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Auguste BARBIER

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Auguste BARBIER Empty Auguste BARBIER

Message par Rita-kazem Dim 2 Mai - 18:30


  • Auguste BARBIER (1805-1882)

L'idole



Ô Corse à cheveux plats ! que ta France était belle
Au grand soleil de messidor !
C'était une cavale indomptable et rebelle,
Sans frein d'acier ni rênes d'or ;
Une jument sauvage à la croupe rustique,
Fumante encor du sang des rois,
Mais fière, et d'un pied fort heurtant le sol antique,
Libre pour la première fois.
Jamais aucune main n'avait passé sur elle
Pour la flétrir et l'outrager ;
Jamais ses larges flancs n'avaient porté la selle
Et le harnais de l'étranger ;
Tout son poil était vierge, et, belle vagabonde,
L'oeil haut, la croupe en mouvement,
Sur ses jarrets dressée, elle effrayait le monde
Du bruit de son hennissement.
Tu parus, et sitôt que tu vis son allure,
Ses reins si souples et dispos,
Dompteur audacieux tu pris sa chevelure,
Tu montas botté sur son dos.
Alors, comme elle aimait les rumeurs de la guerre,
La poudre, les tambours battants,
Pour champ de course, alors tu lui donnas la terre
Et des combats pour passe-temps :
Alors, plus de repos, plus de nuits, plus de sommes,
Toujours l'air, toujours le travail.
Toujours comme du sable écraser des corps d'hommes,
Toujours du sang jusqu'au poitrail.
Quinze ans son dur sabot, dans sa course rapide,
Broya les générations;
Quinze ans elle passa, fumante, à toute bride,
Sur le ventre des nations ;
Enfin, lasse d'aller sans finir sa carrière,
D'aller sans user son chemin,
De pétrir l'univers, et comme une poussière
De soulever le genre humain ;
Les jarrets épuisés, haletante, sans force
Et fléchissant à chaque pas,
Elle demanda grâce à son cavalier corse ;
Mais, bourreau, tu n'écoutas pas !
Tu la pressas plus fort de ta cuisse nerveuse,
Pour étouffer ses cris ardents,
Tu retournas le mors dans sa bouche baveuse,
De fureur tu brisas ses dents ;
Elle se releva : mais un jour de bataille,
Ne pouvant plus mordre ses freins,
Mourante, elle tomba sur un lit de mitraille
Et du coup te cassa les reins.
Rita-kazem
Rita-kazem

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Auguste BARBIER Empty La curée

Message par Rita-kazem Dim 2 Mai - 18:31


  • Auguste BARBIER (1805-1882)

La curée



I

Oh ! lorsqu'un lourd soleil chauffait les grandes dalles
Des ponts et de nos quais déserts,
Que les cloches hurlaient, que la grêle des balles
Sifflait et pleuvait par les airs ;
Que dans Paris entier, comme la mer qui monte,
Le peuple soulevé grondait,
Et qu'au lugubre accent des vieux canons de fonte
La Marseillaise répondait,
Certe, on ne voyait pas, comme au jour où nous sommes,
Tant d'uniformes à la fois ;
C'était sous des haillons que battaient les coeurs d'homme
C'étaient alors de sales doigts
Qui chargeaient les mousquets et renvoyaient la foudre ;
C'était la bouche aux vils jurons
Qui mâchait la cartouche, et qui, noire de poudre,
Criait aux citoyens : Mourons !

II

Quant à tous ces beaux fils aux tricolores flammes,
Au beau linge, au frac élégant,
Ces hommes en corset, ces visages de femmes,
Héros du boulevard de Gand,
Que faisaient-ils, tandis qu'à travers la mitraille,
Et sous le sabre détesté,
La grande populace et la sainte canaille
Se ruaient à l'immortalité ?
Tandis que tout Paris se jonchait de merveilles,
Ces messieurs tremblaient dans leur peau,
Pâles, suant la peur, et la main aux oreilles,
Accroupis derrière un rideau.

III

C'est que la Liberté n'est pas une comtesse
Du noble faubourg Saint-Germain,
Une femme qu'un cri fait tomber en faiblesse,
Qui met du blanc et du carmin
C'est une forte femme aux puissantes mamelles,
À la voix rauque, aux durs appas,
Qui, du brun sur la peau, du feu dans les prunelles,
Agile et marchant à grands pas,
Se plaît aux cris du peuple, aux sanglantes mêlées,
Aux longs roulements des tambours,
À l'odeur de la poudre, aux lointaines volées
Des cloches et des canons sourds ;
Qui ne prend ses amours que dans la populace,
Qui ne prête son large flanc
Qu'à des gens forts comme elle, et qui veut qu'on l'embrasse
Avec des bras rouges de sang.

