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François-Thomas-Marie De Baculard D'Arnaud

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François-Thomas-Marie De Baculard D'Arnaud Empty François-Thomas-Marie De Baculard D'Arnaud

Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 13:51

Les Amants Malheureux, Ou Le Comte De Comminge
Drame En Trois Actes Et En Vers (1764)

Par François-Thomas-Marie De Baculard D'Arnaud(1718-1805)



ACTE 1 SCENE 1
La scène est dans l' abbaye de la trappe.

La toile se lève, et laisse voir un souterrain
vaste et profond, qui est supposé être le lieu
consacré aux sépultures des religieux de la
trappe ; deux ailes du cloître, fort longue
et à perte de vue, viennent aboutir
à ce souterrain. On y descend par deux
escaliers composés de pierres grossièrement
taillées, et d' une vingtaine de degrés.
Il n' est éclairé que d' une lampe.
Au fond du caveau s' élève une grande croix,
telle qu' on en voit dans nos cimetières,
au bas de laquelle est adossé un sépulchre
peu élevé, et formé de pierres brutes ;
plusieurs têtes de morts amoncelées lient ce
monument avec la croix. C' est le tombeau du
célèbre abbé de Rancé, fondateur de la trappe.
Plus avant, du côté gauche, est une fosse qui
paroît nouvellement creusée, sur les bords de
laquelle sont une pioche, une pelle, etc.
Au-devant de la scène, dans un des
côtés, à main droite, est une autre fosse.
Sur les deux ailes de ce souterrain se
distinguent de distance en distance,
et à peu de hauteur de terre, une infinité
de petites croix, qui désignent les sépultures
des religieux.
Rita-kazem
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Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 13:52

On apperçoit au haut d' un des escaliers, du
côté droit, les cordes d' une cloche. Au bas de
la grande croix, sur les têtes de morts, se lit
cette inscription latine : (...). Au fond du
caveau, au-dessus de la même croix, est cette
autre inscription.

C' est ici que la mort et que la vérité
élèvent leur flambeau terrible ;
c' est de cette demeure, au monde inaccessible,
que l' on passe à l' éternité.

On peut lire encore des deux côtés du souterrain,
ces deux nouvelles inscriptions, à droite et à
gauche :

Qu' après de vaines connoissances
Les esclaves du siècle empressés de courir,
Se livrent aux erreurs des arts et des sciences ;
Ici, l' on apprend à mourir.

Homme aveugle, dont l' ame, au mensonge asservie,
Des souvenirs du monde est encore poursuivie,
Que l' aspect de ces lieux dissipe ton sommeil ;
C' est où finit le songe de la vie,
Où de la mort commence le réveil.
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Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:12

Le comte de Comminge
seul, sous le nom du frère Arsène,
nom qu' il garde pendant toute la pièce,
est prosterné aux pieds de la croix, et
panché sur le tombeau de Rancé. Il se relève,
tourne ses regards vers le ciel, et après les
avoir jettés de côté et d' autre, il dit :

Dans cet asyle sombre, à la mort consacré,
Toujours plus criminel, toujours plus déchiré,
Jusqu' à tes pieds, grand Dieu, je traînerai ma chaîne !
Comminge existe encore, et brûle au coeur d' Arsène !
L' homme, plus que jamais, s' élève et me combat ;
Plus que jamais, son joug me fatigue et m' abbat...
Maître des passions ! Toi, qui formas mon ame,
Ne peux-tu dans mon sein étouffer cette flamme,
Repousser, effacer des traits persécuteurs,
Qui, chaque jour, hélas ! Plus chers, plus enchanteurs,
Reviennent à mes yeux se remontrer sans cesse ? ...
Dans ce lieu de terreur je parle de tendresse !
D' une sainte frayeur mon sang n' est point glacé
À l' aspect de la tombe où repose Rancé,
Rancé... qui, comme moi... que dis-tu, téméraire ?
Termine comme lui ta vie et ta misère ;
Laisse-là tes erreurs, ose avoir sa vertu,
Ose imiter Rancé ; mais quand il a vaincu...
L' imiter... eh ! Le puis-je ! Un austère cilice,
Les larmes, la prière, un éternel supplice,
Rien ne sauroit détruire un souvenir vainqueur,
À Dieu même il dispute, il enlève mon coeur...
Au milieu de ces morts, sur ces monceaux de cendre,
Le dirai-je, ô mon Dieu ! Pourras-tu bien m' entendre ?
Quel nom va prononcer une mourante voix ?
Adelaïde, ô ciel... est tout ce que je vois.
Ah ! J' offense encor plus ta majesté suprême,
Dieu vengeur, tonne, frappe... elle est tout ce que j' aime.
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Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:12

Après une longue pause.

