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Jacques Delille Le Poéte Instituteur.

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Jacques Delille Le Poéte Instituteur. - Page 2 Empty Jacques Delille Le Poéte Instituteur.

Message par tamima Mer 12 Mai - 19:42

Rappel du premier message :

Jacques Delille Le Poéte Instituteur. 1738-1813

Les jardins ou L'art d'embellir les paysages (poème)
Par Jacques Delille (1738-1813)


AVERTISSEMENT

Plusieurs personnes d' un grand mérite ont
écrit en prose sur les jardins. L' auteur de ce
poème leur a emprunté quelques préceptes,
et même quelques descriptions. Dans plusieurs
endroits il a eu le bonheur de se rencontrer avec
eux; car son poème a été commencé, avant
que leurs ouvrages parussent. Il ne dissimulera
pas que c' est avec la plus grande défiance qu' il
livre à l' impression cet ouvrage trop attendu,
et sur-tout trop loué. L' indulgence extrême de
ceux qui l' ont entendu, lui est un garant trop
sûr de la rigueur de ceux qui le liront.
Ce poème a d' ailleurs un très-grand inconvénient,
celui d' être un poème didactique. Ce
genre est nécessairement un peu froid, et doit
le paroître encore davantage à une nation qui
ne supporte guère, comme on l' a souvent
remarqué, que les vers composés pour le
théâtre, et qui sont la peinture des passions ou
des ridicules. Peu de personnes, je dirois même
peu de gens de lettres, lisent les géorgiques de
Virgile; et tous ceux qui connoissent la langue
latine, savent par coeur le quatrième livre de
l' énéide.

Dans le premier de ces deux poèmes, le poète
semble regretter que les bornes de son sujet ne
lui permettent pas de chanter les jardins. Après
avoir lutté long-temps contre les détails un peu
ingrats de la culture générale des champs, il
paroît désirer de se reposer sur des objets plus
rians. Mais resserré dans les limites de son sujet,
il s' en est dédommagé par une esquisse rapide
et charmante des jardins, et par ce touchant
épisode d' un vieillard heureux dans son petit
enclos cultivé par ses mains.
Ce que le poète romain regrettoit de ne pouvoir
faire, le père Rapin l' a exécuté. Il a écrit
dans la langue et quelquefois dans le style de
Virgile, un poème en quatre chants sur les
jardins, qui eut un grand succès, dans un temps
où on lisoit encore des vers latins modernes.
Son ouvrage n' est pas sans élégance; mais on y
desireroit plus de précision, et des épisodes
plus heureux.

Le plan de son poème manque d' ailleurs
d' intérêt et de variété. Un chant tout entier est
consacré aux eaux, un aux arbres, un aux fleurs.
On devine d' avance ce long catalogue et cette
énumération fastidieuse qui appartient plus à
un botaniste qu' à un poète: et cette marche
méthodique, qui seroit un mérite dans un traité
en prose, est un grand défaut dans un ouvrage
en vers, où l' esprit demande qu' on le mène par
des routes un peu détournées, et qu' on lui
présente des objets inattendus.
De plus, il a chanté les jardins du genre
régulier, et la monotonie attachée à la grande
régularité a passé du sujet dans le poème.
L' imagination, naturellement amie de la liberté,
tantôt se promène péniblement dans les dessins
contournés d' un parterre, tantôt va expirer au
bout d' une longue allée droite. Par-tout elle
regrette la beauté un peu désordonnée et la
piquante irrégularité de la nature.
Enfin, il n' a traité que la partie méchanique
de l' art des jardins. Il a entièrement oublié la
partie la plus essentielle, celle qui cherche dans
nos sensations, dans nos sentimens, la source des
plaisirs que nous causent les scènes champêtres et
les beautés de la nature, perfectionnées par l' art.
En un mot, ses jardins sont ceux de l' architecte;
les autres sont ceux du philosophe, du peintre
et du poète.

Ce genre a beaucoup gagné depuis quelques
années; et si c' est encore un effet de la mode,
il faut lui rendre grace. L' art des jardins, qu' on
pourroit appeller le luxe de l' agriculture, me
paroît un des amusemens les plus convenables,
je dirois presque les plus vertueux des personnes
riches. Comme culture, il les ramène à l' innocence
des occupations champêtres; comme
décoration, il favorise sans danger ce goût de
dépenses, qui suit les grandes fortunes: enfin,
il a, pour cette classe d' hommes, le double
avantage de tenir à la fois aux goûts de la ville
et à ceux de la campagne.

Ce plaisir des particuliers s' est trouvé joint à
l' utilité publique: il a fait aimer aux personnes
opulentes le séjour de leurs terres. L' argent qui
auroit entretenu les artisans du luxe, va nourrir
les cultivateurs, et la richesse retourne à sa
véritable source. De plus, la culture s' est
enrichie d' une foule de plantes ou d' arbres
étrangers ajoutés aux productions de notre sol, et
cela vaut bien tout le marbre que nos jardins ont
perdu.

