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KHOURY-GHATA sous analyse par:Cécile Oumhani

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Message par nisrine nacer Dim 21 Fév - 15:54

Vénus
KHOURY-GHATA,

Quelle est la nuit parmi les
nuits





Le poète, penché vers le vide d'un puits sans fond, laisse
venir à lui la remontée d'une nuit qui est à la fois la sienne et celle des
autres. Il écoute, patient jusqu'au jaillissement, tourné vers le royaume de sa
page, cerné de sujets et de mots.

Vénus Khoury-Ghata inscrit cette quête
depuis les marges de ce qui est aussi rencontre avec des visiteurs inconnus, qui
surgissent entre les lignes, l'interpellent, veulent se saisir de sa main. Qui
donc restera maître du jeu dans cette écriture de la nuit ? La page se fait
ténèbre nocturne, puis ample tableau noir où s'effacent le temps et l'espace,
rendus à la seule puissance de la mémoire et de blessures qui ont fêlé à jamais
les vitres des fenêtres. La mère arrache obstinément les orties. Par-delà la
mort, elle demeure, personnage d'une page devenue scène du poème.


Appuyée sur le manche de son balai tel le Giaour ottoman sur sa
baïonnette

la mère échangerait sa vie contre un livre
La
nuit dit-elle est un tableau noir

donnez-moi un crayon pour vous
écrire une lettre

quel temps faisait-il le jour de mon
enterrement ?


Prise au feu et à la tempête des mots, la poétesse
aperçoit le terme de la ligne, le bas d'une page et, portée par la vague,
poursuit la réécriture de l'espace, l'explore dans toutes ses directions.
Traversée vaine et affolée :

nos cris me suivent en
haletant

changer de pays et de ville ne sert à
rien

alignés derrière mes fenêtres les voisins morts continuent à
éteindre l'incendie

alors que le vrai feu était dans nos
bouches.


Traversée de ce qui reste par-delà le temps, comme
états successifs, gravés dans une suite sans fin, à l'intérieur de l'enceinte de
la page.

des maisons au nombre des lettres de
l'alphabet

majuscules de pierre sur la pente
lettres de
torchis sur le bord du ravin.


Mots, lignes, mémoire et
terre se rejoignent et se confondent dans un écrit transpercé
d'échos.

Les lecteurs de Une maison au bord des
larmes
, très beau roman autobiographique de Vénus Khoury-Ghata,
les entendront, à travers le prisme de deux textes aux tonalités et à la nature
différentes. Des échos qui renvoient à une seule et même présence de temps
différents. L'imparfait est ici perpétuel voisin du présent.

Le
râteau dans une main

le crayon dans l'autre
je dessine
un parterre

écris une fleur à un pétale
désherbe un
poème écrit entre veille et sommeil.


Elle jardine, arrache
les herbes avec sa mère, cultive le terreau des langues.

quels mots
évoquent les migrations d'hommes et de femmes fuyant

génocides
sécheresse faim

enfants et volailles serrés dans le même balluchon
parlaient-ils

l'araméen caillouteux
l'arabe houleux des
tribus belliqueuses

ou la langue tintant telles billes de verre dans
nos poches d'enfants.


Les mots retentissent avec la singularité de
leurs sonorités, notes sur la portée d'un poème fait aussi d'odeurs et de
saveurs. Espace dévasté par le chagrin, ses habitants ne l'ont pas déserté,
qu'ils soient machine à coudre, fil à linge, pot de fleur ou drap de noce. Et
plantes et arbres y demeurent enracinés, accrochés à ce qu'ils ne peuvent se
résoudre à quitter. Silhouettes de cyprès ou de noyers, thym et basilic…


le sol s'est approprié les odeurs
celle noire de l'encre
renversée

rouge des herbes séchées sur la
rambarde.


Espace où l'on émiette les cris, le poème est
pourtant lieu d'étonnement, de beauté.

Le poème écrit à la chaleur de
l'âtre fond avec la neige

inutile de le chercher dans le
ruisseau

devenus gouttelettes d'eau les mots mangent une terre
muette

ennemie jurée des fleurs
faut-il croire le
jardinier qui prétend écrire l'œillet du poète avec son
sécateur.


Vénus Khoury-Ghata écrit sa certitude des vagues et des
rêves qui ne connaissent aucune limite et font d'un miroir ou d'une chambre leur
demeure. Ses poèmes sont actes de foi en ces instants où le poème est
métamorphose du monde.

Cécile Oumhani
nisrine nacer
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Nombre de messages : 1044
Date d'inscription : 09/09/2008

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