LES NYMPHES
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LES NYMPHES
LES NYMPHES
Oui, des lèvres aussi, des lèvres savoureuses
Mais d’une chair plus tendre et plus fragile encor
Des rêves de chair rose à l’ombre des poils d’or
Qui palpitent légers sous les mains amoureuses.
Des fleurs aussi, des fleurs molles, des fleurs de nuit,
Pétales délicats alourdis de rosée
Qui fléchissent, pliés sur la fleur épuisée,
Et pleurent le désir, goutte à goutte, sans bruit.
Ô lèvres, versez-moi les divines salives
La volupté du sang, la chaleur des gencives
Et les frémissements enflammés du baiser
Ô fleurs troublantes, fleurs mystiques, fleurs divines,
Balancez vers mon cœur sans jamais l’apaiser,
L’encens mystérieux des senteurs féminines.
de Pierre Louÿs/La femme
Dernière édition par yefimia le Jeu 8 Avr - 14:53, édité 1 fois
yefimia- Nombre de messages : 2495
Humeur : Cyclothimique
Date d'inscription : 01/05/2008
Jean LORRAIN: Les nymphes
Jean LORRAIN
Les nymphes
À Jean Richepin.
Toi, tu dois les aimer, les grands ciels de septembre,
Profonds, brûlants d'or vierge et trempés d'outremer.
Où dans leurs cheveux roux les naïades d'Henner
Tendent éperdument leur buste qui se cambre.
La saveur d'un fruit mûr et la chaleur de l'ambre
Vivent dans la souplesse et l'éclat de leur chair,
Et le désir de mordre est dans leur regard clair,
Dans l'étirement âpre et lassé de leur membre.
Leur prunelle verdâtre, où nagent assombris
Le reflet de la source et le bleu des iris,
A le calme accablant des lentes attirances.
On rêve des baisers qui seraient des souffrances,
Des hymens énervants et longs, les reins taris...
Ô nymphe, ô source antique aux froides transparences !
Les nymphes
À Jean Richepin.
Toi, tu dois les aimer, les grands ciels de septembre,
Profonds, brûlants d'or vierge et trempés d'outremer.
Où dans leurs cheveux roux les naïades d'Henner
Tendent éperdument leur buste qui se cambre.
La saveur d'un fruit mûr et la chaleur de l'ambre
Vivent dans la souplesse et l'éclat de leur chair,
Et le désir de mordre est dans leur regard clair,
Dans l'étirement âpre et lassé de leur membre.
Leur prunelle verdâtre, où nagent assombris
Le reflet de la source et le bleu des iris,
A le calme accablant des lentes attirances.
On rêve des baisers qui seraient des souffrances,
Des hymens énervants et longs, les reins taris...
Ô nymphe, ô source antique aux froides transparences !
samuel samhoun- Nombre de messages : 724
loisirs : écrire, marcher,voyager
Humeur : changeante !
Date d'inscription : 22/06/2008
Joachim DU BELLAY : ne penses pas que les nymphes...
- Joachim DU BELLAY (1522-1560)
Ne pense pas, Bouju, que les nymphes latines
Ne pense pas, Bouju, que les nymphes latines
Pour couvrir leur traïson d'une humble privauté,
Ni pour masquer leur teint d'une fausse beauté,
Me fassent oublier nos nymphes angevines.
L'angevine douceur, les paroles divines,
L'habit qui ne tient rien de l'impudicité,
La grâce, la jeunesse et la simplicité
Me dégoûtent, Bouju, de ces vieilles Alcines.
Qui les voit par-dehors ne peut rien voir plus beau,
Mais le dedans ressemble au dedans d'un tombeau,
Et si rien entre nous moins honnête se nomme.
O quelle gourmandise ! ô quelle pauvreté !
O quelle horreur de voir leur immondicité !
C'est vraiment de les voir le salut d'un jeune homme.
samuel samhoun- Nombre de messages : 724
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Date d'inscription : 22/06/2008
La Nymphe endormie:Georges Scudéry
La Nymphe endormie
Vous faites trop de bruit, Zéphire, taisez-vous,
Pour ne pas éveiller la belle qui repose ;
Ruisseau qui murmurez, évitez les cailloux,
Et si le vent se tait, faites la même chose.