Et je puis avouer cette infidélité,
Sans que le repentir brise un coeur révolté ! ...
Je révèle à ces murs une ardeur si funeste,
Sans exhaler ici le soupir qui me reste ! ...
Eh ! Comment le remord suivroit-il cet aveu ?
Je chéris mon forfait ; j' alimente mon feu,
Il vit de mes soupirs ; il brûle de mes larmes...
D' Adélaïde enfin j' idolâtre les charmes :
Et j' ai causé ses maux ! J' ai fait couler ses pleurs !
J' ai d' un époux contr' elle excité les fureurs !
Et je dois... l' oublier ! Repousser son image !
Je l' ai promis à Dieu, que mon parjure outrage :
Et cet amour... m' enflamme encor plus que jamais.
Ah ! Malheureux Comminge ! Après tant de forfaits,
Tu n' as plus... qu' à mourir. De tes pleurs arrosée,
Ouverte sous tes pas, et par tes mains creusée,

Il y fixe les yeux.

Ta fosse... te demande... accoutume tes yeux,
Accoutume ton ame à ce spectacle affreux.
La voilà... qui t' attend ; hâte-toi d' y descendre,
Cours y cacher un coeur trop sensible et trop tendre...

Tous les morts rassemblés dans ces funèbres lieux,
Se lèvent de la terre, et m' appellent près d' eux.
Je vous suis... je l' éprouve, un dieu juste se venge.
Quels coups ! Quel châtiment !

Il se rejette aux pieds de la croix, et
retombe dans l' accablement.
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Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:13

ACTE 1 SCENE 2

Le père abbé, Comminge.
Le Père Abbé, descendant avec un grand
Recueillement, les bras croisés sur la
Poitrine, et allant à Comminge toujours
Aux pieds de la croix, et dans la même
Situation.

Frère Arsène ?
Comminge se relevant.
Qu' entends-je ?

Il apperçoit l' abbé et va, selon la coûtume,
se prosterner avec précipitation devant lui.

Mon père.

Le Père Abbé.
Levez-vous.

Il l' amène au devant du théâtre.

je viens ouvrir mon coeur,
À ces larmes qu' envain cache votre douleur.
De ces ennuis qu' enferme un obstiné silence,
Peut-être avec raison notre règle s' offense.
Je pourrois réclamer vos devoirs et mes droits,
De mon autorité faire entendre la voix ;
Mais j' écarte le chef, et sa rigueur sévère ;
Vous ne voyez ici que l' ami, que le père,
Que l' homme... qui saura sur vos maux s' attendrir,
Et sensible avec vous, et pleurer et gémir.
Rita-kazem
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Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:13

Il fait encore quelques pas.

Non, la religion n' est point impitoyable ;
C' est l' erreur qui la peint farouche, haissable ;
Toujours l' oreille ouverte aux cris du malheureux,
Elle est prête à verser ses secours généreux ;
Appui de tout mortel que l' infortune opprime,
Dans ce monde, séjour d' injustice et de crime,
Où sans cesse combat un génie inhumain,
Dans ce sentier de pleurs, c' est la première main
Qui soutienne nos pas, et qui sèche nos larmes.
Ô mon fils ! Dans mon sein déposez vos alarmes.
Cinq ans sont écoulés, depuis que vos destins,
Ou plutôt un dieu même... il traçoit les chemins,
Vous offrit comme un port cette enceinte sacrée
Que le ciel semble avoir du monde séparée ;
Où se trouvent ces biens, à la terre inconnus,
L' innocence de l' ame, et la paix des vertus ;
Vous n' en jouissez point ! Vos chagrins vous trahissent
Vous soupirez... vos yeux de larmes se remplissent !

Laissez-les donc couler dans mon coeur paternel ;
Ce fardeau partagé deviendra moins cruel.
Adoucissant pour vous des reglemens austères
Je vous compte parmi nos pieux solitaires,
Lorsqu' à peine je sais votre rang, votre nom.
Est-il quelques secrets pour la religion ?
Je vous l' ai déja dit : la piété sincère
À tous les malheureux ouvre le sanctuaire ;
L' humanité s' assied aux marches de l' autel.
Rita-kazem
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Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:13

Comminge.
Ah ! Mon père... j' y traîne un supplice éternel.

Le Père Abbé.
Quelque crime éclatant souilleroit votre vie ?
Aux yeux d' un dieu sauveur votre remord l' expie ;
Pour éteindre sa foudre une larme suffit.
S' il est des attentats que la terre punit,
Et qu' au glaive des loix sa justice abandonne
Mon frère, il n' en est point que le ciel ne pardonne.

