrée vivante
Je m’y couche dans la nuit
M’y love sous les mousses
La terre c’est mon berceau
C’est ma panthère sous la lune
Je la chevauche en solitaire
Elle bondit jusqu’aux volcans
Et me dévore à petit feu
La terre c’est mon tombeau
Qu’est-ce qui fait bouger les arbres ?
C’est le vent dans l’oiseau
Qui rend la terre aérienne ?
C’est l’oiseau dans son nid d’aigle
II
Qu’est-ce qui fait trembler la terre ?
C’est le souvenir qu’elle a de l’eau
De ses grands cimetières marins
De ses atlantides insolubles
Qu’est-ce qui fait trembler sa mémoire
Et ses quatre saisons irrésolues ?
C’est le grand mystère de Déméter
Qu’est-ce qui fait bouger les pierres ?
C’est l’amour qu’a la terre pour l’eau
Qui fixe les mines d’or
Les minéraux de ton corps ?
C’est la terre ton ossuaire
La terre est le socle
Où tu te tiens debout
Tu es son territoire souverain
La statue vive dans sa tête
Où vont les étoiles de tes yeux ?
Où va le regard éperdu de l’amour ?
Il se perd dans l’univers
Il compose les parfums et les sons
Il est à l’origine des fleurs
Au coeur du coeur des fruits
Il imagine la saveur crée la couleur
Il est le paradis sur terre
La perfection de la forme
Ton regard m’invente
Au soleil de minuit
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
loisirs : écrire, courir, vélo.
Date d'inscription : 08/10/2008
Re: Poèsie : Louky Bersianik
la terre suite:
Voici venu le temps
De l’archéologie du futur
Les monuments du présent
Aux prises avec les flammes
D’un viol collectif le sang gicle
Des fenêtres pulvérisées
Deux grandes formes en mouvement
Une saignée brutale
Les hautes stèles funéraires
Bourrées d’être vivants
S’effondrent sous nos yeux
Brûlant leurs épitaphes
Les tours se dissolvent en poussière
L’espèce humaine se dissout
En poussière blanche
L’odeur de crémation
Incommode les survivants
Ils cherchent leurs morts ou leurs vifs
Triant les décombres
La danse des particules de l’origine
Se poursuit défie la gravité
Repousse l’hiver nucléaire
Les prochaines générations
Se gaveront de nouvelles
Nourritures terrestres
A saveur humaine
Terre Terre !
Crie l’enfant émergeant
Des grandes eaux de sa mère
Terre Terre !
Faisant ses premiers pas
Terre Terre !
Tombant plus tard
Du ciel en parachute
Les Damnées de la Terre
Leurs cris désertés
Leurs paroles effacées
Tous les autres Damnés
Les voix étouffées
Les cruautés de la Terre
Et les autres insanités
Les chants ensevelis
La Terre et ses splendeurs
Ses colons ses Himalaya
La musique planétaire
Les ailes du poème enraciné
Voici venu le temps
De l’archéologie du futur
Les monuments du présent
Aux prises avec les flammes
D’un viol collectif le sang gicle
Des fenêtres pulvérisées
Deux grandes formes en mouvement
Une saignée brutale
Les hautes stèles funéraires
Bourrées d’être vivants
S’effondrent sous nos yeux
Brûlant leurs épitaphes
Les tours se dissolvent en poussière
L’espèce humaine se dissout
En poussière blanche
L’odeur de crémation
Incommode les survivants
Ils cherchent leurs morts ou leurs vifs
Triant les décombres
La danse des particules de l’origine
Se poursuit défie la gravité
Repousse l’hiver nucléaire
Les prochaines générations
Se gaveront de nouvelles
Nourritures terrestres
A saveur humaine
Terre Terre !
Crie l’enfant émergeant
Des grandes eaux de sa mère
Terre Terre !
Faisant ses premiers pas
Terre Terre !
Tombant plus tard
Du ciel en parachute
Les Damnées de la Terre
Leurs cris désertés
Leurs paroles effacées
Tous les autres Damnés
Les voix étouffées
Les cruautés de la Terre
Et les autres insanités
Les chants ensevelis
La Terre et ses splendeurs
Ses colons ses Himalaya
La musique planétaire
Les ailes du poème enraciné
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
loisirs : écrire, courir, vélo.
Date d'inscription : 08/10/2008
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