Mon coeur sans respirer, regardons à genoux
Sa bouche de corail, qui n’est qu’à demi close,
Dont l’haleine innocente est un parfum plus doux
Que l’esprit de jasmin, de musc, d’ambre et de rose.
Ah que ces yeux fermés ont encor d’agrément !
Que ce sein demi-nu s’élève doucement !
Que ce bras négligé nous découvre de charmes !
Ô Dieux, elle s’éveille, et l’Amour irrité
Qui dormait auprès d’elle a déjà pris les armes
Pour punir mon audace et ma témérité.
Premier quatrain
Le sonnet s’ouvre sur une parole, voire un dialogue duquel nous n’entendons cependant que la parole du poète, celle du poète s’adressant à la nature mais sur un mode mythologique.
Le poète commence tout d’abord par s’adresser au vent en l’interpellant dans sa désignation personnifiée : "Zéphire". Zéphir est en effet la représentation personnifiée du vent du nord dans la mythologie grecque. Il est le fils d’Eole (dieu du vent) et d’Eos (l’Aurore).
Cette référence mythologique fait suite à l’évocation de la "nymphe" du titre. Les nymphes sont dans la mythologie grecque, des jeunes filles déesses de la nature. Leur représentation fréquente en jeunes filles d’une grande beauté a fait d’une mot une sorte de métaphore pour désigner une belle jeune fille.
Le poète n’évoque donc pas nécessairement une nymphe au sens d’une déesse de la nature, mais bien une belle jeune fille. Les deux lectures restent néanmoins possibles car la jeune fille es t décrite comme se trouvant en pleine nature, à l’image des nymphes.
C’est cette posture plus clairement fictive que dans d’autres sonnets galants, le poète observant une déesse, qui tend à construire un lyrisme plus impersonnel, mettant en scène plus l’amour du beau qu’un quelconque amour.
C’est ensuite au ruisseau que le poète s’adresse.
A travers ces deux interpellations, se dessine la figure d’une nature vivante, animée (personnification car cette nature comprend la parole humaine et agit de façon volontaire) mais surtout une figure du poète évoquant celle d’Orphée, qui de son chant savait parler à la nature et émouvoir jusqu’aux rochers. Or Orphée est la figure suprême de la poésie.
Il s’agit donc peut-être pour le poète d’une façon de se mettre en avant. Il se présente comme ayant la faculté d’ordonner aux éléments de la nature et de les faire changer (voir les tournures impératives : "taisez-vous", "évitez les cailloux", "faites la même chose").
Et qui commande aux éléments si ce n’est un dieu ?
En dehors de cette approche centrée sur la figure du poète, ces adresses à la nature sont une manière de dessiner le contexte amoureux et de nous raconter une situation : celle du poète observateur et amoureux désirant admirer sans fin une belle femme.
Dire le désir du silence, c’est dire le désir d’observer, d’admirer, car c’est le sommeil de la belle qui permet une telle liberté de regard.
Second quatrain
Le poète joue encore avec la parole, cette fois, c’est avec son propre coeur qu’il dialogue.
Le sentiment amoureux en devient plus clairement exprimer : évocation du coeur comme siège des sentiments, évocation du souffle coupé (en même temps que prolongement du désir de ne pas interrompre le sommeil), posture de l’admirateur ("à genoux").
Le contexte est dessiné, vient alors la transcription de ce que le poète peut observer, dans un développement lexical du "belle" et de l’image de la nymphe.
La description est, comme le présuppose le titre du poème, laudative et vient faire appel à plusieurs des sens de l’observateur comme du lecteur.
La vue nous révèle une "bouche de corail", c’est à dire d’une couleur d’un rose à la fois vif et tendre. La métaphore "de corail" servant à désigner la couleur permet par ailleurs de maintenir la femme dans le règne du naturel.
Le "à demi-close" peut apparaître comme une figure du désir : une invitation comme quelque chose qui se refuse.
Le même procédé de référence à la nature se prolonge dans les vers suivants, eux-même développant sur le plan olfactif ce que la vue a révélé de la bouche : "l’haleine" se dit par le "jasmin", "le musc", "l’ambre" et la "rose".
