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le chevalier A. de Bertin:Les amours élégies

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Message par magda Mar 4 Mai - 22:55

Rappel du premier message :

en trois livres

par


LIVRE 1 ELEGIE 1


p3

Je chantais les combats : étranger au parnasse,
peut-être ma jeunesse excusait mon audace.
Sur deux lignes rangés, mes vers présomptueux
déployaient, en deux temps, six pieds majestueux.
De ces vers nombreux et sublimes
l' amour se riant à l' écart,
sur mon papier mit la main au hasard,
retrancha quelques pieds, brouilla toutes les rimes :

p4

de ce désordre heureux naquit un nouvel art.
" renonce, me dit-il, aux pénibles ouvrages ;
" cadence des mètres plus courts.
" jeune imprudent, fuis pour toujours
" cet Hélicon si fertile en orages.
" enfonce-toi sous ces ombrages ;
" prends ce luth paresseux, et chante les amours. "
comment voulez-vous que je chante
des plaisirs ou des maux que je ne connais pas ?

p5

Pour sujet de mes vers, nulle beauté touchante,
nulle vierge à mes voeux n' offre encor ses appas.
Je me plaignais : soudain, d' une main assurée,
l' amour sur son genou courbe son arc vainqueur,
choisit dans son carquois une flèche dorée,
l' ajuste, et, me perçant de sa pointe acérée,
" tu peux chanter, dit-il ; l' ouvrage est dans ton
coeur. "
je cède, enfant terrible, à votre ordre suprême.
Hélas ! D' un feu brûlant je me sens consumer.
Mais de rigueurs n' allez point vous armer.
Faites que dès ce soir on m' aime ;
ou, si c' est trop, du moins que l' on se laisse aimer.
magda
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Message par magda Mar 4 Mai - 23:19

LIVRE 2 ELEGIE 9


p83

à m le chevalier de P.
Je perds la moitié de moi-même,
et tu me défends de pleurer !
Ami, qui pourrait endurer
mon infortune et ma douleur extrême ?
Un autre, ô ciel ! De plaisir éperdu,
contre son coeur pressera l' infidèle !
Un autre dormira près d' elle,
jusqu' au milieu du jour, à ma place étendu !
Et moi, pour prix de mes ardeurs sincères,

p85

trahi, quitté dans l' âge des amours,
hélas ! Je verrai pour toujours,
comme des ombres mensongères,
s' évanouir mes heures les plus chères,
les plaisirs séduisans, les voluptés légères,
sans verser des larmes amères,
et sans tourner les yeux vers mes premiers beaux
jours !
Non ; de ce courage suprême
mon coeur est bien loin de s' armer.
Quiconque, en perdant ce qu' il aime,
peut se résoudre à vivre, est indigne d' aimer.
Ne me reproche plus ma honteuse faiblesse :
Tibulle a tant pleuré sa chère Nééra !
Nous savons tous par coeur ces vers pleins de
mollesse,
que loin de ses amours Pétrarque soupira.
Toi-même enfin, quand ta belle maîtresse,
celle que tu chéris cent fois plus que tes yeux,
premier objet de ta vive tendresse,

p86

t' exila sans pitié de son lit amoureux,
souillé d' une indigne poussière,
tremblant, égaré, furieux,
de tes deux mains arrachant tes cheveux,
je t' ai vu dans mes bras abhorrer la lumière,
et te plaindre à la fois des mortels et des dieux.
Eh ! Qui dans l' univers ignore tes alarmes ?
Quel coeur à tes chagrins n' a point donné de larmes ?
Du Pinde et de Paphos tous les antres émus
ont retenti cent fois du nom d' éléonore :
dans les vallons d' Hybla, sur le sommet d' Hémus,
les rochers attendris le répètent encore.

magda

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Message par magda Mar 4 Mai - 23:19

LIVRE 2 ELEGIE 10


p87

à Eucharis.
Le ciel, hélas ! Veut venger mes injures ;
le ciel punit ton infidélité :
tu perds déjà ta fraîcheur, ta beauté,
ton doux éclat, et ces cheveux parjures
dont l' or superbe enivrait ta fierté.
Combien de fois je t' avais prévenue :
" mon Eucharis, fuis les jeunes amans ;
" sois dans tes moeurs discrète, retenue ;
" ne perds jamais ta pudeur ingénue,
" et garde-toi d' oublier tes sermens !
" il est des dieux : si tu trahis ma flamme,
" à leurs regards ne crois pas échapper ;
" il est des dieux qu' on ne saurait tromper.

p88

" tremble, Eucharis ! Ils lisent dans ton âme,
" et puniront d' un éternel regret
" le seul transport d' un désir indiscret. "
je te l' ai dit ; et je me souviens même
qu' en le disant, les yeux de pleurs noyés,
je te serrais, dans mon désordre extrême,
les deux genoux, et baisais tes deux pieds.
Alors, alors tu jurais, ô ma vie !
Que nul amant ne tenterait ta foi ;
et qu' à moi seul ta jeunesse asservie
refuserait même le coeur d' un roi,
quand son amour, aux deux bords de la Loire,
de vingt châteaux doterait tes appas ;
quand, te couvrant des rayons de sa gloire,
du lit au trône il conduirait tes pas.
Avec ces mots, dans la nuit la plus noire,
ton art divin me ferait voir les cieux.

p89

Bien plus : des pleurs, s' échappant de tes yeux,
mouillaient ta joue et parcouraient tes charmes.
Que je rougis de ma simplicité !
Oui, tu pleurais ; et moi, tout agité,
contre moi-même en secret irrité,
je m' en voulais de causer tes alarmes ;
crédule, hélas ! Et j' essuyais tes larmes.
C' en est donc fait : ta main brise nos fers.
En me quittant tu ris encor, traîtresse !
Songe du moins aux maux que j' ai soufferts
pour retenir ta volage tendresse.
Tu le sais bien : ton esclave amoureux
n' a redouté ni les vents, ni la pluie,
ni le soleil, ni le froid rigoureux,
ni les torrens roulant des rocs affreux,
ni Jupiter sous un ciel en furie.
Et qui, dis-moi, célébra ta beauté ?

p90

Paris encore est plein de mon délire :
sept ans entiers j' ai chanté sur ma lyre
et ta constance et ma félicité.
En te voyant, si la foule soupire,
si tous les coeurs te décernent l' empire
des déités, reines de l' univers,
ingrate, hélas ! Tu le dois à mes vers.
Oui, je voudrais dans la flamme rapide
anéantir ces vers adulateurs ;
oui, je voudrais que l' océan avide
eût englouti mes écrits imposteurs.
On connaîtra malgré moi l' infidèle :
vainqueur du temps, son nom vivra toujours,
on oubliera qu' elle a troublé mes jours,
et les amans ne parleront que d' elle.
magda
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Message par magda Mar 4 Mai - 23:20

LIVRE 2 ELEGIE 11


p91

Les voyages.
à Messieurs De P.
J' ai souvent essayé de noyer dans le vin
ma peine et mes tristes alarmes :
ô Bacchus ! Ton nectar divin
s' aigrissait sur mon coeur, et se tournait en larmes.
J' ai souvent essayé, dans la longueur des nuits,
d' accorder sous mes doigts la lyre de Chapelle :
les vers n' ont pu distraire mes ennuis,
et malgré moi je chantais l' infidèle.
Enfin (je l' avouerai) dans mes bras amoureux
j' ai tenu quelquefois une autre enchanteresse ;

p92

mais tout d' un coup, au fort de mon ivresse,
quand je touchais au moment d' être heureux,
le souvenir de ma maîtresse
venait saisir mon coeur et glacer ma tendresse,
et je sentais expirer tous mes feux.
Que n' ai-je point tenté ? Dieux ! Qu' il est difficile
d' abjurer promptement de si longues amours !
Tant que le même mur nous servira d' asile,
tant que le même ciel éclairera nos jours,
hélas ! Je le sens bien, je l' aimerai toujours.
Si vous voulez que je l' oublie,
ô mes amis, partons ; ôtez-moi de ses yeux ;
pour de lointains climats abandonnons ces lieux ;
courons interroger les champs de l' Italie,
et lui redemander ses héros et ses dieux ;
fuyons. Adieu, remparts, superbe promenade,
dont les ormes touffus environnent Paris ;
adieu, bronze adoré du plus grand des Henris ;
adieu, louvre immortel, pompeuse colonnade ;
adieu surtout, adieu, trop ingrate Eucharis !
Je le verrai ce beau ciel de Provence,
ces vallons odorans tout peuplés d' orangers,
où l' on dit qu' autrefois des poëtes bergers,

p93

les premiers dans leurs vers marquèrent la cadence.
Je verrai ce paisible port,
et les antiques tours de la riche Marseilles.
Nos vaisseaux sont-ils prêts ? Poussez-nous loin du
bord.
Compagnons, courbez-vous sur des rames pareilles ;
fendez légèrement le dos des flots amers ;
abandonnez la voile au souffle qui l' entraîne.
Le zéphyr règne dans les airs ;
et, mollement porté sur la mer de Tyrrhène,
je découvre déjà la ville des Césars,
Rome, en guerriers fameux autrefois si féconde,
Rome, encore aujourd' hui l' empire des beaux-arts,
l' oracle de vingt rois et le temple du monde.