IV

C'est la vierge fougueuse, enfant de la Bastille,
Qui jadis, lorsqu'elle apparut
Avec son air hardi, ses allures de fille,
Cinq ans mit tout le peuple en rut ;
Qui, plus tard, entonnant une marche guerrière,
Lasse de ses premiers amants,
Jeta là son bonnet, et devint vivandière
D'un capitaine de vingt ans
C'est cette femme, enfin, qui, toujours belle et nue,
Avec l'écharpe aux trois couleurs,
Dans nos murs mitraillés tout à coup reparue,
Vient de sécher nos yeux en pleurs,
De remettre en trois jours une haute couronne
Aux mains des Français soulevés,
D'écraser une armée et de broyer un trône
Avec quelques tas de pavés.

V

Mais, ô honte ! Paris, si beau dans sa colère,
Paris, si plein de majesté
Dans ce jour de tempête où le vent populaire
Déracina la royauté,
Paris, si magnifique avec ses funérailles,
Ses débris d'hommes, ses tombeaux,
Ses chemins dépavés et ses pans de murailles
Troués comme de vieux drapeaux ;
Paris, cette cité de lauriers toute ceinte,
Dont le monde entier est jaloux,
Que les peuples émus appellent tous la sainte,
Et qu'ils ne nomment qu'à genoux,
Paris n'est maintenant qu'une sentine impure,
Un égout sordide et boueux,
Où mille noirs courants de limon et d'ordure
Viennent traîner dans leurs flots honteux ;
Un taudis regorgeant de faquins sans courage,
D'effrontés coureurs de salons,
Qui vont de porte en porte, et d'étage en étage,
Gueusant quelque bout de galons ;
Une halle cynique aux clameurs insolentes,
Où chacun cherche à déchirer
Un misérable coin de guenilles sanglantes
Du pouvoir qui vient d'expirer.

VI

Ainsi, quand désertant sa bauge solitaire,
Le sanglier, frappé de mort,
Est là, tout palpitant, étendu sur la terre,
Et sous le soleil qui le mord ;
Lorsque, blanchi de bave et la langue tirée,
Ne bougeant plus en ses liens,
Il meurt, et que la trompe a sonné la curée
A toute la meute des chiens,
Toute la meute, alors, comme une vague immense,
Bondit ; alors chaque mâtin
Hurle en signe de joie, et prépare d'avance
Ses larges crocs pour le festin ;
Et puis vient la cohue, et les abois féroces
Roulent de vallons en vallons ;
Chiens courants et limiers, et dogues, et molosses,
Tout s'élance, et tout crie : Allons !
Quand le sanglier tombe et roule sur l'arène,
Allons, allons ! les chiens sont rois !
Le cadavre est à nous ; payons-nous notre peine,
Nos coups de dents et nos abois.
Allons! nous n'avons plus de valet qui nous fouaille
Et qui se pende à notre cou :
Du sang chaud, de la chair, allons, faisons ripaille,
Et gorgeons-nous tout notre soûl !
Et tous, comme ouvriers que l'on met à la tâche,
Fouillent ses flancs à plein museau,
Et de l'ongle et des dents travaillent sans relâche,
Car chacun en veut un morceau ;
Car il faut au chenil que chacun d'eux revienne
Avec un os demi-rongé,
Et que, trouvant au seuil son orgueilleuse chienne,
Jalouse et le poil allongé,
Il lui montre sa gueule encor rouge, et qui grogne,
Son os dans les dents arrêté,
Et lui crie, en jetant son quartier de charogne :
" Voici ma part de royauté "

Août 1830.
Rita-kazem
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Auguste BARBIER Empty La cuve

Message par Rita-kazem Dim 2 Mai - 18:32


  • Auguste BARBIER (1805-1882)

La cuve


Il est, il est sur terre une infernale cuve,
On la nomme Paris ; c'est une large étuve,
Une fosse de pierre aux immenses contours
Qu'une eau jaune et terreuse enferme à triples tours
C'est un volcan fumeux et toujours en haleine
Qui remue à longs flots de la matière humaine ;
Un précipice ouvert à la corruption,
Où la fange descend de toute nation,
Et qui de temps en temps, plein d'une vase immonde,
Soulevant ses bouillons, déborde sur le monde.