Heureux si ce poème peut répandre encore
davantage ces goûts simples et purs! Car, comme
l' auteur de ce poème l' a dit ailleurs,
qui fait aimer les champs, fait aimer la vertu.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:11

Trop tôt le jour viendra que ces bois languissans,
Pour céder leur empire à de plus jeunes plants,
Tomberont sous le fer, et de leur tête altière
Verront l' antique honneur flétri dans la poussière.
Ô Versaille! ô regrets! ô bosquets ravissans,
Chefs-d' oeuvre d' un grand roi, de Le Nôtre et des ans!
La hache est à vos pieds et votre heure est venue.
Ces arbres dont l' orgueil s' élançoit dans la nue,
Frappés dans leur racine, et balançant dans l' air
Leurs superbes sommets ébranlés par le fer,
Tombent, et de leurs troncs jonchent au loin ces routes
Sur qui leurs bras pompeux s' arrondissoient en voûtes.
Ils sont détruits, ces bois, dont le front glorieux
Ombrageoit de Louis le front victorieux,
Ces bois où, célébrant de plus douces conquêtes,
Les arts voluptueux multiplioient les fêtes!

Amour, qu' est devenu cet asyle enchanté
Qui vit de Montespan soupirer la fierté?
Qu' est devenu l' ombrage où, si belle et si tendre,
À son amant surpris et charmé de l' entendre
La Valière apprenoit le secret de son coeur,
Et sans se croire aimée avouoit son vainqueur?

tamima

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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:12

Tout périt, tout succombe; au bruit de ce ravage
Voyez-vous point s' enfuir les hôtes du bocage?
Tout ce peuple d' oiseaux fiers d' habiter ces bois,
Qui chantoient leurs amours dans l' asyle des rois,
S' exilent à regret de leurs berceaux antiques.
Ces dieux, dont le ciseau peupla ces verds portiques,
D' un voile de verdure autrefois habillés,
Tous honteux aujourd' hui de se voir dépouillés,
Pleurent leur doux ombrage; et, redoutant la vue,
Vénus même une fois s' étonna d' être nue.
Croissez, hâtez votre ombre, et repeuplez ces champs,
Vous, jeunes arbrisseaux; et vous, arbres mourans,
Consolez-vous. Témoins de la foiblesse humaine,
Vous avez vu périr et Corneille et Turenne:
Vous comptez cent printemps, hélas! Et nos beaux jours
S' envolent les premiers, s' envolent pour toujours!
Heureux donc qui jouit d' un bois formé par l' âge;
Mais trop heureux aussi qui créa son bocage!
Ces arbres, dont le temps prépare la beauté,
Il dit comme Cyrus: " c' est moi qui les plantai " .
tamima
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:12

Vous donc, si de vos plants vous êtes maître encore,
Craignez qu' avant le temps ils se pressent d' éclore.
Tel qu' un peintre, arrêtant ses indiscrets pinceaux,
Long-temps dans sa pensée ébauche ses tableaux,
Ainsi de vos dessins méditez l' ordonnance.
Des sites, des aspects connoissez la puissance,
Et le charme des bois aux côteaux suspendus,
Et la pompe des bois dans la plaine étendus.
Ainsi que les couleurs et les formes amies,
Connoissez les couleurs, les formes ennemies.
Le frêne aux longs rameaux dans les airs élancés,
Repousseroit le saule aux longs rameaux baissés.
Le verd du peuplier combat celui du chêne:
Mais l' art industrieux peut adoucir leur haine;
Et de leur union médiateur heureux,
Un arbre mitoyen les concilie entr' eux.
Ainsi, par une teinte avec art assortie,
Vernet de deux couleurs éteint l' antipathie.
Connoissez donc l' emploi de ces différens verds,
Brillans ou sans éclat, plus foncés ou plus clairs.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:13

C' est par ces tons changeans qu' au sein des paysages
Vous pouvez avec choix varier les ombrages,
Produire des effets tantôt doux, tantôt forts,
Des contrastes frappans, ou de moelleux accords.
Observez-les sur-tout, lorsque la pâle automne,
Près de la voir flétrie, embellit sa couronne:
Que de variété, que de pompe et d' éclat!
Le pourpre, l' orangé, l' opale, l' incarnat
De leurs riches couleurs étalent l' abondance.
Hélas! Tout cet éclat marque leur décadence.
Tel est le sort commun. Bientôt les aquilons
Des dépouilles des bois vont joncher les vallons;
De moment en moment la feuille sur la terre,
En tombant, interrompt le rêveur solitaire.
Mais ces ruines même ont pour moi des attraits.
Là, si mon coeur nourrit quelques profonds regrets,
Si quelque souvenir vient rouvrir ma blessure,
J' aime à mêler mon deuil au deuil de la nature.
De ces bois desséchés, de ces rameaux flétris,
Seul, errant, je me plais à fouler les débris.
Ils sont passés les jours d' ivresse et de folie;
Viens, je me livre à toi, tendre mélancolie;
Viens, non le front chargé des nuages affreux
Dont marche enveloppé le chagrin ténébreux,
Mais l' oeil demi-voilé, mais telle qu' en automne
À travers des vapeurs un jour plus doux rayonne:
Viens, le regard Jacques Delille Le Poéte Instituteur. - Page 2 923781, le front calme, et les yeux
Tout prêts à s' humecter de pleurs délicieux.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:13