Les qualifications continuent d’être positives "innocente", tout comme les tournures : comparatif de supériorité : "plus doux que".
Cette supériorité est reprise à travers l’expression ’l’esprit de" : il ne s’agit pas de la simple odeur, il s’agit de son essence, de son parfum à l’état pur.
Premier tercet
S’expriment alors clairement les ressentis de l’observateur à travers une suite de tournures exclamatives et admiratives sur l’ensemble du tercet. Après la description de la bouche, viennent celle des yeux, du sein et du bras.
Même dans une posture inhabituelle, "yeux fermés", "bras négligés", la jeune femme révèle des qualités et une grande beauté. L’innocence de la posture au contraire de l’apprêt des femmes toilettées possède un charme certain.
Second tercet
La situation d’admiration secrète est rompue et s’exprime dans une exclamation désemparée.
Le sens de cette dernière strophe semble de prime abord ambigüe.
L’Amour avec un "a" majuscule prolonge l’aspect mythologique du poème, renvoyant à la figure d’un dieu de l’amour qui pourrait être Eros (Cupidon dans la mythologie romaine). En effet il est question d’armes ("a déjà pris les armes") et Cupidon est représenté avec un arc et des flèches dont il se sert pour transpercer les coeurs et faire naître l’amour.
A partir de ces éléments, voici comment pourrait se comprendre ces vers finaux :
la nymphe est en colère d’avoir été observée et la punition du poète est de ressentir un amour intense qui ne sera pas partagé (image traditionnelle de l’amour comme blessure et de l’amoureux comme victime). Dimension mythologique ici dans cette punition de la témérité.
la nymphe se réveille, assoupie déjà, elle était objet de désir, une fois réveillée, tous ces charmes apparaissent d’autant, provoquant un amour encore plus intense chez le poète-observateur. La nymphe Dormant, l’amour n’était que désir, la nymphe réveillée, le désir devient passion.
A noter que certains lecteurs/commentateurs ressentent cette fin comme humoristique.
Plutôt que de parler d’humour, il est possible de parler de l’amusement final, de ce poète tout puissant (maîtrise des éléments, observateur de l’innocence) qui devient d’un seul coup pris au piège de son jeu du désir : victime de l’Amour.
Peut-être faut-il voir une dimension d’amusement, de ludique dans le renversement entre le calme développé tout au long des trois premières strophes, en opposition avec l’idée d’agitation et de violence qui se développe dans le tercet final :
"taisez-vous", "ne pas éveillez", "murmurez", "se tait", "sans respirer", "doucement" opposés à "s’éveille", "irrité", "a déjà pris les armes" (idée de soudaineté dans le "déjà"), "punir".
Mais il semble que le poème joue surtout avec les thèmes traditionnels de l’amoureux et de la dame aimée, thèmes que l’on trouve déjà Dans Les Amours de Ovide et que le baroque et la préciosité se font un plaisir de reprendre et de faire varier : la beauté, l’amour-douleur, l’innocence et en même temps la cruauté
Vous faites trop de bruit, Zéphire, taisez-vous,
Pour ne pas éveiller la belle qui repose ;
Ruisseau qui murmurez, évitez les cailloux,
Et si le vent se tait, faites la même chose.
Mon coeur sans respirer, regardons à genoux
Sa bouche de corail, qui n’est qu’à demi close,
Dont l’haleine innocente est un parfum plus doux
Que l’esprit de jasmin, de musc, d’ambre et de rose.
Ah que ces yeux fermés ont encor d’agrément !
Que ce sein demi-nu s’élève doucement !
Que ce bras négligé nous découvre de charmes !
Ô Dieux, elle s’éveille, et l’Amour irrité
Qui dormait auprès d’elle a déjà pris les armes
Pour punir mon audace et ma témérité.
Premier quatrain
Le sonnet s’ouvre sur une parole, voire un dialogue duquel nous n’entendons cependant que la parole du poète, celle du poète s’adressant à la nature mais sur un mode mythologique.
Le poète commence tout d’abord par s’adresser au vent en l’interpellant dans sa désignation personnifiée : "Zéphire". Zéphir est en effet la représentation personnifiée du vent du nord dans la mythologie grecque. Il est le fils d’Eole (dieu du vent) et d’Eos (l’Aurore).