Là, dans ce trou boueux, le timide soleil
Vient poser rarement un pied blanc et vermeil ;
Là, les bourdonnements nuit et jour dans la brume
Montent sur la cité comme une vaste écume ;
Là, personne ne dort, là, toujours le cerveau
Travaille, et, comme l'arc, tend son rude cordeau.
On y vit un sur trois, on y meurt de débauche ;
Jamais, le front huilé, la mort ne vous y fauche,
Car les saints monuments ne restent dans ce lieu
Que pour dire : Autrefois il existait un Dieu.

Là, tant d'autels debout ont roulé de leurs bases,
Tant d'astres ont pâli sans achever leurs phases,
Tant de cultes naissants sont tombés sans mûrir,
Tant de grandes vertus, là, s'en vinrent pourrir,
Tant de chars meurtriers creusèrent leur ornière,
Tant de pouvoirs honteux rougirent la poussière,
De révolutions au vol sombre et puissant
Crevèrent coup sur coup leurs nuages de sang,
Que l'homme, ne sachant où rattacher sa vie,
Au seul amour de l'or se livre avec furie.

Misère ! Après mille ans de bouleversements,
De secousses sans nombre et de vains errements,
De cultes abolis et de trônes superbes
Dans les sables perdus et couchés dans les herbes,
Le Temps, ce vieux coureur, ce vieillard sans pitié,
Qui va par toute terre écrasant sous le pié
Les immenses cités regorgeantes de vices,
Le Temps, qui balaya Rome et ses immondices,
Retrouve encore, après deux mille ans de chemin,
Un abîme aussi noir que le cuvier romain.

Toujours même fracas, toujours même délire,
Même foule de mains à partager l'empire ;
Toujours même troupeau de pâles sénateurs,
Mêmes flots d'intrigants et de vils corrupteurs,
Même dérision du prêtre et des oracles,
Même appétit des jeux, même soif des spectacles ;
Toujours même impudeur, même luxe effronté,
Dans le haut et le bas même immoralité,
Mêmes débordements, mêmes crimes énormes,
Moins l'air de l'Italie et la beauté des formes.

La race de Paris, c'est le pâle voyou
Au corps chétif, au teint jaune comme un vieux sou ;
C'est cet enfant criard que l'on voit à toute heure
Paresseux et flânant, et loin de sa demeure
Battant les maigres chiens, ou le long des grands murs
Charbonnant en sifflant mille croquis impurs ;
Cet enfant ne croit pas, il crache sur sa mère,
Le nom du ciel pour lui n'est qu'une farce amère ;
C'est le libertinage enfin en raccourci ;
Sur un front de quinze ans c'est le vice endurci.

Et pourtant il est brave, il affronte la foudre,
Comme un vieux grenadier il mange de la poudre,
Il se jette au canon en criant : Liberté !
Sous la balle et le fer il tombe avec beauté.
Mais que l'Emeute aussi passe devant sa porte,
Soudain l'instinct du mal le saisit et l'emporte,
Le voilà grossissant les bandes de vauriens,
Molestant le repos des tremblants citoyens,
Et hurlant, et le front barbouillé de poussière,
Prêt à jeter à Dieu le blasphème et la pierre.

Ô race de Paris, race au coeur dépravé,
Race ardente à mouvoir du fer ou du pavé !
Mer, dont la grande voix fait trembler sur les trônes,
Ainsi que des fiévreux, tous les porte-couronnes !
Flot hardi qui trois jours s'en va battre les cieux,
Et qui retombe après, plat et silencieux !
Race unique en ce monde ! effrayant assemblage
Des élans du jeune homme et des crimes de l'âge ;
Race qui joue avec le mal et le trépas,
Le monde entier t'admire et ne te comprend pas !

Il est, il est sur terre une infernale cuve,
On la nomme Paris ; c'est une large étuve,
Une fosse de pierre aux immenses contours
Qu'une eau jaune et terreuse enferme à triples tours
C'est un volcan fumeux et toujours en haleine
Qui remue à longs flots de la matière humaine ;
Un précipice ouvert à la corruption,
Où la fange descend de toute nation,
Et qui de temps en temps, plein d'une vase immonde,
Soulevant ses bouillons, déborde sur le monde.
Rita-kazem
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Auguste BARBIER Empty Le spleen

Message par Rita-kazem Dim 2 Mai - 18:32


  • Auguste BARBIER (1805-1882)

Le spleen



" C'est moi ; - moi qui, du fond des siècles et des âges,
Fis blanchir le sourcil et la barbe des sages ;
La terre à peine ouverte au soleil souriant,
C'est moi qui, sous le froc des vieux rois d'Orient,
Avec la tête basse et la face pensive,
Du haut de la terrasse et de la tour massive,
Jetai cette clameur au monde épouvanté
Vanité. vanité, tout n'est que vanité !
C'est moi qui mis l'Asie aux serres d'Alexandre,
Qui plus tard changeai Rome en un grand tas de cendre,
Et qui, menant son peuple éventrer les lions,
Sur la pourpre latine enfantai les Nérons.
Partout j'ai fait tomber bien des dieux en poussière,
J'en ai fait arriver d'autres à la lumière,
Et sitôt qu'ils ont vu dominer leurs autels,

