Niveaux de gris

À dos de St-Laurent dans un lent carrousel
Les eaux portent sans fin de lourds charivaris
Sur l’un de ces convois cabotant poivre et sel
L’horizon s’est barré… on ne l’a pas repris

Pourtant des matins bleus fumaient sur ces battures
Des hordes de foins blonds cavalaient sur ces rives
Si juillet reviendra les fées n’en sont pas sûres
La mère des saisons a perdu ses archives

Sans le précieux grimoire et ses nobles épures
Comment saura le sud où se trouve le nord ?
Sans des ordres précis, de strictes écritures,
Jamais avril et mai ne se mettront d’accord

Et l’Île d’Orléans, à beau fleuve promise,
Au bal de la mi-août quand l’or sera de mise
N’aura rien à porter que fadasses guipures
Ses champs n’auront de blé que des neiges impures

Si j’avais au grenier quelques boisseaux de vers
J’écrirais comme un pain une lettre à la vie
Un plaidoyer touchant, une longue homélie
Pour qu’un jour mon pays échappe à ces hivers

Mais il ne reste plus qu’un ramas de silences,
De campagnes râpées par les vents et le gel
Des rivages raidis dans de grises faïences
Et des ciels noir et blanc datant de Fernandel