Comminge.
Je n' ai point à rougir de ces forfaits honteux
Qui portent la bassesse, ou l' horreur avec eux ;
De semblables excès mon ame est incapable.
Je n' ai fait qu' une faute... elle est irréparable.
À de chères erreurs je me suis trop livré ;
D' un perfide poison je me suis enivré ;
Enfin ; quel mot m' échappe ! ... et que vais-je vous dire !
Dans quel lieu... de l' amour j' ai senti tout l' empire,
Et je le sens encore... il me brûle... à l' instant...
Où je veux l' étouffer dans ce coeur gémissant...
Oui, j' implore à genoux vos bontés paternelles.
Oui, je vais vous montrer mes blessures cruelles.
Vous lirez dans ce coeur... puissiez-vous le guérir.
Ou du moins le calmer... et m' aider à mourir.
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Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:14

Le Père Abbé l' embrassant.

Parlez, ô mon cher fils, votre ami vous embrasse,
Attendez tout de lui, du pouvoir de la grace,
De Dieu ; laisseroit-il son ouvrage imparfait ?
Sa main, de votre coeur arrachera ce trait.
Vos larmes éteindront cette funeste flamme.

Comminge avec attendrissement.

C' est donc à l' amitié que va s' ouvrir mon ame !
Dans ces murs pleins de vous, plein de la vérité,
S' il est encor permis à mon humilité
De se représenter le monde et ses chimères,
Son fugitif éclat, ses grandeurs mensongères,
D' en offrir à vos yeux le frivole tableau,
Sachez que son prestige entoura mon berceau.
La maison de Comminge où j' ai puisé la vie,
Arrête au trône seul sa tige enorgueillie.
Des songes de la terre avidement épris,
Mes ayeux de nos rois furent les favoris,
Prodiguèrent leur sang pour cette fausse gloire,
Qui suit l' horreur des camps, l' homicide victoire,
Meritèrent des cours ces dons empoisonneurs,
Que dans le siècle aveugle on nomme les honneurs.
Mon père le soutien, l' amour de sa famille,
De son frère avec moi voyoit croître la fille ;
Un sentiment secret se mêla dans nos jeux ;
Adélaïde enfin... eut bientôt tous mes voeux ;
Sa main avec son coeur m' alloit être donnée ;
Tout serroit les liens d' un heureux hymenée ;
L' autel nous attendoit... ou plutôt le tombeau.
Sur nos parens, la haine agite son flambeau !
L' intérêt, que l' enfer forma dans sa vengeance,
De deux frères, détruit et rompt l' intelligence.
Le sang oppose envain la force de ses noeuds.
Devenus l' un de l' autre ennemis furieux,
Nous immolant hélas ! à leur couroux barbare,
La main qui nous joignoit, cette main nous sépare.
Vainement nous tombons, nous pleurons à leurs pieds ;
Loin du sein paternel nous sommes renvoyés.
Mourant entre les bras de ma mère éperdue,
De tout ce que j' aimois, on m' interdit la vue.
Le hasard me remet des titres ignorés,
Qui nous donnant des biens et des droits assurés,
De mon père servoit la fortune, et la haine,
De son frère entraînoient la ruine certaine.
Je ne balance point. La générosité,
Que dis-je ? L' amour parle ; il est seul écouté.
Ces titres odieux que ma tendresse abhorre,
Je les anéantis ; la flamme les dévore.
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Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:14

Mon père en est instruit. Le fils est oublié,
À ses ressentimens je suis sacrifié.
Accablé des douleurs qu' éprouvoit une amante,
Malgré le désespoir de ma mère expirante,
Je me vois sans pitié, conduit dans une tour,
Où s' irritent les feux d' un indomptable amour.
On veut qu' un autre objet dispose de ma vie,
Qu' infidèle et parjure, un autre hymen me lie :
J' étois libre à ce prix. Je n' eus point à choisir,
Mon père inexorable acheva de s' aigrir ;
Il épuise sur moi les traits de sa colère,
Rend ma prison plus dure, empêche qu' une mère,
La mère la plus chère, et mon unique appui,
Vienne embrasser son fils, et pleurer avec lui.