p94

Voilà donc les foyers des fils de Scipion,
et des fiers descendans du demi-dieu du Tibre !
Voilà ce Capitole, et ce beau panthéon,
où semble encore errer l' ombre d' un peuple libre !
Oh ! Qui me nommera tous ces marbres épars,
et ces grands monumens dont mon âme est frappée ?
Montons au vatican ; courons au champ-de-mars,
au portique d' Auguste, à celui de Pompée.
Sont-ce là les jardins où Catulle autrefois
se promenait le soir à côté d' Hypsithille ?
Citoyens (s' il en est que réveille ma voix),
montrez-moi la maison d' Horace et de Virgile.
Avec quel doux saisissement,
ton livre en main, voluptueux Horace,
je parcourrai ces bois et ce coteau charmant
que ta muse a décrits dans des vers pleins de grâce,
de ton goût délicat éternel monument !

p95

J' irai dans tes champs de Sabine,
sous l' abri frais de ces longs peupliers
qui couvrent encor la ruine
de tes modestes bains, de tes humbles celliers ;
j' irai chercher d' un oeil avide
de leurs débris sacrés un reste enseveli,
et, dans ce désert embelli
par l' Anio grondant dans sa chute rapide,
respirer la poussière humide

p96

des cascades de Tivoli.
Puissé-je hélas ! Au doux bruit de leur onde
finir mes jours, ainsi que mes revers !
Ce petit coin de l' univers
rit plus à mes regards que le reste du monde.
L' olive, le citron, la noix chère à Palès,
y rompent de leur poids les branches gémissantes ;
et sur le mont voisin les grappes mûrissantes
ne portent point envie aux raisins de Calès.
Là, le printemps est long, et l' hiver sans
froidure ;
là, croissent des gazons d' éternelle verdure ;

p97

là, peut-être, l' étude, et l' absence et le temps
pourront bannir de ma mémoire
un amour insensé qui ternit trop ma gloire,
et dont le vain délire abrégea mes instans.
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Message par magda Mar 4 Mai - 23:20

LIVRE 2 ELEGIE 12


p98

Oui, c' en est fait : je demeure en ces lieux ;
je borne ici ma course vagabonde.
De ces longs pins le deuil religieux
convient hélas ! à ma douleur profonde.
Tranquille, au loin, je n' entends sous les cieux
que le bruit sourd de l' océan qui gronde.
Je puis donc seul verser enfin des pleurs,
et dans les airs exhaler mon martyre ;
si quelque nymphe, apprenant mes malheurs,
aux rocs émus ne court point les redire.
Je puis donc seul de lamentables cris
lasser en paix ces vastes solitudes.
D' où reprendrai-je, inhumaine Eucharis,

p99

tes désirs vains, tes injustes mépris,
et tes noirceurs et tes ingratitudes ?
Ils sont passés ces jours délicieux,
où, tout rempli de ma première ivresse,
sans nul soupçon, sans reproche odieux,
sûr d' être aimé de ma belle maîtresse,
par mon bonheur je surpassais les dieux.
Depuis long-temps sa fatale colère
d' ennuis amers a trop su me nourrir.
Je perds son coeur ; je cesse de lui plaire :
de ma douleur je n' ai plus qu' à mourir.
Oui, j' en mourrai : voilà mon espérance.
Je vois déjà mon étoile pâlir ;
lassé du jour, lassé de ma souffrance,
dans le Cocyte, avec indifférence,
comme un torrent, je cours m' ensevelir.
Approchez-vous pour fermer ma paupière,
approchez-vous, peuple cher à Vénus.
Votre ami touche à son heure dernière :

p100

bientôt, hélas ! Mysis ne sera plus.
Oh ! Qui pourra me voir ainsi descendre
dans le cercueil, à la fleur de mes jours ?
Qui ne voudra toucher au moins la cendre
du paresseux, qui chanta les amours ?
Là, je le sais, nul orateur célèbre
n' étalera d' éloquentes douleurs :
mais sur ma tombe on sèmera des fleurs ;
mais nul amant de la pompe funèbre
ne reviendra sans répandre des pleurs.
à la pitié, toi seule inaccessible,
toi seule, ingrate et coupable beauté,
contempleras d' un oeil sec et paisible
la place encore où ce coeur trop sensible
déplorera ton infidélité.
ô mes amis, pour consoler mon ombre,
transportez-moi sous les rians berceaux
de feuillancour, dans ce bois frais et sombre
entrecoupé de mobiles ruisseaux ;

p101

dans ce Tibur solitaire et champêtre
aux jeux, aux ris, aux plaisirs consacré ;
dans ce vallon tant de fois célébré,
où maintenant vous m' appelez peut-être.
Là, mes amis, au pied d' un jeune hêtre,
d' une onde pure en tout temps abreuvé,
que mon tombeau soit sans pompe élevé ;
et que vos mains y prennent soin d' écrire
ces vers, qu' un jour, du haut du grand chemin,
le voyageur qui monte à saint-Germain,
tout en courant s' empressera de lire :
" ci-gît, hélas ! Un amant trop épris
" des doux attraits d' une beauté cruelle ;
" tout son destin fut d' aimer Eucharis,
" et de mourir abandonné par elle. "
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Message par magda Mar 4 Mai - 23:21

LIVRE 2 ELEGIE 13


p102

brisons cette lyre inutile :
Eucharis n' entend plus mes airs.
Quittons les bois de Lucrétile
et l' empire du dieu des vers.
Cherchez désormais qui vous chante,
ô mère des tendres amours !
Je perds l' illusion touchante
qui seule embellissait mes jours.
Doux plaisirs, voluptés légères,
et vous, maîtresses mensongères,
je vous dis adieu pour toujours.
Mon vaisseau, battu par l' orage,
a fui sous les flots écumans.
Par le péril rendu plus sage,
j' abjure mes égaremens :
je gagne le port à la nage,
et sur le sable du rivage

p105

je dépose mes vêtemens,
pour instruire de mon naufrage
le peuple insensé des amans.
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Message par magda Mar 4 Mai - 23:21

LIVRE 3 ELEGIE 1

à ma muse.
Amour le veut, retournons à Cythère.
Muse, renonce à tes sages loisirs.
Ce dur enfant sur mon luth tributaire
m' ordonne encor de vanter ses plaisirs.
N' irritons pas son humeur volontaire ;
obéissons, quels que soient ses projets.
Ma muse, un jour, tranquille et solitaire,
tu traiteras de plus nobles sujets ;
tu chanteras nos forces renaissantes,
d' un règne heureux monumens immortels,
nos bords couverts d' enseignes menaçantes,
sous nos vaisseaux les deux mers blanchissantes,
et l' Amérique embrassant nos autels ;

p106

tu nous peindras de son triple tonnerre
Louis armé pour maintenir ses droits,
donnant la paix au reste de la terre,
humiliant la superbe Angleterre,
et de son joug affranchissant vingt rois.
Dis maintenant les faveurs des bergères,
et les larcins des fortunés amans,
leurs démêlés, leurs fureurs passagères,
et leurs transports, et même leurs tourmens.
Je reprendrai les molles élégies.
Courez, mes vers, sur des pieds inégaux,
et ramenez au milieu des orgies
tous les amours en triomphe à Paphos.
Applaudissez, ô nymphes du permesse !
Tressez des fleurs pour votre nourrisson.

p107

Entourez-moi, tendre et belle jeunesse :
je tiens pour vous école de sagesse ;
écoutez bien ma dernière leçon.
Heureux, cent fois heureux, l' objet aimable
dont le doux nom couronnera mes vers !
Mes vers seront un monument durable
de sa beauté qu' encensa l' univers.
Thèbes n' est plus : tout ce vaste rivage
n' est qu' un amas de tombeaux éclatans ;
Sparte, Ilion, Babylone et Carthage
ont disparu sous les efforts du temps ;
le temps, un jour, détruira nos murailles,

p108

et ces jardins par la Seine embellis ;
le temps, un jour, aux plaines de Versailles,
sous la charrue écrasera les lis.
Ne craignez rien de sa rigueur extrême,
ô charme heureux de mes derniers beaux jours !
Regardez-vous, et songez qui vous aime :
du ciel le temps a chassé les dieux même ;
ils sont tombés : mais vous vivrez toujours.
magda
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Message par magda Mar 4 Mai - 23:21