Cette référence mythologique fait suite à l’évocation de la "nymphe" du titre. Les nymphes sont dans la mythologie grecque, des jeunes filles déesses de la nature. Leur représentation fréquente en jeunes filles d’une grande beauté a fait d’une mot une sorte de métaphore pour désigner une belle jeune fille.
Le poète n’évoque donc pas nécessairement une nymphe au sens d’une déesse de la nature, mais bien une belle jeune fille. Les deux lectures restent néanmoins possibles car la jeune fille es t décrite comme se trouvant en pleine nature, à l’image des nymphes.
C’est cette posture plus clairement fictive que dans d’autres sonnets galants, le poète observant une déesse, qui tend à construire un lyrisme plus impersonnel, mettant en scène plus l’amour du beau qu’un quelconque amour.
C’est ensuite au ruisseau que le poète s’adresse.
A travers ces deux interpellations, se dessine la figure d’une nature vivante, animée (personnification car cette nature comprend la parole humaine et agit de façon volontaire) mais surtout une figure du poète évoquant celle d’Orphée, qui de son chant savait parler à la nature et émouvoir jusqu’aux rochers. Or Orphée est la figure suprême de la poésie.
Il s’agit donc peut-être pour le poète d’une façon de se mettre en avant. Il se présente comme ayant la faculté d’ordonner aux éléments de la nature et de les faire changer (voir les tournures impératives : "taisez-vous", "évitez les cailloux", "faites la même chose").
Et qui commande aux éléments si ce n’est un dieu ?
En dehors de cette approche centrée sur la figure du poète, ces adresses à la nature sont une manière de dessiner le contexte amoureux et de nous raconter une situation : celle du poète observateur et amoureux désirant admirer sans fin une belle femme.
Dire le désir du silence, c’est dire le désir d’observer, d’admirer, car c’est le sommeil de la belle qui permet une telle liberté de regard.
Second quatrain
Le poète joue encore avec la parole, cette fois, c’est avec son propre coeur qu’il dialogue.
Le sentiment amoureux en devient plus clairement exprimer : évocation du coeur comme siège des sentiments, évocation du souffle coupé (en même temps que prolongement du désir de ne pas interrompre le sommeil), posture de l’admirateur ("à genoux").
Le contexte est dessiné, vient alors la transcription de ce que le poète peut observer, dans un développement lexical du "belle" et de l’image de la nymphe.
La description est, comme le présuppose le titre du poème, laudative et vient faire appel à plusieurs des sens de l’observateur comme du lecteur.
La vue nous révèle une "bouche de corail", c’est à dire d’une couleur d’un rose à la fois vif et tendre. La métaphore "de corail" servant à désigner la couleur permet par ailleurs de maintenir la femme dans le règne du naturel.
Le "à demi-close" peut apparaître comme une figure du désir : une invitation comme quelque chose qui se refuse.
Le même procédé de référence à la nature se prolonge dans les vers suivants, eux-même développant sur le plan olfactif ce que la vue a révélé de la bouche : "l’haleine" se dit par le "jasmin", "le musc", "l’ambre" et la "rose".
Les qualifications continuent d’être positives "innocente", tout comme les tournures : comparatif de supériorité : "plus doux que".
Cette supériorité est reprise à travers l’expression ’l’esprit de" : il ne s’agit pas de la simple odeur, il s’agit de son essence, de son parfum à l’état pur.
Premier tercet
S’expriment alors clairement les ressentis de l’observateur à travers une suite de tournures exclamatives et admiratives sur l’ensemble du tercet. Après la description de la bouche, viennent celle des yeux, du sein et du bras.
Même dans une posture inhabituelle, "yeux fermés", "bras négligés", la jeune femme révèle des qualités et une grande beauté. L’innocence de la posture au contraire de l’apprêt des femmes toilettées possède un charme certain.
Second tercet
La situation d’admiration secrète est rompue et s’exprime dans une exclamation désemparée.
Le sens de cette dernière strophe semble de prime abord ambigüe.