Mes maux, d' Adélaïde affermissoient l' empire.
De ce séjour cruel enfin on me retire ;
Je vole dans les bras d' une mère... ses pleurs...
M' annoncent d' autres coups, et de nouveaux malheurs.
Vit-elle, m' écriai-je... et puis-je me promettre...
Ma mère, en frémissant, me remet une lettre...
Ah ! Mon père, quels traits ! Malgré la voix d'un dieu,
Qui veut que mes efforts fassent mourir ce feu,
Cette lettre, à la fois, et terrible, et touchante...
À mes yeux... à mon ame... elle est toujours présente.
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Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:15

Je lis... " quand cet écrit tombera dans vos mains,
Il ne sera plus tems de changer nos destins.
D' indissolubles noeuds me tiendront asservie...
La liberté, par d' indignes moyens,
À jamais vous étoit ravie.
Il falloit rompre vos liens ;
Il s' agissoit de vous, de votre vie ;
C' est vous nommer des jours bien plus chers que les miens.
J' ai donc brisé mon coeur, et j' ai trouvé des charmes
À m' imposer un joug... le plus affreux de tous...
Dont mon amant ne put être jaloux.
J' ai, pour me déchirer, uni toutes les armes ;
Je fais plus mille fois que d' expirer pour vous,
Car le trépas finiroit mes alarmes,
Le comte d' Ermansay... cher Comminge... quels coups!
Je vous trace ces mots dans des torrens de larmes,
Dès demain... devient mon époux...
Ajouterai-je hélas ! Que dans les bras d' un autre...
Qu' enfin à mes devoirs je prétends obéir...
Ne me revoir jamais... m' oublier... est le vôtre,
Et le mien... sera de mourir."
Rita-kazem
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Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:15

Le Père Abbé.
Quelle chaîne de maux ! Que la vie a d' orages !
Que ce monde est semé d' écueils et de naufrages !
Suprême providence, ô dieu ! Par quels chemins
Amenez-vous au port les malheureux humains !

Comminge.
Ce dieu me préparoit de nouvelles disgraces.
Les plus sombres fureurs s' attachent à mes traces ;
À l' amour, à la rage, au désespoir livré,
De tous les feux d' enfer embrasé, dévoré,
Plein du démon cruel qui me pousse et me guide,
J' accours, j' arrive aux bords qu' habite Adélaïde ;
Je la vois, à ses pieds je me jette, et soudain,
Lui présentant mon fer : " plongez-le dans mon sein,
Cruelle, c' est à vous de m' arracher la vie... "
D' Ermansay vient, sur moi s' élance avec furie ;
Un semblable transport tous deux nous animoit :
Une homicide soif tous deux nous enflammoit.
Son épouse s' écrie, et vole entre nos armes ;
Notre courroux s' allume à l' aspect de ses charmes,
Nous nous portons des coups, il fait couler mon sang,
Je m' irrite, le presse et lui perce le flanc :
Il tombe... Adélaïde... " eh ! C' est-là ton ouvrage !
Me dit-elle ? Vas, fuis... des sens je perds l'usage. "
On m' arrête sanglant, mourant, inanimé ;
Dans un cachot obscur je me trouve renfermé ;
J' attendois que la mort achevât mon supplice :
Je présentois ma tête au fer de la justice.
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Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:16

La nuit avoit rempli la moitié de son cours.
On ouvre ma prison : " accepte mon secours,
Viens, suis mes pas, me dit une voix inconnue,
Sors ; c' est par ton rival que ta chaîne est rompue. "
Un rival ! ... il a fui déjà loin de mes yeux.
Il manquoit le soupçon à mes maux odieux.
J' emporte dans mon sein cette noire furie
Le premier des tourmens, l' affreuse jalousie.

Le Père Abbé.
Par quels assauts divers l' homme est-il combattu !

Comminge.
J' apprends qu' à la lumière un barbare est rendu,
Qu' à des pleurs éternels sa femme est condamnée,
Aux marches du tombeau c' est moi qui l' ai traînée...
Privé d' un bien si cher, égaré, furieux,
Ne connoissant plus rien qui pût flatter mes voeux,
Que la triste douceur, dans le silence et l' ombre,
De porter, de nourrir la douleur la plus sombre :
Je renonce à l' espoir des richesses, des rangs ;
Je quitte mes amis, je quitte mes parens ;
J' abandonne... une mère... inconnu, loin du monde,
Je cours ensevelir ma tristesse profonde.
Il n' étoit point pour moi d' antre assez ténébreux,
Assez conforme au sort d' un mortel malheureux,
Où je pusse, à mon gré, farouche solitaire,
M' occuper, me remplir d' une image trop chère.
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Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:16