LIVRE 3 ELEGIE 2


p109

à Catilie.
Va, ne crains pas que je l' oublie,
ce jour, ce fortuné moment,
où, pleins d' amour et de folie,
tous les deux, sans savoir comment,
dans un rapide emportement,
nous fîmes le tendre serment
de nous aimer toute la vie.
Tu n' avais pas encor seize ans ;
les jeux seuls occupaient ta naïve ignorance ;
tes plaisirs étaient purs, et tes goûts innocens ;
l' oeil baissé, tu voyais avec indifférence
s' arrondir de ton sein les trésors ravissans.
De ces dons précieux je t' enseignai l' usage ;
je sentis sous mes doigts le marbre s' animer ;
la pudeur colora les lis de ton visage ;
ton tendre coeur s' ouvrit au doux besoin d' aimer.

p110

Te souvient-il de ces belles soirées,
où dans le bois touffu nous respirions le frais ?
Entre ta soeur et ta mère égarées,
mes mains savaient toujours rencontrer tes attraits ;
de mon bras gauche étendu par derrière,
je te serrais mollement sur mon coeur ;
à leurs côtés je baisais ta paupière,
et ce péril augmentait mon bonheur.
Enfin je l' ai cueilli ce prix de ma tendresse,
que tes cris refusaient à mon juste désir ;
tu sais avec combien d' adresse,
malgré toi, par degrés, il fallut le saisir.
Tu frémis de douleur, tu répandis des larmes ;
mais un dieu qui survint dissipa tes alarmes,
et le plaisir guérit l' ouvrage du plaisir.
Prémices de l' amour, délicieuse ivresse,
ah ! Que ne durez-vous toujours !
Plaisirs, dont l' enfance intéresse,
ne fuyez pas si vite ; arrêtez : qui vous presse ?
Votre aurore vaut seule un siècle de beaux jours.
Eh ! Qui peut remplacer l' erreur enchanteresse
où s' abandonne alors un amant éperdu ?

p111

Le breuvage divin qu' a goûté sa maîtresse,
le fruit que sa bouche a mordu,
son baiser du matin, sa première caresse,
l' attente d' un bonheur mille fois suspendu,
et ce mot si touchant, ce seul mot, je vous aime,
est peut-être aussi doux que la volupté même.
ô ma divinité suprême,
prolongeons, s' il se peut, des momens aussi courts.
Laissons là la vieillesse et tous ses vains discours.
Je foule aux pieds ces biens que le vulgaire envie ;
dans tes bras amoureux j' achèverais ma vie
loin du bruit des cités et du faste des cours.
Transportez-moi sous le pôle du monde,
dans ces déserts glacés, où, tout couvert de peaux,
seul, errant tristement dans une nuit profonde,
le lapon, emporté sur de légers traîneaux,
promène incessamment sa hutte vagabonde ;
transportez-moi sous l' ardent équateur,

p113

dans les sables mouvans de l' inculte Libye :
oui, j' aimerai toujours les yeux de Catilie ;
oui, j' aimerai toujours son sourire enchanteur.
magda
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Message par magda Mar 4 Mai - 23:22

LIVRE 3 ELEGIE 3

à la même.
Songes-y bien, ma bergère :
une heure après le lever
de l' étoile de ta mère,
dans ton réduit solitaire,
ce soir j' irai te trouver.
La nuit, de crêpes couverte,
protègera nos plaisirs.
Laisse ta porte entr' ouverte
au tendre essaim des désirs.
écarte de mon passage
tout fer ou marbre inhumain ;
et, d' un pied discret et sage
interrogeant le chemin,
si mon doux péril te touche,

p114

fais qu' au signal de ma bouche
je rencontre encor ta main
pour me guider vers ta couche.
Ciel ! Que ce temps si léger
paraît long, quand on espère !
Le soleil sous l' hémisphère
ne veut donc pas se plonger ?
Accourez, humides heures
qui présidez à la nuit :
répandez sur nos demeures
ce calme heureux qui vous suit.
ô fleurs, pressez-vous d' éclore
pour mes desseins les plus doux ;
et toi, sommeil que j' implore,
jusqu' au retour de l' aurore
assoupis l' oeil des jaloux.
magda
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Message par magda Mar 4 Mai - 23:22

LIVRE 3 ELEGIE 4


p115

La veillée.
J' avais signalé ma tendresse ;
l' amour applaudissait ; j' étais égal aux dieux.
Accablé de langueurs, de fatigue et d' ivresse,
entre les bras de ma maîtresse
le doux sommeil avait fermé mes yeux.
Elle, qui n' est plus écolière
dans l' art qu' elle a, sous moi, naguère commencé,
de sa bouche amoureuse entr' ouvrit ma paupière,
et, d' un son de voix doux à l' oreille adressé,
" tu dors, paresseux ! Me dit-elle.
" regarde : il n' est pas encor jour.
" tu dors, à l' heure la plus belle
" que le cercle des nuits ramène pour l' amour !
" laissons, laissons la diligente aurore
" s' arracher, sans pitié, du lit de son amant ;
" jouissons, nous mortels ; profitons du moment :

p117

" qui sait hélas ! Demain si nous serons encore ?
" viens, je brûle ; écartons ces voiles indiscrets.
" prends-moi ; contre ton sein que je meure enchaînée !
" recommençons nos jeux ; invoquons Dionée.
" veillons. Tu dormiras après,
" si tu veux, toute la journée. "
magda
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Message par magda Mar 4 Mai - 23:22

LIVRE 3 ELEGIE 5

la moisson.
Ma maîtresse retourne à sa maison des champs.
Quel coeur barbare et dur peut rester à la ville ?
Fuyons ; dérobons-nous à sa pompe servile,
à ses frivolités, à ses discours méchans.
Loin des remparts poudreux qu' arrose en vain la
Seine,
courons des fruits vermeils admirer les couleurs,
et, sous le frais abri des forêts de Vincenne,
du lion dévorant éviter les chaleurs.
Viens, l' autel est paré ; viens, la victime est
prête ;
descends du haut des cieux, bienfaisante Cérès ;
prends ta faucille en main, et couronne ta tête

p118

de bluets et d' épis, trésors de tes guérets.
ô mes lares, ce jour doit être un jour de fête ;
des plus rians festons j' ornerai vos portraits.
écartez loin de nous et la pluie et l' orage ;
d' un jour tranquille et pur éclairez nos moissons.
Voyez-vous ces vieillards, ces filles, ces garçons,
tout un peuple courbé qui s' empresse à l' ouvrage,
et détonne gaiement de rustiques chansons ?
Ils vont de rang en rang : sous leur main diligente
déjà ces longs tuyaux, d' énormes grains chargés,
tombent sur les sillons, en faisceaux partagés.
Le van chasse dans l' air une paille indigente ;
la terre au loin gémit sous l' effort des batteurs.
Vers le soir, au château la troupe cantonnée

p119

se délasse en riant du poids de la journée,
et le plaisir succède à ces soins enchanteurs.
Amis, qu' attendez-vous ? Mêlons-nous à la danse
de ces pâtres joyeux, folâtrant sous l' ormeau :
le flageolet aigu marque assez la cadence ;
conduisons tour-à-tour les belles du hameau.
Qu' on tire cent flacons de la glace pilée ;
versez-moi d' un vin frais qui ternit le cristal :
je ne rougirai point, ce soir, dans la vallée
de vous suivre en tremblant et d' un pas inégal :
tout sied à ce beau jour. Buvons à Catilie ;
buvons à Nivernais ; buvons à Maillebois.
Et vous, soutien du trône, espoir de la patrie,
mon protecteur, mon maître, auguste fils des rois,
encouragez ma muse, et soutenez ma voix.
Je chante les jardins, et le dieu des campagnes,
pan, qui jadis enfla des roseaux sous ses doigts,

p120

et, modulant des airs au penchant des montagnes,
rassembla les mortels dispersés dans les bois.
C' est lui qui, le premier, au gland tombé des chênes
fit succéder l' olive et les dons des vergers.
La feuille alors couvrit l' asile des bergers,
et le sol altéré but les sources prochaines.
Alors on maria la vigne au peuplier ;
sous les pressoirs rougis des flots de vin
coulèrent ;
le taureau sous le joug apprit à se plier,
et sur un double essieu les chars pesans roulèrent.
Qui n' aimerait les champs ? Aux champs règne la
paix ;
on y trouve un ciel pur, des ombrages épais ;
de moissons dans l' été, de fruits mûrs dans
l' automne,
de bouquets au printemps l' humble pré se couronne.

p121

Les vrais plaisirs aux champs ont fixé leur séjour :
on y craint plus les dieux ; on y fait mieux l' amour.
L' amour même, entouré de coursiers indociles,
de troupeaux mugissans, dans un bocage est né.
De myrte et de jasmin son berceau fut orné.
Le pressant dans leurs bras, les nymphes trop faciles
n' osaient point corriger un enfant obstiné,
qui déjà nuit et jour s' abreuvait de ses larmes.
C' est là qu' en grandissant il essaya ses armes.
Ses premiers traits, dit-on, se perdaient au
hasard ;
son arc et son carquois accablaient sa faiblesse.
Ciel, qu' amour a depuis profité dans cet art !
Je l' ai bien éprouvé. Malheur à ceux qu' il blesse !
Malheur même aux amans qu' il daignerait flatter !

