Najia Mehadji
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Re: Najia Mehadji
Les fleurs du noir Christine Buci-Glucksmann
« En ce monde nous marchons
Sur le toit de l’enfer et regardons
Les fleurs. »
Haïku d’Issa
Des fleurs donc. De grenade, d’amandier, de coquelicot, et surtout ces pivoines sur fond turquoise d’Orient qui vous fixent de leur regard frontal. Noires, de ce noir d’ombre que seul Warhol a osé utiliser pour ses hibiscus sur fond violet. Réalisées sur papier ou toile synthétique, grâce à des photos ou des schémas, et avec de très larges pinceaux, elles s’enroulent dans leur plissé stylisé et transparent d’ombre et de lumière. Comme s’il fallait montrer, et cacher, ce centre absent, ce cœur invisible de toute fleur, « pour rendre quelque chose qui m’échappait », ainsi que me le disait Najia Mehadji. Car depuis six ans, Najia Mehadji ne peint que des fleurs. Et comme dans toute l’histoire florale de la peinture, des vanités baroques à Matisse, O’Keeffe, Warhol ou Cy Twombly, les fleurs dessinent le temps, sa naissance et sa mort, dans un cycle où l’éphémère devient la métaphore de la vie et de la beauté. Mujô : l’« impermanence » en japonais, cet être saisonnier, ce rythme cyclique aussi fragile que le flétrissement ou la floraison.
Dans leurs plissés en envol, en ruban, en texture surimprimée, les pivoines noires sont devenues les dépositaires de tous les ornements entre Orient et Occident. Que s’est-il donc passé depuis les Arborescences au trait plus gestuel et plus rigide, et même depuis Floral où l’éclat et la force des rouges dominent le plus souvent d’une lumière solaire ?
Car si les fleurs captent toujours dans leur silence les énergies du cosmos, le passage des couleurs intenses au noir, comme l’utilisation nouvelle de ce turquoise d’Orient, celui des miniatures ou des céramiques, marque un tournant dans l’œuvre, et est pour le moins un événement plastique.
Ce noir-couleur, celui des tableaux chinois, de Matisse, de Soulages ou d’Ad Reinhardt, habite désormais les plis, replis, déplis et entre-plis floraux de ses dégradés et de ses nuances multiples. Ce n’est plus le trait ou le motif géométrique cristallin des travaux antérieurs, des Coupoles aux Rhombes et même aux Arborescences. Ici le noir s’épanouit comme les traces et tracés du pinceau avec leurs empreintes. Certes, l’utilisation du noir n’est pas nouvelle dans le travail de Najia Mehadji. Craie noire sur papier ou stick à l’huile sur toile, le noir animait déjà les fleurs tournoyantes et stylisées de Végétal (1996). Mais ici, avec les empreintes du pinceau, tout change. Les fleurs sont devenues intérieures, et presque contemplatives, comme une vision (ru’ya). Tant ce noir sur fond turquoise l’emporte « comme un rêve, une chimère, une fleur du vide » (Do-gen). Et si le noir est bien une couleur, comme le voulait Matisse, ici, il ne consume pas les autres couleurs, tant le turquoise, celui de Turquie ou d’Iran, celui du Maghreb, rayonne à travers les plis de son aplat frontal et de son intensité frémissante.
Fleurs du désastre
« En ce monde nous marchons
Sur le toit de l’enfer et regardons
Les fleurs. »
Haïku d’Issa
Des fleurs donc. De grenade, d’amandier, de coquelicot, et surtout ces pivoines sur fond turquoise d’Orient qui vous fixent de leur regard frontal. Noires, de ce noir d’ombre que seul Warhol a osé utiliser pour ses hibiscus sur fond violet. Réalisées sur papier ou toile synthétique, grâce à des photos ou des schémas, et avec de très larges pinceaux, elles s’enroulent dans leur plissé stylisé et transparent d’ombre et de lumière. Comme s’il fallait montrer, et cacher, ce centre absent, ce cœur invisible de toute fleur, « pour rendre quelque chose qui m’échappait », ainsi que me le disait Najia Mehadji. Car depuis six ans, Najia Mehadji ne peint que des fleurs. Et comme dans toute l’histoire florale de la peinture, des vanités baroques à Matisse, O’Keeffe, Warhol ou Cy Twombly, les fleurs dessinent le temps, sa naissance et sa mort, dans un cycle où l’éphémère devient la métaphore de la vie et de la beauté. Mujô : l’« impermanence » en japonais, cet être saisonnier, ce rythme cyclique aussi fragile que le flétrissement ou la floraison.
Dans leurs plissés en envol, en ruban, en texture surimprimée, les pivoines noires sont devenues les dépositaires de tous les ornements entre Orient et Occident. Que s’est-il donc passé depuis les Arborescences au trait plus gestuel et plus rigide, et même depuis Floral où l’éclat et la force des rouges dominent le plus souvent d’une lumière solaire ?
Car si les fleurs captent toujours dans leur silence les énergies du cosmos, le passage des couleurs intenses au noir, comme l’utilisation nouvelle de ce turquoise d’Orient, celui des miniatures ou des céramiques, marque un tournant dans l’œuvre, et est pour le moins un événement plastique.
Ce noir-couleur, celui des tableaux chinois, de Matisse, de Soulages ou d’Ad Reinhardt, habite désormais les plis, replis, déplis et entre-plis floraux de ses dégradés et de ses nuances multiples. Ce n’est plus le trait ou le motif géométrique cristallin des travaux antérieurs, des Coupoles aux Rhombes et même aux Arborescences. Ici le noir s’épanouit comme les traces et tracés du pinceau avec leurs empreintes. Certes, l’utilisation du noir n’est pas nouvelle dans le travail de Najia Mehadji. Craie noire sur papier ou stick à l’huile sur toile, le noir animait déjà les fleurs tournoyantes et stylisées de Végétal (1996). Mais ici, avec les empreintes du pinceau, tout change. Les fleurs sont devenues intérieures, et presque contemplatives, comme une vision (ru’ya). Tant ce noir sur fond turquoise l’emporte « comme un rêve, une chimère, une fleur du vide » (Do-gen). Et si le noir est bien une couleur, comme le voulait Matisse, ici, il ne consume pas les autres couleurs, tant le turquoise, celui de Turquie ou d’Iran, celui du Maghreb, rayonne à travers les plis de son aplat frontal et de son intensité frémissante.
Fleurs du désastre
Iness- Nombre de messages : 834
Date d'inscription : 18/02/2010
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