Je me rappelle enfin... par le ciel inspiré,
Qu' il est dans l' univers un séjour révéré,
Qu' habitent la terreur, la sombre pénitence,
Où dans l' austérité, le jeûne et le silence,
Sans cesse environné des horreurs du tombeau,
Chaque jour de la mort ramène le tableau ;
C' étoit-là mon asyle... aussitôt je m' écrie :
(mes pleurs ont expié ce sentiment impie : )
Oui, voilà le sépulchre où doivent s' engloutir
Mes larmes, mes ennuis, un fatal souvenir ;
Ma chère Adélaïde y recevra sans cesse,
Mon hommage secret, le voeu de ma tendresse :
Elle y sera le dieu dans mon coeur adoré...
J' étois à cet excès par le crime égaré.
Je viens donc en ces lieux. Cette ardeur... immortelle
Se cache à vos regards sous l' effet d' un saint zèle.
Je m' enchaîne à vos loix. J' appelle à mon secours
Cette fausse raison, phantôme de nos jours,
Cette philosophie impuissante et stérile,
Qui n' apporte à nos maux qu' un remède inutile ;
J' éprouve sa foiblesse ; et ses sophismes vains,
Bien loin de les calmer, irritent mes chagrins...
Vers la religion mes tristes yeux se lèvent,
Et ses rayons sereins dans mon ame se lèvent ;
Mon esprit éclairé l' embrasse avec transport :
Elle fait dans mon coeur descendre le remord,
L' amour d' un dieu clément, la crainte salutaire.
Elle m' a pénétré du repentir sincère...
Mais, mon père, ce coeur n' est point encor soumis ;
J' y sens se relever de puissans ennemis ;
J' y sens ressusciter une flamme coupable ;
Cet objet séducteur, ce tyran indomptable,
Me combat, me poursuit, s' attache à tous mes pas,
Jusques sur cette fosse, où j' attends le trépas.
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Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:17

Ses traits, ses traits toujours armés de nouveaux charmes
Emportent mes soupirs, se gravent dans mes larmes...
Je penche vers la terre... ô mon consolateur !
Daignez donc me prêter votre bras protecteur,
Daignez me secourir...

Le Père Abbé.
Ce n' est point moi, mon frère,
C' est Dieu qui domptera ce jaloux adversaire.
Il ne souffrira pas que, par lui défendu,
Sous le joug de la chair vous soyez abattu ;
Dans vos sens désolés il versera le calme.
C' est après des combats que l' on cueille la palme.
Elle attend vos efforts. Priez, pressez, pleurez ;
Obstinez-vous à vaincre, et vous triompherez.
L' aveu de vos erreurs et de votre foiblesse,
Vous rend encore plus cher, mon frère, à ma tendresse ;
Vous n' êtes pas le seul qui gémissiez ici.
Dans l' ombre, dans la mort toujours enseveli,
Le frère Euthime, hélas ! Offre le même trouble ;
Cette nuit de tristesse, et s' accroît, et redouble.
Aux pieds des saints autels on l' entend soupirer ;
Le tems de son épreuve étoit près d' expirer,
Nos mains lui préparoient notre chaîne sacrée ;
Il meurt, et de ses maux la cause est ignorée...
Souvent il suit vos pas...
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Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:17

Comminge.
En ce lieu plein d' effroi,

Je le vois s' attendrir... il gémit près de moi...
D' un grand chagrin son ame est sans doute frappée...
Ma fosse est quelquefois de ses larmes trempée...
Un mouvement secret me presse de savoir
D' où naissent ses ennuis, ce sombre désespoir...
Que d' un vif intérêt je ressens la puissance !
Mais... soumis à la loi je m' enchaîne au silence.

Le Père Abbé.
Il faut la respecter... cependant en ces lieux,
Un étranger... peut-être amené par les cieux,
Dieu nous cache son bras... avec ardeur demande
Qu' un de nous en secret, et le voie et l' entende.
Vous pouvez lui parler. Je vais à nos autels
Offrir pour vous mes voeux et mes pleurs paternels.

Comminge se prosterne.


ACTE 1 SCENE 3

Comminge seul.
Un étranger... le voir... quelle vue importune !
Hélas ! Si comme moi courbé sous l' infortune,
Ce mortel... en est-il, dans ce triste univers,
Qui ne se plaigne point, et qui n' ait ses revers ?
Si cet humain, du sort victime gémissante,
A besoin qu' une main tendre et compatissante
Répande dans son sein ces touchantes douceurs,
Dont la pitié soulage et charme les malheurs...
Rita-kazem
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Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:18

ACTE 1 SCENE 4

Comminge, le chevalier D' Orvigni.
Pendant que Comminge récite ces derniers vers, il
sort de l' aile droite du cloître, un étranger
conduit par un religieux qui, selon l' usage de la
trappe, lui fait des signes pour lui montrer
Comminge ; ce religieux le laisse au haut de
l' escalier, après s' être prosterné devant lui.
Comminge ne voit pas D' Orvigni qui descend,
qui porte ses regards par-tout, s' arrête de tems
en tems sur les degrés et paroît saisi d' une
espèce de terreur .

De semblables secours dépendent-ils d' Arsène ?
Et... pourrai-je adoucir ses ennuis et sa peine ?
Est-ce à moi d' appuyer, de consoler autrui,
Quand, sous l' accablement je succombe aujourd' hui ?

