Gueules blanches
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maurice rolland
Abdellah Louaradi
6 participants
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Re: Gueules blanches
un bel hommage à ceux qui sacrifiaient leur existence au travail....
gueules noires, gueules blanches moins citées, pour un même résultat au final....
gueules noires, gueules blanches moins citées, pour un même résultat au final....
rychar- Nombre de messages : 5906
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Humeur : rêveur
Date d'inscription : 17/03/2010
Re: Gueules blanches
merci j'ai aimé votre ecrit belle soiree amities poetiques
motschuchotes- Nombre de messages : 301
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Date d'inscription : 25/09/2011
Re: Gueules blanches
superbe plume ..à relire.
victoralain- Nombre de messages : 416
Date d'inscription : 03/12/2010
Re: Gueules blanches
MERCI beaucoup
mes amités
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Abdellah Louaradi- Nombre de messages : 148
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Date d'inscription : 11/06/2011
Re: Gueules blanches
Bon et beau écrit.
Mes amitiés
Mes amitiés
maurice rolland- Nombre de messages : 243
Date d'inscription : 19/02/2011
Gueules blanches
Gueules blanches
Ces meuniers, ces gens, bon pied bon œil, comme des tacots ils n’arrêtaient pas de toussoter, à force d’inhaler, poussières et, farines.
Anthemon portait le long de sa vie fleurie, foisonnante de chrysanthèmes telle une tombe en mois de novembre, un masque blanc qu’il ne quitta jamais, même dans ses rêves très rares et dénudés de toute charge symbolique.
Anthemon était toujours en attente,les deux bras tendus obliquement,tenant les sacs pour récupérer la farine expulsée par la machine qui n’arrêtait jamais de tourner, debout écrasé par la hauteur de l’engin qui moulait les grains et les rêves. Etagé comme une fusée des années soixante, le moulin expirait, englobant le silence des pauvres gueules, blanches, pures. De vraies «bêtes» qui travaillaient pour vivre, et le plus souvent pour les autres, les maîtres, les nantis…
Visages effacés, ni rires ni rictus, le bruit assourdissant les hante.
Les pauvres, ils étaient exploités à ciel ouvert comme une mine, la seule différence c’était la couleur de la gueule. Noire pour les mineurs, blanche pour les meuniers qui broyaient du noir en silenc, et ne se plaignaient jamais.
Le soir les trouvait après un long essorage à sec par le bruit et l’odeur émanant du foundouk où ânes et mulets étaient attachés et qui côtoyait la salle des machines ; abattus, silencieux, comblés de poussière et de Rahmate al walidine (merci) laissées par des clients toujours identiques à eux même.
Anthemon passait chez Terrac pour s’acheter du lait de « Mesure », claudiquant pour soulager les plantes des pieds, chantant en silence une auto berceuse ; il s’endormit en marchant, comme un pauvre narcoleptique.
De faux médecins lui disaient que le lait purifiait les poumons, de l’effet Aspirine pour calmer, camoufler les douleurs de la misère.
Lahcene avait une minoterie mixte, il ne connaissait pas boulot, métro, dodo ; il bossait en circuit fermé ; lui il s’est confondu avec ses moulins et est devenu doyen des minotiers. Le jour de repos, Ammi Lahcene mettait ses lunettes, prenait le marteau et le burin pour rendre les aspérités à sa grande et vieille meule : un grand disque en granite plus dur que la chienne de vie que menait la majorité des gueules blanches, on contemplait ses gestes, espacés par des blagues qu’il nous racontait.
Quelques heures passées et le « moulin » reprit sa virginité. Ce moulin était réservé à l’orge ; la « Zammita » et la thicha.
Pour préparer du pain beldi, les femmes (jamais les hommes) lavaient les grains après les avoir minutieusement sassés et ressassés, elles les faisaient sécher sur les terrasses ou à même la rue.
On amenait les sacs de grains (orge ou blé) dans des brouettes cuirassées, toutes en fer, un bruit strident rythmait le mouvement de la roue. Ces « engins » méritent une place au CNAM de Paris, à côté de l’avion d’Ader et de la machine à vapeur de Watt.
Lahcene marquait les sacs en usant d’une peinture largement utilisée quand les moqadems et les chioukhs diffusait l’ordre du caïd : toutes les maisons devaient être peintes de la même couleur, souvent mal choisie d’ailleurs ; ses reflets me faisaient mal aux yeux et au cœur.
ils veillaient à rapporter le nom des têtes dures ; anars et anticonformistes, qui ne se pliaient pas aux ordres du caïd, à cette époque, chaque geste sortant de l’ordinaire nécessitait un rappel à l’ordre illico presto .
Ammi Lahcene nous a inspiré pour devenir des artistes de la rue, des taggueurs , c’était du « rap » écrit sur les murs.
Déjà on devinait que l’écrit gênait ; il fallait mieux dire… à haute voix pour que les autres nous entendent, car les murs avaient plein d’oreilles nous disait–on.
Gueules blanches ternirent doucement, comme une étoile agonisante ; sans hommage, sans médailles.
Ecraseurs de grains,
Broyeurs de son, de bruit et de noir ;
Masques livides ;
Bosseurs éternels.