L’Amour avec un "a" majuscule prolonge l’aspect mythologique du poème, renvoyant à la figure d’un dieu de l’amour qui pourrait être Eros (Cupidon dans la mythologie romaine). En effet il est question d’armes ("a déjà pris les armes") et Cupidon est représenté avec un arc et des flèches dont il se sert pour transpercer les coeurs et faire naître l’amour.
A partir de ces éléments, voici comment pourrait se comprendre ces vers finaux :
la nymphe est en colère d’avoir été observée et la punition du poète est de ressentir un amour intense qui ne sera pas partagé (image traditionnelle de l’amour comme blessure et de l’amoureux comme victime). Dimension mythologique ici dans cette punition de la témérité.
la nymphe se réveille, assoupie déjà, elle était objet de désir, une fois réveillée, tous ces charmes apparaissent d’autant, provoquant un amour encore plus intense chez le poète-observateur. La nymphe Dormant, l’amour n’était que désir, la nymphe réveillée, le désir devient passion.
A noter que certains lecteurs/commentateurs ressentent cette fin comme humoristique.
Plutôt que de parler d’humour, il est possible de parler de l’amusement final, de ce poète tout puissant (maîtrise des éléments, observateur de l’innocence) qui devient d’un seul coup pris au piège de son jeu du désir : victime de l’Amour.
Peut-être faut-il voir une dimension d’amusement, de ludique dans le renversement entre le calme développé tout au long des trois premières strophes, en opposition avec l’idée d’agitation et de violence qui se développe dans le tercet final :
"taisez-vous", "ne pas éveillez", "murmurez", "se tait", "sans respirer", "doucement" opposés à "s’éveille", "irrité", "a déjà pris les armes" (idée de soudaineté dans le "déjà"), "punir".
Mais il semble que le poème joue surtout avec les thèmes traditionnels de l’amoureux et de la dame aimée, thèmes que l’on trouve déjà Dans Les Amours de Ovide et que le baroque et la préciosité se font un plaisir de reprendre et de faire varier : la beauté, l’amour-douleur, l’innocence et en même temps la cruauté
samuel samhoun- Nombre de messages : 724
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Date d'inscription : 22/06/2008
les nymphes_Sonnets à d'Adoré Floupette
Les Nymphes extrait de "Déliquescences" |
Nymphes qui défendez les secrets de cet antre, Emprès vous un beau fruit, en sa jeune rondeur, Se gonfle et se durcît, chaud d'une rouge ardeur, Quand le feu de Cypris en dévore le centre. En cet humide val oncques nul soleil n'entre. Un bois touffu l'enclost, à la grisante odeur. Minette, fais-moi voir des nymphes la splendeur, Que sur elles bandant mon nerf je me concentre ! Vous reçûtes, hymen, l'honneur de jolis noeuds On vit en cet endroit de grands corps caverneux Voici les sombres bords où croit la caroncule. Quoi nymphes, vous pleurez ? Azur pur de souci, Vrai ciel ! Et d'un effort franchi le vestibule, Pan, le grand Pan, s'élance en un éclaboussis. |
PREMIER SENS INTERPRÉTATION DE L’HOMME DU MONDE
Ce sonnet ressortit au genre de l'églogue mythologique. Son sens est parfaitement clair : les nymphes, ces divinités des fontaines et du bois, gardent les secrets du sanctuaire qui leur est consacré, ou nymphée, et qui était habituellement un antre, c'est-à-dire une grotte, précédée le plus souvent d'un vestibule orné de colonnes. Le sein de ces jeunes filles belles et bien faites est comparé à un beau fruit rougissant, quand la vue de quelque Joli berger les point d'un émoi virginal sous l'influence de Cypris (1), qui soumet le monde entier à ses lois.
La grotte consacrée aux nymphes se trouve dans un vallon sombre plein de sources et de fontaines, au sein d'un bois épais où l'on respire l'odeur troublante des feuilles mortes. C'est Eros qui s'adresse à l'une des nymphes, du mm de Minette : le fils d'Aphrodite veut bander le, nerf qui tend son arc et se concentrer pour bien viser, de façon à atteindre de sa flèche la nymphe dont la splendeur est la plus grande.