D' Orvigni, toujours sur les degrés, et
s' arrêtant par intervale en considérant ce souterrain .

Pour les profânes yeux, ciel ! Quel tableau terrible !
L' homme ici se détruit... et tente l' impossible...

Il lit tout haut ses derniers mots d' une des inscriptions.

Quels objets ! ... que la mort et que la vérité...
Effrayante leçon ! ... dans ce lieu redouté,
Impérieux effet d' un miracle suprême,
La nature s' élève au-dessus d' elle-même.

Il descend à ce dernier vers, s' avance sur le
théâtre, Comminge l' appercevant, court pour se
prosterner devant lui, D' Orvigni l' en empêche
avec vivacité, et lui-même s' incline.

Que faites-vous, mon père ? Arrêtez :c' est à nous
De nous humilier, de tomber devant vous...
Quel nouvel héroïsme ! ô sublimes spectacles !
Non... l' humaine vertu ne fait point ces miracles...
Rita-kazem
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François-Thomas-Marie De Baculard D'Arnaud Empty Re: François-Thomas-Marie De Baculard D'Arnaud

Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:18

Il avance sur le théâtre.

Depuis près de deux ans, dans un château voisin
Renfermant mes regrets, un malheureux destin ;
Là, j' espérois du tems et de la solitude,
Qu' ils pourroient adoucir ma triste inquiétude,
D' un trop fatal penchant qu' ils me rendroient vainqueur,
Que ma foible raison asserviroit mon coeur ;
Je me flattois envain. J' apportai de la ville
Le trait qui me poursuit, jusque dans cet asyle,
La retraite ne sert qu' à le plus enfoncer,
Et toujours plus cruel il revient me percer.
Je viens donc parmi vous, parmi des ames pures,
Chercher quelque remède à mes vives blessures,
Et contre les progrès d' un dangereux poison,
Implorer le secours de la religion.

Comminge, à ces derniers vers ayant observé
D' Orvigni avec une attention qui croît
toujours, dit à part :

C' est lui... c' est D' Orvigni... de cet époux perfide

s' adressant à lui avec transport

Le frère vertueux... que fait Adélaïde ? ...
Vit-elle ? ... songe-t-elle ? ... où m' égarai-je ? ...
cieux... !

D' Orvigni, à son tour examinant Comminge
dit vivement.

Vous connoissez... ses traits... le comte ! ...
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Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:19

Comminge.
Dans ces lieux
On depouille l' orgueil de la foiblesse humaine ;
Ces noms... vous ne voyez que l' humble frère Arsène,
Le dernier des mortels... et le plus malheureux.

D' Orvigni, toujours le regardant .

Je ne me trompe point... j' en dois croire mes yeux...
J' ai peine à revenir de ma surprise extrême...
Ici... sous cet habit... lui... Comminge ! ...

Comminge.
Lui-même ;
Lui, qui pour triompher d' un invincible amour,
Venant vivre et mourir dans cet obscur séjour,
Eût voulu se cacher à la nature entière ;
Lui, qui dans les remords, les larmes, la prière,
Brûle... plus que jamais de ce coupable feu ;
Lui, qui, dans cet instant, parjure envers son dieu...
Hâtez-vous, s' il se peut, d' ajouter à mes crimes ;
Réveillez, attisez des feux illégitimes ; ...
D' Adélaïde enfin osez m' entretenir...
Ah ! Plûtôt... de mon coeur cherchez à la bannir...
Non... ne m' en parlez point... je ne veux rien entendre...
Dites-moi... seulement... vous ne pourriez m' apprendre
Si ses jours moins troublés coulent dans le bonheur ? ...
Sans doute... elle jouit de son pouvoir vainqueur...
Tant d' attraits réunis... qu' elle a l' art de séduire...

D' Orvigni, vivement.

Eh ! Qui de sa beauté n' éprouveroit l' empire ? ...
Mais daignez m' informer par quel événement...

Comminge, rapidement.
A part.
Un autre a su lui plaire ? ... ô douleur !
ô tourment !

D' Orvigni.
Un autre... en est épris.
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Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:20

Comminge, à part .
Je me soutiens à peine,
Poursuis, ô ! Dieu vengeur, j' ai mérité ta haine :
Frappe... ! Qu' un coup de foudre achève mon destin.

D' Orvigni.
Oui, Comminge, un rival...

Comminge, avec fureur .
Et c' est là cette main
Dont le secours barbare empoisonnant ma vie,
M' a laissé les tourmens dont elle est poursuivie :
Oui, ce rival cruel... ne m' a tiré des fers,
Que pour fixer en moi tous les feux des enfers.