Meuniers, vous trimiez en dormant de fatigue,
Vous dormiez en suant des sels, du vide et de poussière.
Gueules blanches!
Vos moulins , vos machines,
Malgré le bruit, savaient taire vos chagrins.
Reposez en paix ,
Nous vous gardons dans nos CD rom,
Dans nos mémoires vives, à jamais.
Je dédie cet écrit Au Feu Ammi Ahmed Lahcen, le meunier de la rue Saint jean, qui ne dormait jamais.
Ces meuniers, ces gens, bon pied bon œil, comme des tacots ils n’arrêtaient pas de toussoter, à force d’inhaler, poussières et, farines.
Anthemon portait le long de sa vie fleurie, foisonnante de chrysanthèmes telle une tombe en mois de novembre, un masque blanc qu’il ne quitta jamais, même dans ses rêves très rares et dénudés de toute charge symbolique.
Anthemon était toujours en attente,les deux bras tendus obliquement,tenant les sacs pour récupérer la farine expulsée par la machine qui n’arrêtait jamais de tourner, debout écrasé par la hauteur de l’engin qui moulait les grains et les rêves. Etagé comme une fusée des années soixante, le moulin expirait, englobant le silence des pauvres gueules, blanches, pures. De vraies «bêtes» qui travaillaient pour vivre, et le plus souvent pour les autres, les maîtres, les nantis…
Visages effacés, ni rires ni rictus, le bruit assourdissant les hante.
Les pauvres, ils étaient exploités à ciel ouvert comme une mine, la seule différence c’était la couleur de la gueule. Noire pour les mineurs, blanche pour les meuniers qui broyaient du noir en silenc, et ne se plaignaient jamais.
Le soir les trouvait après un long essorage à sec par le bruit et l’odeur émanant du foundouk où ânes et mulets étaient attachés et qui côtoyait la salle des machines ; abattus, silencieux, comblés de poussière et de Rahmate al walidine (merci) laissées par des clients toujours identiques à eux même.
Anthemon passait chez Terrac pour s’acheter du lait de « Mesure », claudiquant pour soulager les plantes des pieds, chantant en silence une auto berceuse ; il s’endormit en marchant, comme un pauvre narcoleptique.
De faux médecins lui disaient que le lait purifiait les poumons, de l’effet Aspirine pour calmer, camoufler les douleurs de la misère.
Lahcene avait une minoterie mixte, il ne connaissait pas boulot, métro, dodo ; il bossait en circuit fermé ; lui il s’est confondu avec ses moulins et est devenu doyen des minotiers. Le jour de repos, Ammi Lahcene mettait ses lunettes, prenait le marteau et le burin pour rendre les aspérités à sa grande et vieille meule : un grand disque en granite plus dur que la chienne de vie que menait la majorité des gueules blanches, on contemplait ses gestes, espacés par des blagues qu’il nous racontait.
Quelques heures passées et le « moulin » reprit sa virginité. Ce moulin était réservé à l’orge ; la « Zammita » et la thicha.
Pour préparer du pain beldi, les femmes (jamais les hommes) lavaient les grains après les avoir minutieusement sassés et ressassés, elles les faisaient sécher sur les terrasses ou à même la rue.
On amenait les sacs de grains (orge ou blé) dans des brouettes cuirassées, toutes en fer, un bruit strident rythmait le mouvement de la roue. Ces « engins » méritent une place au CNAM de Paris, à côté de l’avion d’Ader et de la machine à vapeur de Watt.
Lahcene marquait les sacs en usant d’une peinture largement utilisée quand les moqadems et les chioukhs diffusait l’ordre du caïd : toutes les maisons devaient être peintes de la même couleur, souvent mal choisie d’ailleurs ; ses reflets me faisaient mal aux yeux et au cœur.
ils veillaient à rapporter le nom des têtes dures ; anars et anticonformistes, qui ne se pliaient pas aux ordres du caïd, à cette époque, chaque geste sortant de l’ordinaire nécessitait un rappel à l’ordre illico presto .
Ammi Lahcene nous a inspiré pour devenir des artistes de la rue, des taggueurs , c’était du « rap » écrit sur les murs.
Déjà on devinait que l’écrit gênait ; il fallait mieux dire… à haute voix pour que les autres nous entendent, car les murs avaient plein d’oreilles nous disait–on.
Gueules blanches ternirent doucement, comme une étoile agonisante ; sans hommage, sans médailles.
Ecraseurs de grains,
Broyeurs de son, de bruit et de noir ;
Masques livides ;
Bosseurs éternels.
Meuniers, vous trimiez en dormant de fatigue,
Vous dormiez en suant des sels, du vide et de poussière.
Gueules blanches!
Vos moulins , vos machines,
Malgré le bruit, savaient taire vos chagrins.
Reposez en paix ,
Nous vous gardons dans nos CD rom,
Dans nos mémoires vives, à jamais.
Je dédie cet écrit Au Feu Ammi Ahmed Lahcen, le meunier de la rue Saint jean, qui ne dormait jamais.
Abdellah Louaradi- Nombre de messages : 148
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