Poèmes Russes
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Poèmes Russes
Ah! les vains regrets de ma terre, M'ont révélé tous leurs secrets ! Je suis, en tout lieu, solitaire, Peu m'importe où je dois errer... Portant mon sac, je rentre encore Du marché le long des bâtisses, Vers une maison qui m'ignore Comme une caserne, un hospice... Mais peu m'importe de connaître, Pauvre lionne hérissée, Tous les milieux d'où je vais être Infailliblement évincée. N'étant plus de ma langue éprise, Et sourde à son appel lacté, Ne pouvant plus être comprise, Je vois des mots la vanité. Ma voix montant du fond des âges, Tu ne liras pas mes feuillets, Lecteur de pages et de pages, Lecteur de tonnes de papier ! L'arbre qui, seul, pousse à l'écart Ne rejoindra l'allée jamais, Et rien ne peut plus m'émouvoir De ce que j'ai le plus aimé. Sur une feuille vide et lisse Les lieux, les noms, tous les indices, Même les dates disparaissent. Mon âme est née, où donc est-ce ? Toute maison m'est étrangère, Pour moi tous les temples sont vides, Tout m'est égal, me désespère, Sauf le sorbier d'un sol aride... | Ô larmes des obsèques, Cris d'amour impuissants ! Dans les pleurs sont les Tchèques, L'Espagne est dans le sang. Comme elle est noire et grande, La foule des malheurs ! Il est temps que je rende Mon billet au Seigneur. Dans ce Bedlam des monstres Ma vie est inutile; À vivre je renonce Parmi les loups des villes. Hurlez, requins des plaines ! Je jette mon fardeau, Refusant que m'entraîne Ce grand courant des dos... Voir... Non, je ne consens, Écouter... Pas non plus; À ce monde dément J'oppose mon refus ! Paris, 15 mars-11 mai 1939 (extraits de «Anthologie de la poésie russe», nrf, Poésie/Gallimard, éd. |
samuel samhoun- Nombre de messages : 724
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Marina Tsvetaieva
...est une poète russe née à Moscou en 1892. On a dit qu'elle était l'une des quatre plus grands poètes russes du 20e siècle, parmi Anna Akhmatova, Osip Mandelstam et Boris Pasternak. Aussi, Rainer-Maria Rilke a su discerner dans ce poète isolé et mal connu l'une des toutes premières voix de notre époque.
Pasternak la décrit comme suit : «Tsvetaieva était une femme à l'âme virile, active, décidée, conquérante, indomptable. Dans sa vie comme dans son oeuvre, elle s'élançait impétueusement, avidement, vers le définif et le déterminé; elle alla très loin dans cette voie, et y dépassa tout le monde.. Elle a écrit une grande quantité de choses inconnues chez nous, des oeuvres immenses et pleines de fougues».
(extrait de Anthologie de la poésie russe, nfr, Poésie/Gallimard, éd. 1993).
Pour entrer dans le «coeur du sujet», rien de mieux que de lire sa poésie...
Pasternak la décrit comme suit : «Tsvetaieva était une femme à l'âme virile, active, décidée, conquérante, indomptable. Dans sa vie comme dans son oeuvre, elle s'élançait impétueusement, avidement, vers le définif et le déterminé; elle alla très loin dans cette voie, et y dépassa tout le monde.. Elle a écrit une grande quantité de choses inconnues chez nous, des oeuvres immenses et pleines de fougues».
(extrait de Anthologie de la poésie russe, nfr, Poésie/Gallimard, éd. 1993).
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Marina Tsvetaeva
De mes vers, écrits si tôt Que je ne me savais pas poète Jaillis comme l'eau des fontaines Comme le feu des fusées S'engouffrant comme des diablotins Dans le sanctuaire plein de rêves et d'encens De mes vers de jeunesse et de mort --- De mes vers jamais lus !---- Jetés dans la poussière des libraires (Où personne n'en veut ni n'en a voulu) De mes vers, comme des vins précieux Viendra le tour mai 1913 | Et tombe une ceinture de soie À ses pieds --- tel un serpent divin On me dit que je serai calme Un jour, là-bas, sous la terre Je vois, arrogant et vieux Mon profil sous le brocart blanc Quelque part --- des gitans --- des guitares Et des garçons en manteau noir Et quelqu'un se cachant sous un masque --- Qui est-ce ? --- Je ne sais --- Devine !--- Et tombe la ceinture de soie Sur la place, ronde comme le paradis 14 mai 1917 |
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Marina Tsvetaeva
D'où me vient la tendresse ? J'ai caressé d'autres boucles Et j'ai connu des lèvres Plus sombres que les tiennes Les étoiles s'allumaient et mouraient (D'où me vient la tendresse ?) Et les yeux s'allumaient et mouraient Plongés dans mon regard J'ai entendu d'autre chants Dans la nuit sombre et noire (D'où me vient la tendresse ?) La tête sur le coeur du chanteur 18 février 1916 | Si vous saviez, passants, attirés Par d'autres regards charmants Que le mien, que de feu j'ai brûlé Que de vie j'ai vécu pour rien Que d'ardeur, que de fougue donnée Pour une ombre soudaine ou un bruit... Et mon coeur, vainement enflammé, Dépeuplé, retombant en cendres Ô, les trains s'envolant dans la nuit Qui emportent nos rêves de gare... Sauriez-vous tout cela, même alors, Je le sais, vous ne pourriez savoir Pourquoi ma parole est si brusque Dans l'éternelle fumée de cigarettes Et combien de tristesse noire Gronde sous mes cheveux clairs mai 1913 |
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Je ne réfléchis pas. Je ne me plains pas Je ne discute pas Je ne dors pas Je n'ai de goût ni Pour le soleil, ni Pour la lune, ni pour la mer Ni pour le bateau Je ne sens pas la chaleur entre ces murs Ni la fraîcheur du jardin Je n'attends par le cadeau attendu Depuis longtemps désiré Le matin ne me plait pas; ni La marche rythmée du tramway Je ne vois pas le jour. J'oublie La date. J'oublie le siècle La corde s'effiloche, semble t-il Et moi, je ne suis qu'un petit funambule Et moi, ombre de l'ombre de l'autre Somnambule aux deux lunes sombres 13 juillet 1914 | Tous les yeux sont ardents --- sous le soleil Chaque jour est un jour différent Je te le dis pour le cas Où je te tromperais : quelles Que soient les lèvres Que j'embrasse, à l'heure d'amour A la mi-nuit noire, à qui que ce soit Que je jure furieusement de vivre Comme une mère à son enfant Comme fleurit une fleur Sans jamais promener mon regard Sur qui que ce soit d'autre... Tu vois, cette petite croix en cyprès Car --- tu la connais ---, tout S'éveillera --- à ton premier signe --- Sous ma fenêtre 22 février 1915 |
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