D' Orvigni.
Comminge... ce rival... vous allez le connoître ;
Vous lui rendrez justice, et le plaindrez peut-être,
Écoutez-moi. Mon frère au comble de ses voeux,
Peu fait pour posséder un bien si précieux
Venoit de recevoir la foi d' Adélaïde ;
Je la vois ; sa beauté sans orgueil et timide,
Sa tristesse touchante, et sa douce langueur,
Tout présente à mes yeux un objet enchanteur.
Des ennuis de l' amour mon ame pénétrée
À recevoir ses traits, étoit trop préparée.
Je n' osois m' avouer mes sentimens nouveaux ;
Je goutois ce plaisir à parler de mes maux ;
Adélaïde apprend, et plaint ma destinée.
J' avois vu s' allumer les flambeaux d' hymenée.
Les barbares auteurs de l' objet de mes feux
L' avoient, sourds à ses cris, enchaîné d' autres noeuds.
" à d' autres noeuds soumise ! Elle est donc bien à plaindre
S' écrie Adélaïde ! Eh ! Qu' il est dur de feindre,
De cacher ses combats, son infidélité !
Quel horrible tourment que la nécessité,
Dans les bras d' un époux, qu' on offense peut-être,
D' aller porter un coeur dont un autre est le maître ! ...
À ces mots, quelques pleurs qu' elle cachoit envain,
Pour l' embellir encor s' écoulent dans son sein.
Enfin... je m' apperçois qu' une flamme adultère
Me brûle... que j' aimois la femme de mon frère.
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Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:20

Vainement le devoir par la voix des remords
Tachoit de subjuguer d' incestueux transports.
Au château d' Ermansay la fureur vous amène.
Mon frère, qu' animoit une jalouse haine,
Veut vous donner la mort, tombe blessé par vous ;
On vous met dans les fers. Victime d' un époux,
Adélaïde, alors, les yeux noyés de larmes,
Et dans tout l' appareil du pouvoir de ses charmes,
Vole à moi... c' est à vous que j' ose avoir recours.
Du malheureux Comminge allez sauver les jours.
Je vous estime assez, pour vous montrer mon ame,
Sachez qu' en ce moment... c' est l' amour qui l' enflame.
Je ne vous cache point mon crime, mes malheurs,
Poursuit-elle, au milieu des sanglots et des pleurs,
Mais ma funeste erreur ne m' a point aveuglée,
Et c' est à la vertu que je l' ai révélée...
Qu' il soit libre, moublie... et me laisse gémir.
Mon devoir vous répond... que je saurai mourir.
Aussitôt j' interromps... vous serez obéie,
Madame... d' un rival je cours sauver la vie.
Faisant taire des sens la lâche trahison,
De l' homme en moi vainqueur, j' ouvre votre prison,
Vous en sortez, conduit par D' Orvigni lui même.
Ah ! Quel plaisir je goûte à cet effort suprême ;
Que la vertu nous touche, et qu' elle a de douceurs !
Je reviens. J' ai fermé la source de vos pleurs,
Madame... il est sauvé. Pour toute récompense,
C' est moi, qui vous demande un éternel silence.
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Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:21

J' ai pu vous offenser, mais un pur sentiment
Réparera l' audace et l' erreur d' un moment...
Souffrez que l' amitié nous unisse, et nous lie...
Je retombois toujours. Ma raison affoiblie
N' excitoit qu' à regret de pénibles combats
Qui lassoient mon courage, et ne me domptoient pas.
J' ai donc crû devoir fuir ; mais inutile fuite !
J' emportois mes tyrans dans mon ame séduite...
Il faut en triompher, et c' est de mon rival
Que j' attends le succès d' un combat inégal...
Que la religion, de mes sens souveraine,
Me console par lui, m' éclaire et me soutienne.

Comminge.
Généreux D' Orvigni... que m' avez-vous appris ?
Ah ! De tant de vertu vous me voyez surpris.
C' est moi, dont vous devez appuyer la foiblesse.
C' est à moi d' immoler... ma coupable tendresse.
Oui, la religion nous prête des secours ;
Mais, à la voix du ciel je résiste toujours.

Mon bras paroît s' armer contre le bras suprême,
Je le sais ; je l' offense ! Et trahis un dieu même,
Lorsque dans ce moment, d' Adélaïde enfin...
Je n' en parlerai plus... tout me perce le sein...
Tout blesse un coeur sensible, et fait saigner sa plaie...
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Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:21

ACTE 1 SCENE 5

Comminge, D' Orvigni, le frère Euthime.
ce dernier descend de l' escalier au côté gauche ;
il semble marcher avec peine ; il apperçoit
Comminge, lève ses deux mains vers le ciel,
les laisse retomber en les joignant, en met
ensuite une contre son coeur, s' arrête comme
accablé de douleur, continue à descendre et fait
quelques pas sur la scène. On remarquera
qu' on ne peut voir le visage de ce religieux,
il a la tête ensevelie dans son habillement.