Dans le premier tercet, le poète parle de ces mariages légers contractée par les nymphes avec des divinités champêtres : faunes, satyres ou chèvre-pieds. Les noeuds de l'hymen sont jolis, car ils sont faits seulement de jeux et de plaisirs, sans avoir la lourdeur des chaînes qui reliant las pauvres humains. Le poète a pu penser aussi à ces noeuds de tissu blanc léger qui ornaient lors de ces païennes hyménées les cheveux des nymphes et les cornes des oegipans, comme ils décorent de nos jours les lanternes des voitures et le fouet des cochers d'un grand mariage moderne. Les grande corps caverneux évoquent -avec quelle discrétion ! - les longues nudités blanches aperçues dans l'obscurité de la caverne, au bord de laquelle croit la caroncule, plante des terrains humides.
Dans leurs jeux avec las satyres, parfois Interrompus par le dieu Pan, dont l'aspect effrayant déclenchait chez elles une terreur panique, les nymphes passaient en un instant du rire aux larmes
Mais qu'elles n'aient plus de crainte ! Le dieu redoutable, le grand Pan, vient de sortir de la nymphée, et le voici qui plonge dans la fontaine proche reflétant l'azur du ciel, dans un grand éclaboussement d'eau.
Le poète a visiblement pastiché Ronsard; emploi de mots ou de formes archaïques : emprès, oncques, enclost, utilisation de la mythologie grecque, imitation des Anciens allant de pair avec un sentiment direct et sincère de la nature
On ne s'étonnera pas, dans ces conditions, que le mot nymphes figure trois fois dans le poème, en dépit de Boileau, lequel, dès 1674, interdisait que dans le sonnet
... un mot déjà mis osât s'y remontrer. "
Dans un pastiche de Ronsard cette licence est toute naturelle, rares sont en effet les sonnets du gentilhomme vendômois qui ne tiennent pas de répétitions de mots : elles n'étalent pas condamnées à l'époque.
Signalons encore la mélodieuse et très douce liaison : " Vous reçûtes-z-hymen ... ", manifestement inspirée du vers de PhèdrVous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée.
BARON LAPITRE DE MONTRIBIER
1) Cyprla ou Kypris était l'un des avatars d'Aphrodite déesse de la beauté, de. la fécondité, et de l'amour (Note du Baron L. de M.).
DEUXIEME SENS : INTERPRÉTATION DU SAVANT JOURNALISTE : INTERPRÉTATION DU SAVANT JOURNALISTE (1)
Un naturaliste, accompagné de son assistante qu'il surnomme familièrement Minette parce qu'elle est d'une grâce féline (pour être homme de science on n'en est pas moins homme ! assiste à la naissance d'un papillon, le Grand Paon de nuit (2), après sa réclusion quasi mortuaire dans une nymphe cavernicole. Las nymphes ou chrysalides, sont, on le sait, ces étranges momies - parfois enveloppées, en guise de bandelettes, d'un cocon de soie - qui chez les Insectes représentent le stade Intermédiaire entre la larve et l'insecte parfait. Mais prenons-y garde : il s'agit d'un sonnet symboliste ; ces nymphes immobiles et endormies ne sont que l'image de nos êtres obstinément larvaires. Or nous devrions avoir en nous le désir d'atteindre l'état adulte et de nous élancer, ailes déployées, comme le papillon vers l'azur, vers les régions éthérées auxquelles notre âme aspire
Les nymphes hiératiques semblent garder l'entrée de la caverne. mais la vraie vie n'est pas là . Pleine tel un beau fruit, elle se gonfle comme le thorax d'une chrysalide aux premières tiédeurs du printemps, ou comme le sein d'une vierge pudique qui ressent les premières atteintes de l'Amour
L'humide val où jamais le soleil n'entre, c'est notre existence, cette vallée de larmes. Le bois touffu, c'est le cocon qui entoure la chrysalide à l'odeur musquée, mais c'est surtout le monde des. apparences qui, selon Platon, nous cache le monde des réalités. Le naturaliste demande à son assistante d'écarter le cocon et de lui montrer les nymphes quelle vient de découvrir, afin de mieux réfléchir sur leur secrète essence, en bandant toute son énergie nerveuse sur cette méditationLe premier tercet contient une nouvelle allusion à Platon (allégorie de la Caverne, Rép. VII 1 à 3) : les grands corps caverneux sont les ombres projetées sur les murs de la caverne démesurément agrandies et qui symbolisent les images fallacieuses du monde des apparences.