Mais tandis que mon coeur nourrit ces rêveries,
D' arbustes, d' arbrisseaux mille races fleuries
M' appellent à leur tour. Venez, peuple enchanteur,
Vous êtes la nuance entre l' arbre et la fleur;
De vos traits délicats venez orner la scène.
Oh! Que si moins pressé du sujet qui m' entraîne,
Vers le but qui m' attend je ne hâtois mes pas,
Que j' aurois de plaisir à diriger vos bras!
Je vous reproduirois sous cent formes fécondes;
Ma main sous vos berceaux feroit rouler les ondes;
En dômes, en lambris j' unirois vos rameaux;
Mollement enlacés autour de ces ormeaux,
Vos bras serpenteroient sur leur robuste écorce,
Emblême de la grace unie avec la force:
Je fondrois vos couleurs, et du blanc le plus pur,
Du plus tendre incarnat jusqu' au plus sombre azur,
De l' oeil rassasié variant les délices,
Vos panaches, vos fleurs, vos boules, vos calices,
À l' envi s' uniroient dans mes brillans travaux,
Et Van-Huysum lui-même envieroit mes tableaux.
Mais vous à qui le ciel prodigua leur richesse,
Ménagez avec art leur pompe enchanteresse:
Partagez aux saisons leurs brillantes faveurs;
Que chacun apportant ses parfums, ses couleurs,
Reparoisse à son tour, et qu' au front de l' année
Sa guirlande de fleurs ne soit jamais fanée.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:13

Ainsi votre jardin varie avec le temps:
Tout mois a ses bosquets, tout bosquet son printemps,
Printemps bientôt flétri! Toutefois votre adresse
Peut consoler encor de sa courte richesse.
Que par des soins prudens tous ces arbres plantés,
Quand ils seront sans fleurs, ne soient pas sans beautés.
Ainsi l' adroite églé prolongeant son empire,
Au déclin des beaux ans sait encor nous séduire.
Le ciel même, malgré l' inclémence de l' air,
N' a pas de tous ses dons déshérité l' hiver.
Alors des vents jaloux défiant les outrages,
Plusieurs arbres encor retiennent leurs feuillages.
Voyez l' if et le lierre, et le pin résineux,
Le houx luisant, armé de ses dards épineux,
Et du laurier divin l' immortelle verdure,
Dédommager la terre et venger la nature.
Voyez leurs fruits de pourpre et leurs glands de corail
Au verd de leurs rameaux mêler un vif émail.
Au milieu des champs nus leur parure m' enchante,
Et plus inespérée en paroît plus touchante.
De vos jardins d' hiver qu' ils ornent le séjour.
Là, vous venez saisir les rayons d' un beau jour.
Là, l' oiseau, quand la terre ailleurs est dépouillée,
Vole, et s' égaie encor sous la verte feuillée,
Et trompé par les lieux ne connoît plus les temps,
Croit revoir les beaux jours et chante le printemps.
Ainsi ce doux réduit plaît sans être factice.
Mais les jardins des rois avec plus d' artifice,
Avec plus d' appareil triomphent des hivers.
J' en atteste, ô Mouceaux, tes jardins toujours verds.
Là, des arbres absens les tiges imitées,
Les magiques berceaux, les grottes enchantées,
Tout vous charme à la fois. Là, bravant les saisons,
La rose apprend à naître au milieu des glaçons;
Et les temps, les climats vaincus par des prodiges,
Semblent de la féerie épuiser les prestiges.
Mais l' art et la féerie, et ses enchantemens
Ne sont pas des jardins les plus doux ornemens.
L' habitude bientôt a flétri vos bocages.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:14

Souvent, quand l' étranger jouit de vos ombrages,
Déjà leur possesseur languit sans intérêt.
N' est-il pas des moyens dont le charme secret
Vous rende leur beauté toujours plus attachante?
Oh! Combien des lapons l' usage heureux m' enchante!
Qu' ils savent bien tromper leurs hivers rigoureux!
Nos superbes tilleuls, nos ormeaux vigoureux,
De ces champs ennemis redoutent la froidure:
De quelques noirs sapins l' indigente verdure
Par intervalle à peine y perce les frimats;
Mais le moindre arbrisseau qu' épargnent ces climats,
Par des charmes plus doux à leurs regards sait plaire:
Planté pour un ami, pour un fils, pour un père,
Pour un hôte qui part emportant leurs regrets,
Il en reçoit le nom, le nom cher à jamais.
Vous, dont un ciel plus pur éclaire la patrie,
Vous pouvez imiter cette heureuse industrie:
Elle animera tout; vos arbres, vos bosquets
Dès-lors ne seront plus ni déserts, ni muets;
Ils seront habités de souvenirs sans nombre,
Et vos amis absens embelliront leur ombre.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:14