Comminge, ne l' appercevant pas.
Il est dans cet asyle un mortel qui s' essaye
À porter le fardeau d' un joug trop rigoureux ;
Peut-être... comme nous, c' est quelque malheureux,
Qui, d' un fatal penchant, victime infortunée,
Vient cacher en ces murs sa triste destinée.
Je ne sais... ses soupirs, ses longs gémissemens
Excitent ma pitié... redoublent mes tourmens...
Il semble me chercher... et fuit pourtant ma vue,
Mon ame, en sa faveur, n' est pas moins prévenue.

Je voudrois m' éclairer sur ce sombre chagrin ;
Mais un desir pressant me sollicite envain,
Un silence éternel doit nous fermer la bouche,

il l' apperçoit.

Et jamais... le voici. Que son aspect me touche !
Devois-je être, ô mon dieu ! Frappé de nouveaux coups ?

Euthime traîne ses pas vers la fosse préparée à
Comminge.

D' Orvigni, jettant les yeux vers lui .
Où va-t-il?

Comminge.
Vers ma fosse.

D' Orvigni.
ô ciel ! Que dites-vous ?
C' est...
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Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:21

Comminge, en montrant sa fosse.

Oui ; voilà le terme où les malheurs finissent,
Où des songes trop vains, hélas ! S' évanouissent ;
C' est-là, qu' en peu de jours, peut-être en cet instant...
La vie est pour Comminge un fardeau si pésant,...
Je vais ensevelir vingt-six ans de misères...

Euthime considère la fosse de Comminge avec une
attention qui semble partir du coeur, il lève les
mains au ciel, les étend vers cette fosse, et les
rejoignant ensuite, tourne ses regards vers
Comminge.

Ainsi la loi l' ordonne à tous nos solitaires :
D' une main courageuse ils doivent se former

Avec attendrissement.

Cet asyle... où le coeur ne pourra plus aimer ;
Je prépare le mien... voici celui d' Euthime,

Il montre la fosse d' Euthime, qui est au côté
droit, au-devant du théâtre.

De cet infortuné... quel sentiment l' anime?

Comminge l' observe toujours, il le voit prenant
la pioche sur les bords de la fosse.

Pense-t-il m' épargner ces horribles travaux?

D' Orvigni, le regardant aussi .

Il ressent votre peine... il partage vos maux !

Comminge.
Cet instrument de mort... à ses efforts échappe! ...

Euthime a voulu plusieurs fois se servir de cet
instrument, autant de fois il lui est échappé
des mains.

Euthime l' a laissé tomber en poussant un
profond gémissement.

Ah !

Comminge.
Quel gémissement!

D' Orvigni, avec transport .
Que cet accent me frappe!
Ne pourriez-vous savoir ? ...
Rita-kazem
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Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:22

Comminge.
Euthime fait quelques pas au-devant de
Comminge.

Il vient !

Comminge va au-devant de lui, mais Euthime après
s' être tourné du côté de Comminge, jette un long
soupir, et se retire. Comminge lui dit, avec
douleur :
vous me quittez...
ah ! Je trahis mes voeux... le silence...

A D' Orvigni voulant, avec vivacité, suivre
Euthime.

restez?

Euthime monte lentement par le même escalier,
lorsqu' il est près de l' aile en face de cet
escalier, il se retourne encore pour regarder
Comminge, lève les mains au ciel, et sort.
Rita-kazem
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Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:22

ACTE 1 SCENE 6

Comminge, D' Orvigni.
Comminge, arrêtant toujours D' Orvigni qui
veut suivre Euthime .
Non, ne le suivez point... nos loix nous le défendent.

Il revient au fond du théâtre.

Et... que mes pleurs devant vous se répandent.
Toujours plus attendri pour cet infortuné,
À pénétrer son sort, toujours plus entraîné,
Un mouvement confus m' inquiète... m' agite...
Le malheur qui me suit, et s' accroît, et s' irrite.
D' Orvigni... laissez-moi... puis-je vous secourir ? ...
Je ne puis... que donner l' exemple de mourir.

D' Orvigni.
Connoissez D' Orvigni ; c' est peu qu' il se combatte,
Qu' il s' obstine à soumettre un penchant... qui le flatte;
À de plus grands efforts je saurai m' asservir ;
Malgré vous... malgré moi, je saurai vous servir.
Je dompte ma foiblesse, et l'honneur seul me guide.
Par un fidèle écrit je veux qu'Adélaïde
Sache...

Comminge, avec vivacité .

Que je me meurs...

D' Orvigni, aussi vivement .
Que vous l' aimez...
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