A leur tour j'ai brisé ces nouveaux immortels.
Ici-bas, rien ne peut m'arracher la victoire ;
Je suis la fin de tout, le terme à toute gloire,
Le vautour déchirant le coeur des nations,
La main qui fait jouer les révolutions ;
Je change constamment les besoins de la foule,
Et partant le grand lit où le fleuve humain coule."
Ah ! nous te connaissons, ce n'est pas d'aujourd'hui
Que tu passes chez nous et qu'on te nomme Ennui,
Prince des scorpions, fléau de l'Angleterre !
Au sein de nos cités, fantôme solitaire,
Jour et nuit l'on te voit, maigre et décoloré,
Courir on ne sait où comme un chien égaré.
Que de fois, fatigué de mâcher du gingembre,
Dans ton mois le plus cher, dans ton mois de novembre,
A d'horribles cordons tu suspends nos enfants,
Ou leur ouvres le crâne avec des plombs brûlants !
Arrière tes lacets et ta poudre maudite,
Avec tes instruments va-t'en rendre visite
Aux malheureux chargés de travaux continus !
Ô sanglant médecin ! va voir les gueux tout nus
Que la vie embarrasse et qui, sur chaque voie,
Présentent à la mort une facile proie,
Les mille souffreteux qui, sur leurs noirs grabats,
Se plaignent d'être mal et de n'en finir pas ;
Prends-les, monstre, et d'un coup termine leurs misères,
Mais ne t'avance pas sur nos parcs et nos terres ;
Respecte les richards, et ne traîne jamais
Ton spectre maigre et jaune autour de nos palais.
"Eh ! que me font à moi les soucis et les plaintes,
Et les gémissements de vos races éteintes !
Il faut bien que, jouant mon rôle de bourreau,
Je remette partout les hommes de niveau.
Ô corrompus ! ô vous que mon haleine enivre
Et qui ne savez plus comment faire pour vivre,
Qui sans cesse flottant, voguant de mers en mers,
Sur vos planches de bois arpentez l'univers ;
Cherchez au loin le vin et le libertinage,
Et, passant par la France, allez voir à l'ouvrage
Sur son rouge établi le sombre menuisier
Travaillant un coupable et le rognant d'un pied ;
Semez l'or et l'argent comme de la poussière ;
Pour vos ventres blasés fouillez l'onde et la terre
Inventez des plaisirs de toutes les façons,
Que l'homme et l'animal soient les sanglants jetons.
Et les dés palpitants des jeux épouvantables
OÙ viendront s'étourdir vos âmes lamentables ;
Qu'à vos ardents regards, sous des poings vigoureux,
Les hommes assommés tombent comme des boeufs,
Et que, sur le gazon des vallons et des plaines,
Chevaux et cavaliers expirent sans haleine ;
Malgré vos durs boxeurs, vos courses, vos renards,
Sous le ciel bleu d'Espagne ou sous les gris brouillards,
Et le jour et la nuit, sur l'onde, sur la terre,
Je planerai sur vous, et vous aurez beau faire,
Nouer de longs détours, revenir sur vos pas,
Demeurer, vous enfuir : vous n'échapperez pas.
J'épuiserai vos nerfs à cette rude course,
Et nous irons ensemble, en dernière ressource,
Heurter, tout haletants, le seuil ensanglanté
De ton temple de bronze, ô froide cruauté ! "