Qui vous empêche encor, quand les bontés des dieux
D' un enfant désiré comblent enfin vos voeux,
De consacrer ce jour par les tiges naissantes
D' un bocage, d' un bois? ... mais tandis que tu chantes,
Muse, quels cris dans l' air s' élancent à la fois?
Il est né l' héritier du sceptre de nos rois!
Il est né! Dans nos murs, dans nos camps, sur les ondes,
Nos foudres triomphans l' annoncent aux deux mondes.
Pour parer son berceau c' est trop peu que des fleurs;
Apportez les lauriers, les palmes des vainqueurs.
Qu' à ses premiers regards brillent des jours de gloire;
Qu' il entende en naissant l' hymne de la victoire;
C' est la fête qu' on doit au pur sang de Bourbon.
Et toi, par qui le ciel nous fit cet heureux don,
Toi, qui, le plus beau noeud, la chaîne la plus chère
Des germains, des françois, d' un époux et d' un frère,
Les unis, comme on voit de deux pompeux ormeaux
Une guirlande en fleurs enchaîner les rameaux,
Soeur, mère, épouse auguste; enfin la destinée
Joint au deuil du trépas les fruits de l' hyménée,
Et mêlant dans tes yeux les larmes et les ris,
Quand tu perds une mère, elle te donne un fils.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:14

D' autres, dans les transports que ce beau jour inspire,
Animeront la toile, ou le marbre, ou la lyre;
Moi, l' humble ami des champs, j' irai dans ce séjour
Où Flore et les zéphirs composent seuls ta cour,
J' irai dans trianon: là, pour unique hommage,
Je consacre à ton fils des arbres de son âge,
Un bosquet de son nom. Ce simple monument,
Ces tiges, de tes bois le plus cher ornement,
Tes yeux les verront croître, et croissant avec elles,
Ton fils viendra chercher leurs ombres fraternelles.
Enfin vous jouissez, et le coeur et les yeux
Chérissent de vos bois l' abri délicieux.
Au plaisir voulez-vous joindre encore la gloire?
Voulez-vous de votre art remporter la victoire?
Déjà de nos jardins heureux décorateur,
Ajoutez à ces noms le nom de créateur.
Voyez comme en secret la nature fermente;
Quel besoin d' enfanter sans cesse la tourmente.
Et vous ne l' aidez pas! Qui sait dans son trésor
Quels biens à l' industrie elle réserve encor?
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:15

Comme l' art à son gré guide le cours de l' onde,
Il peut guider la sève; à sa liqueur féconde
Montrez d' autres chemins, ouvrez d' autres canaux.
Dans vos champs enrichis par des hymens nouveaux,
Des sucs vierges encor essayez le mêlange;
De leurs dons mutuels favorisez l' échange.
Combien d' arbres, de fruits, de plantes et de fleurs,
Dont l' art changea le goût, les parfums, les couleurs!
La pêche a dû sa gloire à ces métamorphoses.
D' un triple diadême ainsi brillent les roses;
De son panache ainsi l' oeillet s' enorgueillit.
Osez. Dieu fit le monde, et l' homme l' embellit.
Que si vous n' osez pas essayer ces conquêtes,
Combien sous d' autres cieux de richesses sont prêtes!
Usurpez ces trésors. Ainsi le fier romain,
Et ravisseur plus juste, et vainqueur plus humain,
Conquit des fruits nouveaux, porta dans l' Ausonie
Le prunier de Damas, l' abricot d' Arménie,
Le poirier des gaulois, tant d' autres fruits divers.
C' est ainsi qu' il falloit s' asservir l' univers.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:15

Quand Lucullus vainqueur triomphoit de l' Asie,
L' airain, le marbre et l' or frappoient Rome éblouie;
Le sage dans la foule aimoit à voir ses mains
Porter le cerisier en triomphe aux romains.
Et ces mêmes romains n' ont-ils pas vu nos pères
En bataillons armés, sous des cieux plus prospères
Aller chercher la vigne, et vouer à Bacchus
Leurs étendards rougis du nectar des vaincus?
Du fruit de leurs exploits leurs troupes échauffées,
Rapportoient, en chantant, ces précieux trophées.
De guirlandes de pampre ils couronnoient leurs fronts;
Le pampre sur leurs dards s' enlançoit en festons.
Tel revint triomphant le dieu vainqueur du Gange.
Les vallons, les côteaux célébroient la vendange;
Et par-tout où coula le nectar enchanté,
Coururent le plaisir, l' audace et la gaieté.
Enfans de ces gaulois, imitons nos ancêtres;
Enlevons, disputons ces dépouilles champêtres.
Voyez dans ces jardins, fiers de se voir soumis
À la main qui porta le sceptre de Thémis,
Le sang des Lamoignon, l' éloquent Malesherbes
Enrichir notre sol de cent tiges superbes.
Là, des plants rassemblés des bouts de l' univers,
De la cime des monts, de la rive des mers,
Des portes du couchant, de celles de l' aurore,
Ceux que l' ardent midi, que le nord voit éclore,
Les enfans du soleil, les enfans des frimats,
Me font, en un lieu seul, parcourir cent climats.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:15