L'hymen aux jolis nœuds " est l'union harmonieuse de l'âme et du corps, mais pour les larves que nous sommes, il ne reste plus rien, une fois éteint le feu de ces hyménées Iumineuses, si nous restons sur les humides bords d'une existence insuffisamment rIche de spiritualité
Comme le prisonnier de la caverne libéré de ses chaînes ou comme le papillon nocturne délivré des liens et de l'enveloppe chitineuse de la chrysalide, l'âme doit, selon Platon, s'affranchir du souci de son corps et de la servitude où il la maintient pour arriver à la contemplation de la vérité.
Comme eux, elle sera d'abord éblouie et comme éclaboussée de lumière - mais ayant échappé à cette vie larvaire et baignée de larmes, elle s'envolera d'un coup d'ailes vers l'azur lumineux pur de nuages, c'est-à-dire vers le monde des Idées.
Notons que si Floupette écrit le grand Pan pour le Grand Paon. Il ne s'agit pas d'une faute d'orthographe, mais d'une confusion métaphorique préméditée entre le grand papillon nocturne et le dieu puissant qui symbolise l'élan vital et sollicite de nous l'acceptation enthousiaste de notre humaine destinée.
Par contre c'est une erreur inadmissible d'avoir fait une plante de la par confusion involontaire avec la cardamine et la renoncule : la caroncule est une excroissance charnue de certains animaux (comme les chenilles) ou le renflement qui entoure le hile de certaines graines (ricin, haricot).
Pour un poème symboliste, ce sonnet est, on le voit, fort clair. Il ne contient en effet à part éclaboussis, aucun néologisme, et aucun de ces mots rares et abscons, tels que brasiller, clangorer, latence, fongosité, labile, renacescent, qui rendent si souvent difficile la lecture de ces écrits. La syntaxe est, elle aussi, remarquablement simple, à l'exception de ce tour assez mallarméen : d'un effort franchi le vestibule, qui n'est après tout qu'un ablatif absolu.
ZÉPHYRIN BRIOCHE
(de l'Académie de Lons-le-Saunier)
(de l'Académie de Lons-le-Saunier)
1) Le professeur Brioché était-il bien de ces journalistes auxquels pensait, Adoré Floupette ? Nous n'en sommes nullement persuadé. Mais, comme il l'a dit. Marius Tapora n'avait pas la choix.
(2) Saturnia pyri, c'est le plus grand lépidoptère d'Europe : Il atteint 14 et même 15 centimètres d'envergure . (Note du Professeur Brioché)(*)
3) Que nos jeunes entomologistes ne se hâtent pas de crier à une erreur de leur savant "ancien" : en 1891 Saturnia pyri était bien le plus grand - Attacus cynthius ou Philosomia cynthia, nommé à tort bombyx de l'allante, si commun maintenant dans la région parisienne, est originaire de l'Asie orientale et n'a été introduit chez nous que plus récemment, en même temps que l'allante glanduleux, improprement appelé vernis du Japon, grand et bel arbre qui sert, malgré l'odeur forte et peu agréable de ses fleurs, à la plantation de nos avenues.
Note du rédacteur : comme souvent, chez Adoré Floupette, le troisième sens semble ésotérique par son herméticité tourmentée. Certains chercheurs comme le docteur Letuber se sont orientés, peut-être à tort, vers des explications naturalistes, voire anatomo-pathologistes ou sensualistes, compte tenu d'un vocabulaire d'une technicité hardie et spécifique. La question mérite réflexion
Sonnets à triple sens d'Adoré Floupette
poète décadent redécouvert et expliqué par Luc Etienne
( d'après des travaux de Marius Tapora)
http://www.fatrazie.com/triple.htm
samuel samhoun- Nombre de messages : 724
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Re: LES NYMPHES
Excellent travail mon ami.
Merci pour cette découverte.
Yéfi
yefimia- Nombre de messages : 2495
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