p122

C' est quand l' amour sourit qu' il est à redouter.
N' importe ! Saisissons ses faveurs passagères ;
hâtons-nous de jouir ; caressons nos bergères ;
livrons-nous à leur foi, mais sans trop y compter.
magda
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Message par magda Mar 4 Mai - 23:23

LIVRE 3 ELEGIE 6


p123

Les baisers.
Dieux ! Que ta bouche est parfumée !
Donne-moi donc vite un baiser.
Encore un, ô ma bien-aimée !
De quel feu dévorant je me sens embraser ! -
prends ! Sois heureux : en voilà vingt, Bathyle ;
en voilà trente ; en voilà cent en sus.
Est-ce assez ? -non. -je t' en donne encor mille.
Es-tu content ? -las ! Je brûle encor plus ! -
et combien donc, ingrat, pour apaiser ta flamme
te faut-il aujourd' hui de baisers amoureux ?
Autant (répondis-je), ô mon âme !
Que septembre mûrit, sur les coteaux pierreux
de Pomar ou d' Arbois de raisins savoureux ;
autant qu' on voit d' épis jaunissans dans la plaine,
ou de grains entassés dans le sable des mers ;
autant qu' on voit briller dans une nuit sereine

p125

d' étoiles, de soleils, et de mondes divers.
Quand tu m' en donnerais dès la naissante aurore,
quand tu m' en donnerais jusqu' au déclin du jour,
plus altéré, le soir, le soir, mourant d' amour,
je t' en demanderais encore.
magda
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Message par magda Mar 4 Mai - 23:23

LIVRE 3 ELEGIE 7

à Catilie.
Quand ton ami se désespère,
ingrate, au lit oiseux qui peut te retenir ?
Il est minuit : tout dort ; je n' entends plus ta
mère ;
tous les feux sont éteints : qu' attends-tu pour
venir ?
Sous tes doigts ma porte docile
est prête à s' ouvrir mollement ;
j' ai pris soin d' affranchir ce loquet difficile
que ton amour déteste, et qui fait mon tourment.
Est-ce ainsi qu' on tient sa promesse ?
Est-ce ainsi qu' on abuse un malheureux amant ?
Perfide ! Hélas ! En ce moment,
tranquille au sein de la mollesse,
tu dors peut-être impunément :

p126

et moi, je veille ! Et moi, je sèche dans l' attente !
Inquiet, agité, consumé de désirs,
je me roule aux deux bords de ma couche brûlante,
et poursuis tristement l' image des plaisirs.
Quelquefois ma tendresse active
s' imagine te voir au milieu de la nuit,
suspendant sur l' orteil une jambe craintive,
tes deux mains en avant, chercher le mur qui fuit :
j' écoute alors, j' écoute ; et, si le moindre bruit
frappe mon oreille attentive,
je crois sous tes pieds délicats

p127

entendre à mon côté le parquet qui résonne.
Soudain mon coeur palpite, et tout mon corps
frissonne ;
crédule, je m' élance, en étendant les bras ;
je te cherche dans l' ombre, et te nomme tout bas.
Vaines illusions ! Déjà la nuit s' avance,
et l' astre du matin blanchit l' azur des cieux.
C' en est fait : le jour croît ; je n' ai plus
d' espérance ;
les esclaves en foule ont inondé ces lieux.
Et tu ne crains pas ma vengeance ?
Que diras-tu pour ta défense
demain, en t' offrant à mes yeux ?
Est-ce ainsi (réponds-moi), beauté vaine et frivole,
qu' on outrage l' amour, qu' on insulte à Cypris ?
De ce temps hélas ! Qui s' envole,
un jour tu connaîtras le prix.
Lorsque le printemps passe, et qu' on n' est plus jolie,
que de regrets cuisans, de repentirs amers !
Combien tu pleureras ton orgueil, ta folie !

p128

Que tu voudras, ô Catilie !
Racheter chèrement cette nuit que tu perds !
magda
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Message par magda Mar 4 Mai - 23:24

LIVRE 3 ELEGIE 8


p129

à la même.
Me voici dans le froid séjour
de l' artifice et de la haine,
occupé de mon seul amour,
et sur le papier, nuit et jour,
tristement déposant ma peine.
Depuis nos funestes adieux
j' ai vu quarante jours éclore :
combien s' écouleront encore
avant qu' on te rende à mes yeux !
Tu me demandes, à toute heure,
ce que fait ton fidèle amant ?

p130

Tu le devines aisément.
Il soupire, il gémit, il pleure,
il te rappelle incessamment.
Unique objet de mon hommage,
de mon encens et de mes voeux,
cent fois j' adore ton image,
cent fois je baise tes cheveux ;
et, dans ce palais fastueux,
tandis que la foule importune
fatigue l' aveugle fortune
de mille cris ambitieux,
moi, sans désir et sans envie,
libre de soins, content des cieux,
et presque étranger dans ces lieux,
hélas ! Je ne demande aux dieux
que d' être aimé de Catilie.
Mais toi, comptes-tu les momens
que je traîne dans les alarmes ?
As-tu ressenti mes tourmens ?
Et, loin de moi, tes yeux charmans
ont-ils répandu quelques larmes ?
L' air triste, et les regards baissés,
vas-tu, rêveuse et solitaire,

p131

sous ces tilleuls entrelacés,
dont l' ombre invite au doux mystère,
ou dans ce bois dépositaire
de nos plaisirs trop tôt passés,
loin d' une mère vigilante
relire encore mes écrits,
et sur la poussière inconstante
tracer le nom que tu chéris ?
Oh ! De mon pénible esclavage
quand pourrai-je à la fin sortir ?
Quand verrai-je le doux rivage
où, dans la fleur du plus bel âge,
j' ai reçu ton premier soupir ?
Qu' il est cruel dans sa folie
l' amant de faveurs enivré,
qui, libre de passer sa vie
aux pieds d' un objet adoré,
trop épris de l' éclat frivole
des biens, des honneurs et des rangs,
court, sous des lambris transparens
où resplendit l' or du Pactole,
du vulgaire encenser l' idole
et ramper à la cour des grands !
magda
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Message par magda Mar 4 Mai - 23:24

LIVRE 3 ELEGIE 9


p132

à l' amour.
Si j' ai su quelquefois dans mes vers séducteurs
instruire à tes larcins la timide ignorance ;
si j' ai chanté la crainte et la douce espérance,
tes combats, tes plaisirs, et tes soins enchanteurs ;
si dans tes jours sacrés, aux autels de ta mère
j' ai porté, jeune encor, mon encens et mes voeux,
et couronné tes beaux cheveux
de la guirlande qui t' est chère :
amour, saisis ton arc, à tes pieds détendu ;
descends du mont éryx ; abandonne Cythère ;
viens, vole : je t' attends. Va dire à ma bergère
que ce jour doit me rendre à son coeur éperdu.
Tu pares même une infidèle
aux yeux d' un amant irrité :
amour, donne à ses traits une grâce nouvelle,
à tous ses mouvemens un air de volupté ;
de ton haleine pure, ou du vent de ton aile,

p133

rafraîchis cet éclat dont brille sa beauté ;
d' un regard languissant, d' un séduisant caprice,
d' un refus enchanteur montre-lui le pouvoir ;
dis ce qu' on peut donner, ce qu' il faut qu' on ravisse,
ce que tu veux qu' on cache, ou qu' on laisse entrevoir.
D' une aimable rougeur que son front s' embellisse,
et que je croie encor surmonter son devoir.
Vois-tu la vigne tortueuse
embrasser les ormeaux et ramper autour d' eux ?
Que plus tendre, ce soir, ou plus voluptueuse,
Catilie, à l' instant qui nous joindra tous deux,
m' enlace de ses bras, m' entoure de leurs noeuds,
et que sa dent légère, en redoublant mes feux,
imprime sur ma bouche une marque amoureuse.
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Message par magda Mar 4 Mai - 23:24