Je voyage, entouré de leur foule choisie,
D' Amérique en Europe, et d' Afrique en Asie.
Tous, parmi nos vieux plants charmés de se ranger,
Chérissent notre ciel, et l' heureux étranger,
Des bords qu' il a quittés reconnoissant l' ombrage,
Doute de son exil à leur touchante image,
Et d' un doux souvenir sent son coeur attendri.
Je t' en prends à témoin, jeune Potaveri.
Des champs d' O-Taïti, si chers à son enfance,
Où l' amour, sans pudeur, n' est pas sans innocence,
Ce sauvage ingénu dans nos murs transporté,
Regrettoit en son coeur sa douce liberté,
Et son île riante, et ses plaisirs faciles.
Ébloui, mais lassé de l' éclat de nos villes,
Souvent il s' écrioit: " rendez-moi mes forêts " .
Un jour, dans ces jardins où Louis à grands frais
De vingt climats divers en un seul lieu rassemble
Ces peuples végétaux surpris de croître ensemble,
Qui, changeant à la fois de saison et de lieu,
Viennent tous à l' envi rendre hommage à Jussieu,
L' indien parcouroit leurs tribus réunies,
Quand tout-à-coup, parmi ces vertes colonies,
Un arbre qu' il connut dès ses plus jeunes ans
Frappe ses yeux. Soudain, avec des cris perçans
Il s' élance, il l' embrasse, il le baigne de larmes,
Le couvre de baisers. Mille objets pleins de charmes,
Ces beaux champs, ce beau ciel qui le virent heureux,
Le fleuve qu' il fendoit de ses bras vigoureux,
La forêt dont ses traits perçoient l' hôte sauvage,
Ces bananiers chargés et de fruits et d' ombrage
Et le toît paternel, et les bois d' alentour,
Ces bois qui répondoient à ses doux chants d' amour,
Il croit les voir encore, et son ame attendrie,
Du moins pour un instant, retrouva sa patrie.
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Jacques Delille Le Poéte Instituteur. - Page 2 Empty CHANT 3

Message par tamima Mer 12 Mai - 20:16

CHANT 3

Je chantois les jardins, les vergers et les bois,
Quand le cri de Bellone a retenti trois fois.
À ces cris, arrachés des foyers de leurs pères,
Nos guerriers ont volé sur des mers étrangères,
Et Mars a de Vénus déserté les bosquets.
Dieux des champs, dieux amis de l' innocente paix,
Ne craignez rien. Louis, au lieu de vous détruire,
Veut sur des bords lointains étendre votre empire;
Il veut qu' un peuple ami, trop long-temps opprimé,
Recueille en paix le grain que ses mains ont semé.
Et vous, jeunes guerriers qu' admire un autre monde,
Je ne puis vers Yorck, sur les gouffres de l' onde
Suivre votre valeur; mais pour votre retour
Ma muse des jardins embellit le séjour.
Déjà j' ordonne aux fleurs de croître pour vos têtes;
Pour vous de myrtes verds des couronnes sont prêtes.
Je prépare pour vous le murmure des eaux,
Les tapis des gazons, les abris des berceaux,
Où mollement assis, oubliant les alarmes,
Tranquilles vous direz la gloire de nos armes,
Tandis qu' entre la crainte et l' espoir suspendus,
Vos enfans frémiront d' un danger qui n' est plus.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:16

Achevons cependant d' orner ces frais asyles.
Jadis dans nos jardins les fables infertiles,
Tristes, secs, et du jour réfléchissant les feux,
Importunoient les pieds et fatiguoient les yeux.
Tout étoit nu, brûlant; mais enfin l' Angleterre
Nous apprit l' art d' orner et d' habiller la terre.
Soignez donc ces gazons déployés sur son sein.
Sans cesse l' arrosoir ou la faulx à la main,
Désaltérez leur soif, tondez leur chevelure.
Que le roulant cylindre en foule la verdure.
Que toujours bien choisis, bien unis, bien serrés,
De l' herbe usurpatrice avec soin délivrés,
Du plus tendre duvet ils gardent la finesse;
Et quelquefois enfin réparez leur vieillesse.
Réservez toutefois aux lieux moins éloignés
Ce luxe de verdure et ces gazons soignés.
Du reste composez une riche pâture,
Et que vos seuls troupeaux en fassent la culture.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:16