Ennui, fatal Ennui ! monstre au pâle visage,
A la taille voûtée et courbée avant l'âge ;
Mais aussi fort pourtant qu'un empereur romain,
Comment se dérober à ta puissante main ?
Nos envahissements sur le temps et l'espace
Ne servent qu'à te faire une plus large place,
Nos vaisseaux à vapeur et nos chemins de fer
A t'amener vers nous plus vite de l'enfer :
Lutter est désormais chose inutile et vaine,
Sur l'univers entier ta victoire est certaine ;
Et nous nous inclinons sous ton vent destructeur,
Comme un agneau muet sous la main du tondeurs
Verse, verse à ton gré les vapeurs homicides,
Fais de la terre un champ de bruyères arides,
De la voûte céleste un pays sans beauté,
Et du soleil lui-même un orbe sans clarté ;
Hébète tous nos sens, et ferme leurs cinq portes
Aux désirs les plus vifs, aux ardeurs les plus fortes ;
Dans l'arbre des amours jette un ver malfaisant,
Et sur la vigne en fleurs un rayon flétrissant :
Mieux que le vil poison, que l'opium en poudre,
Que l'acide qui tue aussi prompt que la foudre,
Que le blanc arsenic et tous les minéraux,
Ouvrages ténébreux des esprits infernaux,
Fais circuler le mal sur le globe où nous sommes,
Jusqu'au dernier tissu ronge le coeur des hommes ;
Et lorsque bien repu, vampire sensuel,
A tes lèvres sans feu le plus chétif mortel
Aura livré sa veine aride et languissante,
Que la terre vaincue et toujours gémissante
Aux bras du Suicide abandonne son corps,
Et, sombre coroner, que l'ange noir des morts
Rende enfin ce verdict sur le globe sans vie
Ci-gît un monde mort pour cause de folie !
Rita-kazem
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Auguste BARBIER Empty Le mois mouillé

Message par Rita-kazem Dim 2 Mai - 18:33


  • Henry BATAILLE (1872-1922)

Le mois mouillé



Par les vitres grises de la lavanderie,
J'ai vu tomber la, nuit d'automne que voilà...
Quelqu'un marche le long des fossés pleins de pluie...
Voyageur, voyageur de jadis, qui t'en vas,
A l'heure où les bergers descendent des montagnes,
Hâte-toi. - Les foyers sont éteints où tu vas,
Closes les portes au pays que tu regagnes...
La grande route est vide et le bruit des luzernes
Vient de si loin qu'il ferait peur... Dépêche-toi :
Les vieilles carrioles ont soufflé leurs lanternes...
C'est l'automne : elle s'est assise et dort de froid
Sur la chaise de paille au fond de la cuisine...
L'automne chante dans les sarments morts des vignes...
C'est le moment où les cadavres introuvés,
Les blancs noyés, flottant, songeurs, entre deux ondes,
Saisis eux-mêmes aux premiers froids soulevés,
Descendent s'abriter dans les vases profondes.
Rita-kazem
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Auguste BARBIER Empty Les doux mots ...

Message par Rita-kazem Dim 2 Mai - 18:34


  • Henry BATAILLE (1872-1922)

Les doux mots ...



Les doux mots que morte et passée...
On dirait presque des mots d'amour,
De sommeil et de demi-jour...
La plupart des mots que l'on sait
N'enferment pas tant de bonheur.
On dit Marthe et l'on dit Marie,
Et cela calme et rafraîchit. -
Il y a bien des mots qui pleurent
Ceux-là ne pleurent presque pas...
Marthe, c'est, au réveil, le pas
Des mères dans la chambre blanche,
C'est comme une main qui se pose,
Et l'armoire sent la lavande...
Il faut murmurer quelque chose
Pour se bien consoler, des mots,
N'importe lesquels s'ils consolent,
S'ils endorment et tiennent chaud. -
Ah! loin des meilleures paroles,
Les doux noms que Marthe et Marie,
Les doux mots que morte et passée...
Rita-kazem
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Auguste BARBIER Empty Les souvenirs

Message par Rita-kazem Dim 2 Mai - 18:34


  • Henry BATAILLE (1872-1922)

Les souvenirs



Les souvenirs, ce sont les chambres sans serrures,
Des chambres vides où l'on n'ose plus entrer,
Parce que de vieux parents jadis y moururent.
On vit dans la maison où sont ces chambres closes.
On sait qu'elles sont là comme à leur habitude,
Et c'est la chambre bleue, et c'est la chambre rose...
La maison se remplit ainsi de solitude,
Et l'on y continue à vivre en souriant...
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Auguste BARBIER Empty Soirs

Message par Rita-kazem Dim 2 Mai - 18:35


  • Henry BATAILLE (1872-1922)

Soirs



Il y a de grands soirs où les villages meurent
Après que les pigeons sont rentrés se coucher.
Ils meurent, doucement, avec le bruit de l'heure
Et le cri bleu des hirondelles au clocher...
Alors, pour les veiller, des lumières s'allument,
Vieilles petites lumières de bonnes soeurs,
Et des lanternes passent, là-bas dans la brume...
Au loin le chemin gris chemine avec douceur...
Les fleurs dans les jardins se sont pelotonnées,
Pour écouter mourir leur village d'antan,
Car elles savent que c'est là qu'elles sont nées...
Puis les lumières s'éteignent, cependant
Que les vieux murs habituels ont rendu l'âme,
Tout doux, tout bonnement, comme de vieilles femmes.
Rita-kazem
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