LIVRE 3 ELEGIE 10


p134

à Eucharis.
Est-ce bien vous qui m' écrivez,
vous qui seule avez fait ma peine,
et dont mes tristes yeux, de larmes abreuvés,
n' ont pu long-temps fléchir ni désarmer la haine ?
Dieux ! Quels funestes souvenirs
ces traits jadis si chers réveillent dans mon âme !
ô douce illusion de ma première flamme !
ô tendre emportement de mes premiers plaisirs !
Et quelle est donc votre espérance ?
Vous semblez revenir à moi ;
après quatre ans entiers d' erreurs et d' inconstance,
vous qui m' avez trahi, vous réclamez ma foi :
il n' est plus temps. Une autre a ma tendresse,
et m' a fait oublier votre injuste rigueur.
Aussi belle que vous, incapable d' adresse,
son modeste maintien, ses yeux pleins de douceur,
son coeur simple et naïf, sa docile jeunesse,

p135

tout promet à mes feux un retour moins trompeur.
C' en est fait, Eucharis : je ne peux plus vous
suivre.
L' amour ne renaît point ; il est mort entre nous.
Mais le noeud qui nous reste est encore assez doux ;
à l' amour qui n' est plus l' amitié doit survivre.
L' amitié vous rendra toujours
présente et chère à ma mémoire ;
et, quand de ces instans si courts,
remplis par mon bonheur, mais perdus pour ma gloire,
la mort viendra trancher le cours ;
quand mes plus chers amis environnant ma couche,
pour me cacher leurs pleurs détourneront leurs yeux,
et, retenant mon âme errante sur ma bouche,
recevront mes derniers adieux :
alors, peut-être, alors la tendre Catilie,
en proie au plus cruel chagrin,
ses longs cheveux épars, d' un froid mortel saisie,
pour la dernière fois permettra, sans envie,
que votre main tremblante, aidant sa faible main,
soutienne sur son coeur ma tête appesantie.
Mes yeux prêts à la perdre, hélas ! Et sans retour,
chercheront pour la voir un reste de lumière ;

p137

et sa main que j' aimais, au doux éclat du jour,
sa main seule, Eucharis, fermera ma paupière.
Vous fûtes ma première amour ;
mais elle sera la dernière.
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Message par magda Mar 4 Mai - 23:25

LIVRE 3 ELEGIE 11

à m le vicomte de B-B.
Tandis qu' au séjour du tonnerre
dressant ton vol audacieux,
loin des limites de la terre
tu chantes la paix et la guerre,
assis à la table des dieux ;
moi, dans les bosquets d' Amathonte
malgré moi ramené toujours
hélas ! à célébrer ma honte
je perds les plus beaux de mes jours.
Souvent j' ai dit à ma maîtresse :
" c' est trop languir dans la paresse ;
" j' en rougis... tiens, séparons-nous ;
" va-t' en. " soudain l' enchanteresse
vient se placer sur mes genoux,

p138

des deux mains à mon cou s' enlace,
et me donne, en versant des pleurs,
mille baisers pleins de douceurs,
de ma constance déjà lasse
trop sûrs, trop aimables vainqueurs
je cède ; et, reprenant ma lyre,
qu' elle court me chercher soudain,
je chante son regard divin,
son doux parler, son doux sourire,
les jeux, les amours, et le vin.
magda
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Message par magda Mar 4 Mai - 23:25

LIVRE 3 ELEGIE 12


p139

Sur le mariage de Catilie.
ô jour affreux ! ô fatal hyménée !
Pleurez, Vénus ; pleurez, tendres amours !
Celle que j' aime, à l' autel entraînée,
court en tremblant, victime couronnée,
sous d' autres lois s' enchaîner pour toujours.
C' en est donc fait, ma chère Catilie ?
Quand j' ai ton coeur, un autre aura ta foi !
Ce nouveau noeud rompt le noeud qui nous lie.
C' en est donc fait ? Et tu n' es plus à moi ?
Pour ton ami désormais étrangère,
tes yeux si doux de rigueur vont s' armer ;
en te parlant, du nom de ma bergère
je ne dois plus tendrement te nommer.
Il faut cesser de te voir à toute heure,
de te chercher, de te suivre en tous lieux ;
et séparés par cent murs odieux,
jamais hélas ! Dans la même demeure

p140

le doux sommeil ne fermera nos yeux.
Qu' est devenu ce temps, cet heureux âge
où les mortels, n' ayant reçu des cieux
qu' un champ fertile, un corps laborieux,
des fruits, des fleurs, et des bois en partage,
près d' une eau pure, exempts de tristes soins,
à peu de frais contentaient leurs besoins ;
et deux à deux, sous des toits de feuillage,
goûtaient en paix de fortunés loisirs,
pauvres d' argent et riches de plaisirs ?
Dans ces beaux jours, hélas ! Dignes d' envie,
ta voix d' un père eût fléchi les rigueurs ;
amant comblé des plus douces faveurs,
à tes genoux j' aurais passé ma vie,
et la mort seule eût désuni nos coeurs.
L' or aujourd' hui règne en dieu sur la terre ;
il faut un char, de superbes atours ;
l' or aux plaisirs a déclaré la guerre,
et foule aux pieds les plus tendres amours ;
l' or t' a livrée à l' objet de ta haine.
D' un riche époux tu vas suivre les lois ;
et moi, réduit, pour distraire ma peine,
à la chanter d' une mourante voix,
je traîne hélas ! Ma fortune incertaine
aux champs de mars et dans la cour des rois.
Oublions-nous quand le ciel nous sépare !
Le ciel lui-même a reçu tes sermens :

p141

il punirait... pardonne, je m' égare.
Non, non, crois-moi, le ciel n' est point barbare ;
il permet tout aux malheureux amans.
Il a voulu que l' amante éplorée,
qu' un sort impie ou qu' une injuste loi
force à donner sa main désespérée,
et qu' à l' autel on traîne malgré soi,
pût oublier impunément la foi
que sa faiblesse ou sa crainte a jurée
c' est moi, c' est moi qui d' un soin enchanteur,
dès ton aurore ai su remplir ton âme ;
je suis l' objet de ta première flamme,
dans l' art d' aimer ton premier précepteur ;
ton coeur sensible est mon heureux ouvrage :
tu m' appartiens : c' est moi seul qu' on outrage,
et ton époux est un usurpateur.
Quoi ! Je verrai son insolente ivresse !
Quoi ! J' ornerai son triomphe odieux !
Ah ! S' il est vrai que ta vive tendresse
me redemande aux pieds même des dieux ;
si mon amour à ce point t' intéresse,
s' il t' est plus cher que la clarté des cieux,
ne souffre point, ô ma belle maîtresse,
que devant moi le barbare te presse

p142

contre son coeur, et t' embrasse à mes yeux !
Je me connais : à mes yeux s' il t' embrasse,
s' il cueille un prix qui n' est dû qu' à ma foi,
je me déclare ; entre sa bouche et toi
j' étends la main, je préviens ma disgrâce,
et je lui dis : " ces baisers sont à moi. "
la nuit hélas ! De ses plaisirs coupables
viendra trop tôt annoncer le moment :
que les faveurs, les caresses aimables,
le jour entier, soient du moins pour l' amant !
Regarde-moi : que ces yeux que j' adore
sur moi fixés expriment tes douleurs ;
en se baissant qu' ils me cherchent encore,
et quelquefois se remplissent de pleurs.
Si tu me joins au milieu de la danse,
sois prompte alors à me serrer la main ;
si tu me fuis, sans rompre la cadence,
dis-moi tout bas : " nous nous verrons demain. "
mais, ô douleur ! ô contrainte funeste !
Quand sous un dais de guirlandes paré,
nouvelle épouse, au banquet préparé

p143

tu marcheras d' un air triste et modeste,
de tes côtés exilé sans pitié,
je me croirai par ton coeur oublié.
Pour consoler ma jalouse tendresse,
donne à ton front un secret démenti ;
et que mon pied, deux fois avec adresse,
soit par ton pied doucement averti.
Ah ! Près de toi, malgré la loi sévère,
je me tiendrai du moins pour te servir :
des plus doux vins je remplirai ton verre ;
c' est un bonheur qu' on ne peut me ravir.
Seul, après toi, que ton ami l' obtienne :
dans ce cristal m' enivrant de plaisir,
ma bouche avide aura soin de choisir
les bords heureux qu' aura pressés la tienne.
Infortuné ! Que sert de te dicter
des soins hélas ! Tout à l' heure inutiles ?
Avant minuit, il faudra nous quitter,
et regagner nos demeures tranquilles ;
avant minuit un odieux époux,
au lit fatal entraînera tes charmes.
Moi, jusqu' au seuil où veille un dieu jaloux,

p144

je te suivrai les yeux baignés de larmes ;
et j' entendrai, pour dernières alarmes,
sur toi soudain se fermer les verrous.
Alors, alors tu deviendras sa proie ;
il ravira cent baisers amoureux.
Que dis-je ? Hélas ! Dans ces momens affreux,
des baisers seuls combleront-ils sa joie ?
Combats du moins dans ce pressant danger ;
pleure, gémis, et détourne la bouche :
n' accorde rien ; fuis au bord de ta couche,
et vends lui cher un bonheur mensonger.
Ah ! Si le ciel, ce ciel qui m' abandonne
entend mes voeux, il ne souffrira pas
que l' inhumain, profanant tant d' appas,
ait du plaisir... ou du moins qu' il t' en donne.
Mais, quel que soit pour mon coeur éperdu
l' indigne arrêt du destin qui m' opprime,
songe demain à me nier ton crime,
et soutiens-moi que je n' ai rien perdu.
magda
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Message par magda Mar 4 Mai - 23:26