Ainsi vous formerez des nourrissons nombreux,
Des engrais pour vos champs, des tableaux pour vos yeux.
Ne rougissez donc point, quoique l' orgueil en gronde,
D' ouvrir vos parcs au boeuf, à la vache féconde,
Qui ne dégrade plus ni vos parcs, ni mes vers.
Mais c' est peu de créer ces vastes tapis verds;
Il en faut avec goût savoir choisir les formes.
Craignez pour eux l' ennui des cadres uniformes.
En d' insipides ronds, ou d' ennuyeux quarrés,
Je ne veux point les voir tristement resserrés.
Un air de liberté fait leur première grace.
Que tantôt dans les bois, dont l' ombre les embrasse,
D' un air mystérieux ils aillent se cacher,
Et que tantôt les bois les reviennent chercher.
Telle est d' un beau gazon la forme simple et pure.
Voulez-vous mieux l' orner? Imitez la nature.
Elle émaille les prés des plus riches couleurs.
Hâtez-vous; vos jardins vous demandent des fleurs.
Fleurs charmantes! Par vous la nature est plus belle;
Dans ses brillans tableaux l' art vous prend pour modèle;
Simples tributs du coeur, vos dons sont chaque jour
Offerts par l' amitié, hasardés par l' amour.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:17

D' embellir la beauté vous obtenez la gloire;
Le laurier vous permet de parer la victoire;
Plus d' un hameau vous donne en prix à la pudeur.
L' autel même où de Dieu repose la grandeur,
Se parfume au printemps de vos douces offrandes,
Et la religion sourit à vos guirlandes.
Mais c' est dans nos jardins qu' est votre heureux séjour.
Filles de la rosée et de l' astre du jour,
Venez donc de nos champs décorer le théâtre.
N' attendez pas pourtant qu' amateur idolâtre,
Au lieu de vous jetter par touffes, par bouquets,
J' aille de lits en lits, de parquets en parquets,
De chaque fleur nouvelle attendre la naissance,
Observer ses couleurs, épier leur nuance.
Je sais que dans Harlem plus d' un triste amateur
Au fond de ses jardins s' enferme avec sa fleur,
Pour voir sa renoncule avant l' aube s' éveille,
D' une anémone unique adore la merveille,
Ou, d' un rival heureux enviant le secret,
Achette au poids de l' or les taches d' un oeillet.
Laissez-lui sa manie et son amour bizarre;
Qu' il possède en jaloux et jouisse en avare.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:17

Sans obéir aux loix d' un art capricieux,
Fleurs, parure des champs et délices des yeux,
De vos riches couleurs venez peindre la terre.
Venez: mais n' allez pas dans les buis d' un parterre
Renfermer vos appas tristement relégués.
Que vos heureux trésors soient par-tout prodigués.
Tantôt de ces tapis émaillez la verdure;
Tantôt de ces sentiers égayez la bordure.
Formez-vous en bouquets; entourez ces berceaux;
En méandres brillans courez au bord des eaux,
Ou tapissez ces murs, ou dans cette corbeille
Du choix de vos parfums embarrassez l' abeille.
Que Rapin, vous suivant dans toutes les saisons,
Décrive tous vos traits, rappelle tous vos noms;
À de si longs détails le dieu du goût s' oppose.
Mais qui peut refuser un hommage à la rose,
La rose, dont Vénus compose ses bosquets,
Le printemps sa guirlande, et l' amour ses bouquets,
Qu' Anacréon chanta, qui formoit avec grace
Dans les jours de festin la couronne d' Horace?
Mais ce riant sujet plaît trop à mes pinceaux,
Destinés à tracer de plus mâles tableaux.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:17

Ô vous, dont je foulois les pelouses fleuries,
Adieu, charmans bosquets, adieu, vertes prairies;
Ces masses de rochers confusément épars
Sur leur informe aspect appellent mes regards.
De nos jardins voués à la monotonie
Leur sublime âpreté jadis étoit bannie.
Depuis qu' enfin le peintre y prescrivant des loix,
Sur l' arpenteur timide a repris tous ses droits,
Nos jardins plus hardis de ces effets s' emparent.
Mais de quelque beauté que ces masses les parent,
Si le sol n' offre point ces blocs majestueux,
De la nature en vain rival présomptueux,
L' art en voudroit tenter une infidelle image.
Du haut des vrais rochers, sa demeure sauvage,
La nature se rit de ces rocs contrefaits,
D' un travail impuissant avortons imparfaits.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:18