LIVRE 3 ELEGIE 13


p145

à Catilie.
Dans la contrainte et les alarmes
je vois s' envoler nos beaux jours :
la douleur a flétri vos charmes,
et mes yeux à verser des larmes
semblent condamnés pour toujours.
ô la plus belle des maîtresses,
mon bonheur s' est évanoui :
je perds vos touchantes caresses,
hélas ! Et de ces biens, dont j' ai trop peu joui,
il ne me reste que ma flamme,

p146

vos lettres, mes regrets, mes désirs superflus,
et la triste douceur de nourrir dans mon âme
l' éternel souvenir d' un bonheur qui n' est plus.
Tout brûle autour de moi, tout aime,
tout s' enivre de voluptés ;
deux à deux, vers le bien suprême
je vois tous les coeurs emportés ;
sans crainte à la ville, au village,
on forme des liens charmans,
et l' univers n' est qu' un bocage
peuplé de fortunés amans.
L' amour d' une douce folie
prend soin de remplir leurs momens :
nous seuls, ma chère Catilie,
nous seuls éprouvons ses tourmens.
Sans témoins une loi sévère
me défend de vous approcher ;
à l' oeil d' un époux ou d' un père
toujours soigneux de me cacher,
depuis une semaine entière,
je n' ai pu seulement toucher
la main et si douce et si chère,
où, sans exciter leur colère,
du mortel le moins téméraire

p147

la bouche a droit de s' attacher.
à table, aux jeux, on nous sépare ;
nos argus veillent en tous lieux,
et, recherchant d' un oeil avare
les pleurs qui roulent dans vos yeux,
ils se font un plaisir barbare
de troubler jusqu' à nos adieux.
Mais ne craignez point, ô mon âme,
que leur inflexible rigueur
éteigne ou lasse mon ardeur :
mes chagrins même et leur fureur
vous rendent plus chère à ma flamme.
Ah ! Si, malgré leurs soins jaloux,
mon coeur se fait entendre au vôtre,
mon sort est encore assez doux.
J' aime mieux souffrir avec vous,
que d' être heureux avec une autre.
magda
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Message par magda Mar 4 Mai - 23:26

LIVRE 3 ELEGIE 14


p148

à la même.
Du fracas de la ville et des jeux du théâtre,
lorsqu' aux champs tout mûrit, c' est assez t' occuper :
aux voeux d' une foule idolâtre,
ta corbeille à la main, il est temps d' échapper.
Déjà, secouant sa crinière,
le lion enflammé s' élance dans les cieux,
et le soleil rapide au haut de sa carrière,
nageant dans des flots de lumière,
retourne à l' équateur d' un pas victorieux ;
déjà le cou penché, sans force et sans courage,
et le pasteur et les troupeaux
des bois silencieux cherchent le doux ombrage,
et le zéphyr plus rare, et la fraîcheur des eaux.

p149

Viens, conduis sous mes toits rustiques
ces demi-dieux enfans qui ne te quittent plus :
je n' ai point à t' offrir de superbes portiques,
ni de marbres vivans, ni ces lacs magnifiques
qui creusent les jardins des nouveaux Lucullus.
Mais, ô touchant objet de ma dernière flamme,
(car nulle autre après toi ne charmera mes yeux)
je te promets des jours aussi purs que ton âme,
et des bois à midi sombres, délicieux ;
je te promets, le soir, des grottes solitaires,
un bain rafraîchissant dans des eaux salutaires,
les fruits que tu chéris, un vin pur et vermeil,

p150

des essaims bourdonnans dans le creux des vieux
chênes,
et le concert flatteur de vingt sources prochaines,
dont le murmure invite aux douceurs du sommeil.
Là, cachés prudemment dans mon enclos fertile,
nous passerons en paix la saison des chaleurs ;
là, mollement couchés sous un tremble mobile,
j' ornerai tes cheveux de guirlandes de fleurs ;
et de ce prix divin, dont ta bouche est avare,
payant mes tendres soins, le cou penché sur moi,
sans craindre désormais que la nuit nous sépare,
tu chanteras sur ta guitare
nos plaisirs, et les vers que j' aurai faits pour toi.
magda
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Message par magda Mar 4 Mai - 23:26

LIVRE 3 ELEGIE 15


p151

La méridienne.
à la même.
Dieux ! Que l' air est calme et pesant !
Dieux ! Qu' il fait chaud ! Sur quels rivages,
sous quels favorables ombrages
veux-tu reposer à présent ?
Le ciel se couvre de nuages ;
Neptune agite son trident ;
j' ai vu briller à l' occident
l' éclair précurseur des orages.
Viens (ce temps est fait pour l' amour),
viens, ô ma tendre et douce amie,
au fond de mon humble séjour,
sur la natte fraîche et polie,
du soir attendre le retour.
Fermons sur nous, à double tour,

p152

la porte du verrou munie,
et qu' une épaisse jalousie
nous dérobe aux clartés du jour.
Eh quoi ! Ta pudeur alarmée
m' oppose encore un vêtement !
As-tu peur, ô ma bien-aimée,
d' être trop près de ton amant ?
Lorsqu' il te presse, qu' il t' embrasse,
peux-tu rougir de son bonheur ?
ôte ce lin qui m' embarrasse,
ou des deux mains, sûr de ma grâce,
je le déchire avec fureur.
De ton beau corps, que j' idolâtre,
mes yeux parcourront tous les traits ;
de tes trésors les plus secrets
mes baisers rougiront l' albâtre.
Couvre-toi de fleurs, si tu veux :
que ce soit ta seule imposture.
Laisse une fois à l' aventure
flotter tes superbes cheveux ;

p153

et de cette conque azurée,
cuite dans sèvre, et décorée
avec un soin industrieux,
parmi cent parfums précieux
tirons ce nard délicieux
dont l' odeur seule fait qu' on aime,
qui prête un charme à Vénus même,
et l' annonce au banquet des dieux.
magda
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Message par magda Mar 4 Mai - 23:27

LIVRE 3 ELEGIE 16


p154

Aux manes d' Eucharis.
Depuis que tu n' es plus, depuis que je te pleure,
le soleil a fini, recommencé son tour :
je puis enfin vers ta demeure
tourner mes tristes yeux lassés de voir le jour.
ô toi, jadis l' objet du plus ardent amour,
toi que j' aimais encor d' une amitié si tendre,
Eucharis, si tu peux m' entendre
des bords du fleuve affreux qu' on passe sans retour,
reçois ces derniers vers que j' adresse à ta cendre.
Lorsque, du sort, si jeune, éprouvant la rigueur,
tu périssais hélas ! D' un mal lent et funeste,
moi-même, tu le sais, consumé de langueur,
je voyais de mes jours s' évanouir le reste.
Tu mourus : à ce coup, j' en atteste les dieux,
je demandai la mort ; j' étais prêt à te suivre ;
à mes plus chers amis j' avais fait mes adieux.
Catilie à l' instant vint s' offrir à mes yeux,
me serra sur son coeur ; et je promis de vivre.
Trop heureux sous sa douce loi,

p155

elle-même aujourd' hui permet que je t' écrive :
tout ce qui te connut te regrette avec moi,
et cherche à consoler ton ombre fugitive.
Déjà, les yeux mouillés de pleurs,
et brisant son beau luth qui résonnait encore,
le doux chantre d' éléonore
sur tes restes chéris a répandu des fleurs ;
il t' élève un tombeau : c' est assez pour ta gloire.
Moi, plus timide, tout auprès
je choisis un jeune cyprès,
et là je grave notre histoire.
à ce mot, Eucharis, ne va point t' alarmer.
Loin de moi tous ces noms dont un amant accable
l' objet qu' il cesse de charmer !
Le temps a dû me désarmer,
et ton coeur n' est point si coupable.
Pour un autre que moi s' il a pu s' enflammer,
sans doute il était plus aimable :
hélas ! Savait-il mieux aimer ?
N' importe : dors en paix, ombre toujours chérie ;
d' un reproche jaloux ne crains plus la rigueur :
ma haine s' est évanouie.
Tu fis, sept ans entiers, le bonheur de ma vie :
c' est le seul souvenir qui reste dans mon coeur.
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Message par magda Mar 4 Mai - 23:27