Loin de ces froids essais qu' un vain effort étale,
Aux champs de Midleton, aux monts de Dovedale,
Whateli, je te suis; viens, j' y monte avec toi.
Que je m' y sens saisi d' un agréable effroi!
Tous ces rocs variant leurs gigantesques cimes,
Vers le ciel élancés, roulés dans des abîmes,
L' un par l' autre appuyés, l' un sur l' autre étendus,
Quelquefois dans les airs hardiment suspendus,
Les uns taillés en tours, en arcades rustiques,
Quelques-uns à travers leurs noirâtres portiques
Du ciel dans le lointain laissant percer l' azur,
Des sources, des ruisseaux le cours brillant et pur,
Tout rappelle à l' esprit ces magiques retraites,
Ces romanesques lieux qu' ont chantés les poëtes.
Heureux si ces grands traits embellissent vos champs!
Mais dans votre tableau leurs tons seroient tranchans.
C' est là, c' est pour dompter leur inculte énergie,
Qu' il faut d' un enchanteur le charme et la magie.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:18

Cet enchanteur, c' est l' art; ces charmes, sont les bois.
Il parle; les rochers s' ombragent à sa voix,
Et semblent s' applaudir de leur pompe étrangère.
Mais en ornant ainsi leur sécheresse austère,
Variez bien vos plants. Offrez aux spectateurs
Des contrastes de tons, de formes, de couleurs.
Que les plus beaux rochers sortent par intervalles.
N' interromprez-vous point ces masses trop égales?
Cachez ou découvrez, variez à la fois
Les bois par les rochers, les rochers par les bois.

N' avez-vous pas encor, pour former leur parure,
Des arbustes rampans l' errante chevelure?
J' aime à voir ces rameaux, ces souples rejettons,
Sur leurs arides flancs serpenter en festons.
J' aime à voir leur front chauve et leur tête sauvage
Se coëfer de verdure, et s' entourer d' ombrage.
C' est peu. Parmi ces rocs un vallon précieux,
Un terrein moins ingrat vient-il rire à vos yeux?
Saisissez ce bienfait; déployez à la vue
D' un sol favorisé la richesse imprévue.
C' est un contraste heureux; c' est la stérilité
Qui cède un coin de terre à la fertilité.
Ainsi vous subjuguez leur âpre caractère.
Mais quoi! Faut-il toujours les orner pour vous plaire?
Non; l' art qui doit toujours en adoucir l' horreur,
Leur permet quelquefois d' inspirer la terreur.
Lui-même il les seconde. Au bord d' un précipice
D' une simple cabane il pose l' édifice:
Le précipice encore en paroît agrandi.
Tantôt d' un roc à l' autre il jette un pont hardi.
À leur terrible aspect je tremble, et de leur cime
L' imagination me suspend sur l' abîme.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:18

Je songe à tous ces bruits du peuple répétés,
De voyageurs perdus, d' amans précipités;
Vieux récits, qui, charmant la foule émerveillée,
Des crédules hameaux abrègent la veillée,
Et que l' effroi du lieu persuade un moment.
Mais de ces grands effets n' usez que sobrement.
Notre coeur dans les champs à ces rudes secousses
Préfère un calme heureux, des émotions douces.
Moi-même, je le sens, de la cime des monts
J' ai besoin de descendre en mes rians vallons.
Je les ornai de fleurs, les couvris de bocages;
Il est temps que des eaux roulent sous leurs ombrages.
Et bien! Si vos sommets jadis tout dépouillés
Sont, grace à mes leçons, richement habillés,
Ô rochers! Ouvrez-moi vos sources souterraines:
Et vous, fleuves, ruisseaux, beaux lacs, claires fontaines,
Venez, portez par-tout la vie et la fraîcheur.
Ah! Qui peut remplacer votre aspect enchanteur?
De près il nous amuse, et de loin nous invite;
C' est le premier qu' on cherche, et le dernier qu' on quitte.
Vous fécondez les champs; vous répétez les cieux;
Vous enchantez l' oreille et vous charmez les yeux.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:19

Venez: puissent mes vers, en suivant votre course,
Couler plus abondans encor que votre source,
Plus légers que les vents qui courbent vos roseaux,
Doux comme votre bruit, et purs comme vos eaux!
Et vous qui dirigez ces ondes bienfaitrices,
Respectez leur penchant et même leurs caprices.
Dans la facilité de ses libres détours,
Voyez l' eau de ses bords embrasser les contours.
De quel droit osez-vous, captivant sa souplesse,
De ses plis sinueux contraindre la mollesse?
Que lui fait tout le marbre où vous l' emprisonnez?
Voyez-vous, les cheveux aux vents abandonnés,
Sans contrainte, sans art, sans parure étrangère,
Marcher, courir, bondir la folâtre bergère?
Sa grace est dans l' aisance et dans la liberté.
Mais au fond d' un serrail contemplez la beauté:
En vain elle éblouit, vainement elle étale
De ses atours captifs la pompe orientale;
Je ne sais quoi de triste, empreint dans tous ses traits,
Décèle la contrainte et flétrit ses attraits.
Que l' eau conserve donc la liberté qu' elle aime,
Ou changez en beauté son esclavage même.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:19