LIVRE 3 ELEGIE 17


p156

La vendange.
à Catilie.
Quels cris dans les airs retentissent !
Quels chants sur ces coteaux d' un ciel ardent
brûlés !
Déjà, le thyrse en main, s' unissent
les Faunes aux Sylvains mêlés :
les fougueux égipans bondissent,
et sous leurs pas au loin gémissent
la terre et les bois ébranlés.
Le front chargé des fruits d' une heureuse vendange,
la bouche teinte encor des raisins qu' il a bus,
et penché sur son char, le dieu vainqueur du Gange
du plus riche des mois nous verse les tributs.
Je naquis dans ce mois : voici le jour que j' aime.
Daigne encor l' embellir, doux objet de mes voeux ;
de pampres et de fleurs viens orner mes cheveux ;
de pampres et de fleurs je t' ornerai moi-même.
Que l' acier brille dans tes mains,

p157

qu' à ton bras pende une corbeille ;
et, comme on voit la diligente abeille
de leurs plus doux parfums dépouiller les jardins,
en te jouant détache ces raisins.
De sillons en sillons, cours, poursuis ton ouvrage ;
anime d' un souris ces pasteurs empressés,
qui, dans la vigne dispersés,
à peine de leurs fronts surmontent son feuillage.
On chante : dans l' osier tombent de toutes parts
ces raisins abondans qu' un sombre azur colore,
ceux dont l' émail pâlit, mais que le soleil dore ;
et bientôt avec pompe étalés sur des chars,
d' un peuple avide au loin ils frappent les regards,
encor tout rayonnans des larmes de l' aurore.
ô soins délicieux, ô fortunés travaux,
dont les fatigues même enchantent la paresse !
Cependant du sein des hameaux
il s' élève un long cri : la troupe, avec vitesse,
de leurs derniers présens dégarnit les rameaux ;
le vieillard en triomphe apporte sa richesse,
tandis qu' un doux muscat retardant la jeunesse,
pour un seul prix offert anime vingt rivaux.
Succédez à ces soins, repas simple et rustique,
repas cent fois plus doux que les festins des dieux.
Sur l' herbe, assis en cercle, autour d' un vase
antique,
sur ce mets odorant qui parfume les cieux,
chacun porte à la fois et la main et les yeux.

p158

Le palais chatouillé, d' abord la soif s' allume ;
soudain paraît un broc, qui, tout couvert d' écume,
et rempli d' un vin doux dans la ferme apprêté,
par les plus prompts buveurs est long-temps disputé.
Il circule : avec lui circulent la gaîté,
les bons mots et l' erreur, l' audace et la folie.
Lucas cueille un baiser sur le sein d' égérie,
qui toujours s' en offense et s' apaise toujours ;
mais sa rougeur lui reste, et la rend plus jolie.
Ce baiser, ces combats, ma chère Catilie,
le tumulte, les ris, les folâtres discours
d' un convive animé qui doucement s' oublie,
tout protége, encourage, ou nous peint nos amours ;
tout prête à mon bonheur un charme qui l' augmente.
Heureux qui dans ce jour, conduisant son amante,
le plaisir dans les yeux, de cercle en cercle errant,
lui porte un doux tribut dans l' argile fumante,
et d' un mets effleuré par sa lèvre charmante,
savoure, avec lenteur, le baume restaurant !
Mais déjà l' ombre croît ; la feuille qui murmure
annonce un vent plus frais, humide enfant du soir :
réservant pour tes jeux la grappe la plus mûre,
tout ton peuple à l' envi te demande au pressoir.
Cède à ses cris joyeux et remplis son espoir ;
rends un moment à la nature
ces pieds si délicats que blesse leur chaussure ;
monte. Tout est tranquille, et tout va s' émouvoir.

p159

Le signal est donné : tous les yeux étincellent ;
tous les pieds vont pressant ; tous les grains sont
ouverts.
De riches flots de pourpre au même instant
ruissellent,
et l' ambre le plus pur s' exhale dans les airs.
Chantons, célébrons l' automne.
Enfans, répétez mes vers.
J' entends déjà dans la tonne
le doux nectar qui bouillonne,
et qui veut rompre ses fers.
Enseveli sous le sable
et réservé pour la table,
ce vin doit porter un jour
des bons mots à la jeunesse,
des erreurs à la sagesse,
des feux même à la vieillesse,
et des désirs à l' amour.
magda
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Message par magda Mar 4 Mai - 23:28

LIVRE 3 ELEGIE 18


p160

Le départ.
à la même.
Non, jamais peut-être à mes yeux
tu n' avais paru si charmante ;
jamais de ta grâce piquante
mon coeur ne fut plus amoureux :
et cependant, ô ma maîtresse,
il faut m' exiler de tes bras !
Malgré l' excès de ma tendresse,
et le pouvoir de tes appas,
il faut quitter ce doux rivage,
ce clair ruisseau, ce frais bocage,
cent fois témoins de notre ardeur ;
il faut laisser tout mon bonheur,
et n' emporter que son image !
Sous de funestes étendards
un devoir importun m' appelle :
soldat poudreux, aux champs de mars

p161

je cours, animé d' un beau zèle,
dans l' art des Guesclins, des Bayards,
et des Bourbons et des Césars,
rejoindre et suivre mon modèle.
Oui, dans huit jours, sous d' autres cieux,
en proie aux tourmens de l' absence,
triste et le chevalier A. de Bertin:Les amours élégies - Page 2 923781, à tous les dieux
je demanderai ta présence.
Mais toi, de cent jeunes amans
hélas ! à toute heure entourée,
de voeux et d' encens enivrée,
dis-moi : tiendras-tu tes sermens ?
ô peine ! ô mortelles alarmes !
ô triste et rigoureuse loi !
Périssent la gloire et les armes,
qui font toujours couler des larmes,
et qui me séparent de toi !
magda
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Message par magda Mar 4 Mai - 23:28

LIVRE 3 ELEGIE 19


p162

Les jardins du petit trianon.
J' ai vu ce désert enchanté
dont le goût même a tracé la peinture ;
j' ai vu ce jardin si vanté
où l' art, en l' imitant, surpasse la nature.
ô trianon, puissiez-vous des hivers
ne ressentir jamais les glaces rigoureuses !
Aimable trianon, que de transports divers
vous inspirez aux âmes amoureuses !
J' ai cru voir, en entrant sous vos ombrages verts,
le séjour des ombres heureuses.
Quel magique pouvoir de sites gracieux
a décoré soudain ces fertiles campagnes,
et, dans un cadre étroit, pour le plaisir des yeux,
a creusé des vallons, élevé des montagnes,
disparaissez, fabuleuses retraites

p163

d' Alcinoüs et de Sémiramis,
prodiges nés du cerveau des poëtes,
et dans leurs vers menteurs jusques à nous transmis !
Disparaissez, monumens du génie,
parcs, jardins immortels, que le nôtre a plantés.
De vos dehors pompeux l' exacte symétrie
étonne vainement mes regards attristés.
J' aime bien mieux ce désordre bizarre,
et la variété de ces riches tableaux
que disperse l' anglais d' une main moins avare.
Du haut du belvéder mon oeil au loin s' égare,
et découvre les bois, la verdure et les flots.
Là, parmi des rochers de structure inégale,
que Neptune a produits d' un coup de son trident,
un torrent écumeux tombe, et roule en grondant,
et bientôt lac tranquille au pied des monts s' étale.
Ce lac, ces monts sacrés, sont au dieu de Délos.

p164

Voici le frais Hémus et le riant Ménale.
De ce nouveau Tempé le tortueux dédale
sert d' asile à l' enfant qui règne dans Paphos.
ô vous, qui craignez son empire,
fuyez, fuyez ; l' amour anime ces beaux lieux :
dans ce vallon délicieux
c' est lui qu' avec l' air on respire.
De ces sentiers étroits la douce obscurité,
ces trônes de gazon, cet antre solitaire,
ces bosquets odorans qu' habite le mystère,
tout parle de l' amour, tout peint la volupté.
Sous des lilas, dont la tige penchée
du midi même amortit les chaleurs,
du haut des monts une source cachée
tombe en cascade, et fuit parmi les fleurs.
J' approche : quels objets ! L' herbe à demi couchée
des débris d' un bouquet était encor jonchée ;
et deux chiffres, plus loin sur le sable enlacés,
par le souffle des vents n' étaient point effacés.