Ainsi malgré Morel, dont l' éloquente voix
De la simple nature a sçu plaider les droits,
J' aime ces jeux où l' onde en des canaux pressée
Part, s' échappe et jaillit avec force élancée.
À l' aspect de ces flots qu' un art audacieux
Fait sortir de la terre et lance jusqu' aux cieux,
L' homme se dit: " c' est moi qui créai ces prodiges " .
L' homme admire son art dans ces brillans prestiges;
Qu' ils soient donc déployés chez les grands et les rois.
Mais, je le dis encor; loin le luxe bourgeois
Dont le jet d' eau honteux, n' osant quitter la terre,
S' élève à-peine, et meurt à deux pieds du parterre.
C' est peu: tout doit répondre à ce riche ornement;
Que tout prenne à l' entour un air d' enchantement.
Persuadez aux yeux que d' un coup de baguette
Une fée, en passant, s' est fait cette retraite.
Tel j' ai vu de Saint-Cloud le bocage enchanteur.
L' oeil de son jet hardi mesure la hauteur;
Aux eaux qui sur les eaux retombent et bondissent
Les bassins, les bosquets, les grottes applaudissent;
Le gazon est plus verd, l' air plus frais; les oiseaux
S' animent au doux bruit de la chûte des eaux,
Et les bois inclinant leurs têtes arrosées,
Semblent s' épanouir à ces fraîches rosées.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:19

Plus simple, plus champêtre, et non moins belle aux yeux,
La cascade ornera de plus sauvages lieux.
De près est admirée, et de loin entendue
Cette eau toujours tombante et toujours suspendue.
Variée, imposante, elle anime à la fois
Les rochers, et la terre, et les eaux, et les bois.
Employez donc cet art; mais loin l' architecture
De ces tristes gradins, où tombant en mesure,
D' un mouvement égal, les flots précipités
Jusques dans leur fureur marchent à pas comptés.
La variété seule a le droit de vous plaire.
La cascade d' ailleurs a plus d' un caractère.
Il faut choisir. Tantôt d' un cours tumultueux
L' eau se précipitant dans son lit tortueux
Court, tombe et rejaillit, retombe, écume et gronde:
Tantôt avec lenteur développant son onde,
Sans colère, sans bruit un ruisseau doux et pur
S' épanche, se déploie en un voile d' azur.
L' oeil aime à contempler ces frais amphithéâtres,
Et l' or des feux du jour sur les nappes bleuâtres,
Et le noir des rochers, et le verd des roseaux,
Et l' éclat argenté de l' écume des eaux.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:20

Consultez donc l' effet que votre art veut produire,
Et ces flots, toujours prompts à se laisser conduire,
Vont vous offrir, plus lents ou plus impétueux,
Des tableaux doux ou fiers, gais ou majestueux.
Tableaux toujours puissans! Eh! Qui n' a pas de l' onde
Éprouvé sur son coeur l' impression profonde?
Toujours, soit qu' un courant vif et précipité
Sur des cailloux bondisse avec agilité;
Soit que sur le limon une rivière lente
Déroule en paix les plis de son onde indolente;
Soit qu' à travers des rocs un torrent en courroux
Se brise avec fracas; triste ou gai, vif ou doux
Leur cours excite, appaise, ou menace, ou caresse.
De Vénus, nous dit-on, l' écharpe enchanteresse
Renfermoit les amours, et les tendres desirs,
Et la joie, et l' espoir, précurseur des plaisirs.
Les eaux sont ta ceinture, ô divine Cybèle!
Non moins impérieuse, elle renferme en elle
La gaieté, la tristesse, et le trouble et l' effroi.
Et! Qui l' a mieux connu, l' a mieux senti que moi?
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:20

Souvent, je m' en souviens, lorsque les chagrins sombres,
Que de la nuit encore avoient noircis les ombres,
Accabloient ma pensée et flétrissoient mes sens,
Si d' un ruisseau voisin j' entendois les accens,
J' allois, je visitois ses consolantes ondes.
Le murmure, le frais de ses eaux vagabondes
Suspendoient mes chagrins, endormoient ma douleur,
Et la sérénité renaissoit dans mon coeur.

Tant du doux bruit des eaux l' influence est puissante!
Pour prix de ce bienfait, toi, dont le cours m' enchante,
Ruisseau, permets que l' art, sans trop t' énorgueillir,
T' embellisse à nos yeux, si l' art peut t' embellir.
Un ruisseau fiéroit mal dans une vaste plaine;
Son lit n' y traceroit qu' une ligne incertaine.
Modestes, au grand jour se montrant à regret,
Ses flots veulent baigner un bocage secret.

Son cours orne les bois; les bois font ses délices.
Là, je puis à loisir suivre tous ses caprices,
Son embarras charmant, sa pente, ses replis,
Le courroux de ses flots par l' obstacle embellis.
Tantôt dans un lit creux, qu' un noir taillis ombrage,
Cachant son onde agreste et sa course sauvage,
Tantôt à plein canal présentant son miroir,
Je le vois sans l' entendre, ou l' entends sans le voir.
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