p165

à cet aspect soudain, au murmure de l' onde,
qui seul de ces déserts trouble la paix profonde,
je me sentis tout d' un coup pénétré
d' une douce mélancolie ;
le souvenir de Catilie
vint resserrer mon coeur de plaisirs enivré.
Ah ! Que ne puis-je, ô ma jeune maîtresse,
parcourir avec toi ce fortuné séjour,
et dans ces bois touffus, au gré de ma tendresse,
t' égarer doucement sur le soir d' un beau jour !
Dans les bois, dans les airs, sur le bord du rivage,
les oiseaux, deux à deux, se baisent devant moi :
seul ici, je languis dans un triste veuvage.
Faut-il sans toi fouler cette mousse sauvage ?
Dans ces détours secrets faut-il errer sans toi ?
Vois ce ruisseau qui, dans sa pente
mollement entraîné, murmure à petit bruit,
se tait, murmure encor, se replie et serpente,
va, revient, disparaît, plus loin brille et s' enfuit,
et, se jouant dans la prairie

p166

parmi le trèfle et les roseaux,
sépare à chaque instant ces bouquets d' arbrisseaux
qu' un pont officieux à chaque instant marie.
Quel art a rassemblé tous ces hôtes divers,
nourrissons transplantés des bouts de l' univers :
la persicaire rembrunie
en grappes suspendant ses fleurs ;
le tulipier de Virginie,
étalant dans les airs les plus riches couleurs ;
le catappas de l' Inde, orgueilleux de son ombre ;
l' érable précieux ; et le mélèse sombre,
qui nourrit les tendres douleurs ?
De cent buissons fleuris chaque route bordée
conduit obliquement à des bosquets nouveaux.

p167

L' écorce où pend la cire, et l' arbre de Judée,
le cèdre même y croît au milieu des ormeaux ;
le cytise fragile y boit une onde pure ;
et le chêne étranger, sur des lits de verdure,
ploie en dais arrondi ses flexibles rameaux.
ô champs aimés de Flore ! ô douce promenade !
Que vous flattez mon coeur, mon esprit et mes yeux !
ô champs aimés de Flore, ô douce promenade,
oui, vous êtes l' asile et l' ouvrage des dieux ;
mais, à travers ces bois religieux,
quelle élégante colonnade
en marbre blanchissant s' élève dans les cieux ?
C' est le temple d' amour ; c' est l' enceinte sacrée
que réserve à son fils la reine de ces lieux.
Deux saules chevelus en défendent l' entrée
à tout mortel audacieux.
De l' enfant sur l' autel respire la statue.
C' est lui-même : on le voit, foulant un bouclier,
et le casque d' Alcide et sa lance rompue,
courber en arc poli sa noueuse massue,
et d' un souris malin déjà nous défier.

p168

à l' approche du sanctuaire,
saisi d' un tremblement heureux,
trois fois du marbre saint j' ai baisé la poussière,
et fait fumer trois fois un encens précieux :
puis, couronnant ses beaux cheveux
d' un feston de myrte et de lierre,
aux pieds du dieu charmant j' ai déposé mes voeux,
et fait tout bas cette prière :
" amour, amour, éternise mes feux,
" conserve-moi le coeur de Catilie ;
" fais qu' elle soit toujours belle à mes yeux,
" et que je meure avant que je l' oublie ! "
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Message par magda Mar 4 Mai - 23:29

LIVRE 3 ELEGIE 20


p169

adieux à une terre
qu' on était sur le point de vendre.
L' aimable et doux printemps ouvre aujourd' hui les
cieux.
ô mes champs, avec vous je veux encor renaître !
Champs toujours plus aimés, jardins délicieux,
vénérables ormeaux qu' ont plantés mes aïeux,
pour la dernière fois recevez votre maître.
Prodiguez-moi vos fruits, vos parfums et vos fleurs ;
cachez-moi tout entier dans votre enceinte sombre.
ô bois hospitaliers, mes rêveuses douleurs
n' ont pas long-temps, hélas ! à jouir de votre
ombre.
Témoins de mes plaisirs dans des temps plus heureux,
vous passerez bientôt en des mains étrangères.
Beaux lieux, il faut vous perdre : un destin rigoureux
me condamne à céder des retraites si chères.
Que sert d' avoir vingt fois, dans mes travaux
constans,
le fer en main, conduit une vigne indocile,

p170

retourné mes guérets, et d' un rameau fertile
enrichi ces pommiers, la gloire du printemps ?
Un autre, en se jouant, de leur branche pendante
détachera ces fruits qu' attendaient mes paniers,
de ces riches moissons remplira ses greniers,
et rougira ses pieds d' une grappe abondante.
Je ne vous verrai plus, ô rivages fleuris,
source pure, antres frais, lieux pour moi pleins de
charmes ;
je ne vous verrai plus, mes pénates chéris,
vous qui me consoliez du fracas de Paris,
du service des cours, du tumulte des armes !
Oui, dès demain, peut-être avant la fin du jour,
il le faudra quitter ce fortuné séjour,
en retournant vers vous des yeux mouillés de larmes.
D' un pied profane et dur un ingrat successeur
foulera ces gazons, lits chers à ma tendresse ;
et, mutilant l' écorce où croissait mon ardeur,
effacera ces noms qu' un soir, ô ma maîtresse,
les sens encor troublés de plaisir et d' ivresse,

p171

tu m' aidas à graver de ta tremblante main.
Qui sait même, qui sait si le fer inhumain,
retentissant au loin dans la forêt profonde,
n' abattra point ces pins, ces ormes vieillissans,
ces chênes, dont nos pieds outragent les présens,
immortels bienfaiteurs de l' enfance du monde ?
Crédule, j' espérais sous leur abri sacré
qu' un jour, las des erreurs dont je fus enivré,
tout entier à l' objet dont mon âme est ravie,
tranquille, à ses genoux j' achèverais ma vie,
riche de ses attraits, fier de ses seuls regards,
tantôt comblé des soins de sa main caressante,
tantôt prêtant l' oreille à sa voix séduisante,
et cultivant l' amour, la nature et les arts.
La fortune a détruit ma plus chère espérance.
à mes dieux protecteurs il me faut recourir :
je n' ai plus, désormais étranger dans la France,
de retraite où chanter ni d' asile où mourir.
ô tristesse ! ô regrets ! ô jours de mon enfance !
Hélas ! Un sort plus doux m' était alors promis.
Né dans ces beaux climats et sous les cieux amis

p172

qu' au sein des mers de l' Inde embrase le tropique,
élevé dans l' orgueil du luxe asiatique,
la pourpre, le satin, ces cotons précieux
que lave aux bords du Gange un peuple industrieux,
cet émail si brillant que la Chine colore,
ces tapis dont la Perse est plus jalouse encore,
sous mes pieds étendus, insultés dans mes jeux,
de leur richesse à peine avaient frappé mes yeux.
Je croissais, jeune roi de ces rives fécondes :
le roseau savoureux, fragile amant des ondes,
le manguier parfumé, le dattier nourrissant,
l' arbre heureux où mûrit le café rougissant,
des cocotiers enfin la race antique et fière,
montrant au-dessus d' eux sa tête tout entière,
comme autant de sujets attentifs à mes goûts,
me portaient à l' envi les tributs les plus doux.
Pour moi d' épais troupeaux blanchissaient les
campagnes ;
mille chevreaux erraient suspendus aux montagnes ;
et l' océan, au loin se perdant sous les cieux,
semblait offrir encor, pour amuser mes yeux,

p173

dans leur cours différent cent barques passagères
qu' emportaient ou la rame ou les voiles légères.
Que fallait-il de plus ? Dociles à ma voix,
cent esclaves choisis entouraient ma jeunesse ;
et mon père, éprouvé par trente ans de sagesse,
au créole orgueilleux dictant de justes lois,
chargé de maintenir l' autorité des rois,
semblait dans ces beaux lieux égaler leur richesse.
Tout s' est évanoui. Trésors, gloire, splendeur,
tout a fui, tel qu' un songe à l' aspect de l' aurore,
ou qu' un brouillard léger qui dans l' air s' évapore.
à cet éclat d' un jour succède un long malheur.
Mais les dieux attendris, pour charmer ma douleur,
ont daigné me laisser le coeur de Catilie.
Ah ! Je sens à ce nom qu' il existe un bonheur.
Ce nom seul de ma peine adoucit la rigueur ;
il répare mes maux, il m' attache à la vie :
je suis aimé ; mon sort est trop digne d' envie,
et la paix doit rentrer dans mon coeur éperdu.
Cessez, tristes regrets ; cessez, plainte importune.
Revivez, luth heureux trop long-temps suspendu.
J' ai vu périr mes biens, mes honneurs, ma fortune ;
mais son amour me reste, et je n' ai rien perdu.
magda
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Message par magda Mar 4 Mai - 23:29

LIVRE 3 ELEGIE 21


p174

Mes pleurs ne coulaient plus ; mes yeux
étaient enfin las d' en répandre :
je n' ai fait que nommer les dieux,
et soudain je les vis des cieux,
sans cortége, à ma voix descendre.
" c' est trop, ont-ils dit, l' éprouver.
" eh ! Qui du sort injuste a plus senti l' outrage ?
" empressons-nous de relever
" ce roseau courbé par l' orage.
" pour prix de ses tendres chansons,
" rendons-lui ses grottes chéries,
" son lac, ses riantes prairies,
" ses bois, ses vignes, ses moissons.
" ah ! Qu' il aime, qu' il aime encore,
" puisque ce sentiment est l' âme de ses jours ;
" et qu' il chante encor ses amours
" aux lieux qui les virent éclore. "
magda
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